« La deuxième proposition du paragraphe 3 me semble riche de prolongements intéressants : “Développer une compréhension théologique du Judaïsme qui affirme son intégrité spécifique … en mettant en lumière la mission commune des Juifs et Chrétiens de préparer le monde pour le royaume des cieux ou le monde à venir.”
« Préparer le monde pour le royaume des cieux ou le monde à venir » ne peut se faire que dans l’histoire. Cette mission commune est basée sur des prémisses communes. L’instrument à notre disposition est la tradition juive dans laquelle s’enracine le christianisme et qui lui est transmise par le Christ. La Torah orale nous livre un sens de Dieu, de sa parole inépuisable, de sa transcendance inscrite en chaque être humain, du devoir de chacun d’en exprimer ce que lui seul peut en dire à partir de sa spécificité inaliénable, et de l’obligation qui en résulte nécessairement d’écouter autrui. Les grandes intuitions de la lecture juive de l’Écriture sont transmises aussi aux chrétiens : profusion de sens, nécessité de la recherche, de la nouveauté, du débat, des disputes faites « au nom du Ciel ». Nos diversités infinies ne peuvent trouver leur place et leur sens que dans l’acceptation de la souveraineté du Dieu UN en lequel s’organisent de façon harmonieuse toutes différences et toutes oppositions. L’ouverture à cette transcendance interdit tout système clos sur lui-même, mais ouvre au contraire à un avenir enrichi sans cesse de découvertes nouvelles.
La perception religieuse de l’absolu ne peut manquer de se concrétiser dans la vie concrète. Les religions façonnent un type d’homme et de société. Juifs et chrétiens, nous avons en commun un trésor à mettre au service de l’humanité. L’acceptation de la seule Puissance qui mérite notre allégeance, la prise sur nous du « joug du Royaume des Cieux », conteste radicalement toute volonté humaine de pouvoir absolue, tout forme d’autoritarisme et de dictature. Seule la référence à la transcendance permet une unité qui ne soit pas monolithique, mais qui donne au contraire à chacun toute sa dimension. L’esprit du débat demandé par la Torah orale peut dynamiser les idéaux démocratiques qui représentent ce qu’il y a de meilleur dans nos sociétés actuelles. Transposée dans la vie concrète, l’obligation de la recherche et de la nouveauté, rendue possible grâce à la réserve de sens inépuisable mise à notre disposition, est en mesure d’offrir à notre humanité des voie nouvelles qui ne soient pas des impasses.
Il va sans dire que toutes ces valeurs sont à mettre en œuvre d’abord dans nos communautés respectives. À cette condition elles peuvent être un témoignage et un moteur pour notre monde en recherche de sens et d’avenir. »
Texte paru en mai 2010 sur le site de l’AJCF de Lyon