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Michèle Gans, Survivre : les enfants dans la Shoah

L’ère du témoin (titre d’un ouvrage d’Annette Wieviorka) est-elle définitivement révolue ? Directrice du département international du musée Lohamei Haghetaot [Combattants des Ghettos] en Galilée (Israël), créé dès 1949 dans le kibboutz du même nom par des rescapés de la Shoah, et responsable du programme français de Yad Layeled [Mémorial de l’enfant], fondé en 1995 en annexe au musée afin procurer des outils pédagogiques pour enseigner la Shoah dans les classes de collège, Michèle Gans vient de produire un recueil de témoignages d’enfants qui prouve qu’il n’en est rien. Les enfants sont encore présents pour dire la persécution raciale et raconter leur odyssée pour échapper à la Shoah.

Le souci pédagogique est constant : les témoignages alternent avec de brèves études sur le sort des enfants juifs dans toute l’Europe soumise à la barbarie nazie. Un rappel sur les premières vexations subies par les enfants juifs dans les écoles allemandes, quand instituteurs et écoliers discriminaient légalement, est salutaire car l’on oublie vite l’éducation à la persécution instaurée par les nazis. Les photos d’enfants dans les ghettos et les récits des survivants interpellent le lecteur du même âge et l’éveillent à la vigilance contre toute persécution. Dans les ghettos, les enfants ont parfois eu la charge de nourrir leur famille en se glissant hors les murs tout en risquant leur vie. L’espoir était leur « kit de survie » ! Et puis il y eut les Justes qui ont tendu la main, caché des enfants, parfois dans des souterrains.

Un rappel sur l’oeuvre de Janusz Korczak et son sort lié à celui de ses enfants de l’orphelinat confirme l’intention éducative de l’ouvrage.

« Les jours d’après » sont fait de blessures : les ravages sont irréparables. Les grands procès permettent parfois de se reconstruire. Au procès d’Eichmann, en Israël en 1961, des adultes vinrent témoigner de la souffrance des enfants (notamment la déposition de Georges Wellers). Au procès de Klaus Barbie, à Lyon en 1987, Serge Klarsfeld évoqua la rafle des enfants de la Maison d’Izieu.

En fin d’ouvrage, le lecteur retrouve quelques enfants devenus adultes, parents et grands-parents. « Finalement les nazis ont échoué, complètement échoué » (p. 103) se rassure Nili Goren lorsqu’elle participe à des réunions de famille : « …tant de monde, tous ces beaux enfants si doués, si réussis » (p. 103). D’autres sont plus meurtris car aux décès de la Shoah s’ajoutent ceux des morts pour la survie de l’Etat d’Israël (Ruth Ben Moshe qui a perdu un de ses fils et un de ses petits-fils dans les guerres israélo-arabes).

Simone Veil, elle-même déporté à Auschwitz à l’adolescence, a préfacé ce recueil. Il est enrichi d’une chronologie et d’une liste d’adresses d’institutions (musées, centres d’archives et mémoriaux) « pour en savoir plus ».

Cet ouvrage devrait occuper les rayonnages des bibliothèques des collèges.

Danielle Delmaire
Recension parue dans Tsafon, Revue d’études juives du Nord, publiée sur le site AJCF avec l’accord de l’auteur et de la revue.

Michèle Gans, Survivre : les enfants dans la Shoah

Editions Ouest-France, Rennes,
paru le : 24/06/2011, 127 p., 17,90€