A lire : la présentation et des commentaires différents
L’auteur décrit dans une bande dessinée le séjour d’un « naïf » à Jérusalem pendant une année. Mari d’une responsable administrative de Médecins sans frontières qui travaille à Jérusalem-Est et dans les territoires palestiniens, dessinateur et homme au foyer il s’occupe de ses deux enfants, et découvre dans sa vie quotidienne la complexité de la situation locale.
Avec un dessin simple mais très varié et des dialogues concis mais percutants, l’auteur réussit à exprimer tous les aspects du problème israélo-palestinien avec la naïveté de celui qui débarque en terre inconnue.
Les caractéristiques du milieu expatrié apparaissent dans l’aspect provisoire du logement où s’entassent les strates des occupants précédents. Les représentants de différentes ONG se retrouvent dans des soirées communes, se donnent des conseils pratiques, essaient d’obtenir des informations de politiciens silencieux et doutent de l’efficacité de leur action.
Le contraste entre les différentes parties et quartiers de Jérusalem étonne bien sûr le primo arrivant, mais le lecteur suit avec joie sa découverte progressive et son émerveillement devant la vieille ville vue d’une terrasse. L’absence de correspondance des transports entre les quartiers juifs et arabes, les horaires d’ouverture différents suivant les dominantes religieuses des quartiers, des écoles et des jardins d’enfants surprennent beaucoup le père au foyer.
Dans les check-points, la vie quotidienne, avec les vendeurs ambulants, cohabite avec la tension et la violence prête à surgir ainsi qu’avec le voyeurisme des photographes professionnels et amateurs. Le dessinateur et sa femme les franchissent assez facilement mais les lieux sont sinistres et l’angoisse permanente. Le mur de séparation est l’objet de nombreux dessins, y compris lorsqu’il est interdit de dessiner le mur ! Des associations rassemblent israéliens et palestiniens pour faire connaître ces difficultés quotidiennes.
Le contraste entre la violence des oppositions politiques, religieuses et les pratiques communes de la vie quotidienne est bien vu : ignorance réciproque de ce qui se fait à Jérusalem Est et Ouest, mais achat commun des produits alimentaires dans des magasins d’implantations israéliennes.
Un retour en Israël du dessinateur après une mission à l’étranger ne présente pas de difficulté à la police des frontières jusqu’au moment où il indique que sa femme travaille aussi à …Gaza, ce qui change tout !
En décembre, au moment de l’intervention israélienne à Gaza, les difficultés d’accès des ONG et des médecins, jugés trop nombreux, sont décrites avec de simples cartes à l’appui. Le contraste avec la vie normale à Jérusalem est qualifié de terrible et d’indécent.
Les vastes problèmes religieux sont bien sûr pris en compte par l’auteur qui remercie Dieu de l’avoir fait athée : juifs ultra orthodoxes qui refusent l’État d’Israël en attendant l’arrivée du Messie ; évangéliques américains qui soutiennent un grand Israël pour provoquer le retour du Christ ; chrétiens tendus pour le partage de l’administration du Saint-Sépulcre ; juifs de Mea Shearim agressant les automobilistes le jour du Shabbat ; spécificité des samaritains, etc.
La vie des étudiants palestiniens présente des contrastes, plus rigide à Naplouse où les bandes dessinées sont pratiquement inconnues, plus libre à Ramallah où les étudiants sont au courant des dernières nouveautés.
Deux visites d’Hébron, l’une par le représentant d’une ONG et l’autre par un colon, fournissent des visions complémentaires.
Au milieu des difficultés l’auteur trouve un havre de paix pour dessiner, l’église luthérienne Augusta Victoria, mais est-ce raisonnable de s’isoler dans ce pays où il y a tant à découvrir ? Du coup, l’inspiration ne vient pas.
Avec quelques 2000 dessins l’auteur décrit remarquablement la vie quotidienne et ses spécificités. C’est une bande dessinée incontournable pour s’initier à ce pays complexe ou revivre sur le mode humoristique des expériences vécues.
Chroniques de Jérusalem a obtenu le Fauve d’Or d’Angoulême, prix du meilleur album 2012.