Peu après il profita des Journées Mondiales de la Jeunesse qui se tenaient à Cologne en août 2005 pour se rendre à la synagogue de cette ville où il prononça le 19 août un discours sur la nécessité du dialogue : « Je veux confirmer mon désir de poursuivre avec une grande vigueur le chemin en vue d’une amélioration des relations et de l’amitié avec le peuple juif, chemin sur lequel le Pape Jean-Paul II a fait des pas décisifs ».
Il cita l’apôtre Paul « Les dons de Dieu et son appel sont irrévocables » (Rom 11, 16-24). Et il évoqua les racines juives du christianisme. Célébrant ensuite les 40 ans de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate, Benoît XVI estimait que « le dialogue entre juifs et chrétiens doit continuer à enrichir et à renforcer les liens d’amitié qui se sont développés ». Il est vrai que comme cardinal en charge de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Josef Ratzinger, l’un des plus proches collaborateurs de Jean-Paul II, avait accompagné les grandes avancées du pontificat dans le domaine de la compréhension du judaïsme par le catholicisme.
Comme son prédécesseur, il se rendit au camp d’Auschwitz-Birkenau (28 mai 2006), à Yad Vashem et au Mur occidental du Temple à Jérusalem (mai 2009), à la Grande Synagogue de Rome (17 janvier 2010) où il voulut réaffirmer vouloir « parcourir un chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié ».
Pourtant, certains actes ou textes de Benoît XVI ont pu susciter de nouvelles méfiances de la part des autorités rabbiniques et de l’émoi parmi les croyants juifs. On peut évoquer le projet de béatification de Pie XII, ou la levée de l’excommunication des évêques ordonnés par Mgr Lefebvre, dont Mgr Williamson négationniste notoire. Le Motu proprio du 7 juillet 2007 autorisant la prière traditionnelle du Vendredi Saint a entraîné bien des réactions négatives, malgré une formulation atténuée. En 2018, un article publié dans la revue Communio en commentaire du texte de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (Rm 11, 29). Une réflexion théologique sur les rapports entre catholiques et juifs à l’occasion du 50° anniversaire de Nostra Aetate (n. 4) » pour les 50 ans de Nostra Aetate, a suscité bien des interrogations. Le pape émérite repensait en théologien, dans une sorte de méditation personnelle et sans engager le Magistère de l’Église, la théorie de la substitution et le caractère irrévocable de l’Alliance établie par Dieu avec Israël ainsi que la question de la Terre d’Israël, exprimant des positions nuancées, mais en retrait par rapport aux documents émis par le Saint-Siège depuis 1965.
L’AJCF souhaite se souvenir du pape Benoît XVI comme d’un grand défenseur de l’amitié – terme qu’il utilisait souvent – entre juifs et chrétiens comme l’illustrent trois faits.
A peine élu Pape, il prit la décision courageuse de mettre fin au processus de béatification du père Léon Dehon, prêtre engagé dans l’action sociale et fondateur de la congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur, mais auteur de textes antisémites. La cérémonie de béatification était prévue le 24 avril 2005.
Benoît XVI attacha toujours une grande importance à la transmission de la mémoire de la Shoah. Son discours au Bundestag de Berlin le 22 septembre 2011 reste un modèle d’engagement mémoriel fort. Adolescent, il avait connu malgré lui les Jeunesses hitlériennes. Il savait la valeur de la connaissance historique.
Dans son livre Jésus de Nazareth 2° partie, De l’entrée à Jérusalem à la résurrection, paru en 2011, Benoît XVI cite longuement le rabbin Jacob Neusner. « Après des siècles d’opposition, nous nous reconnaissons le devoir de faire en sorte que ces deux manières de faire une nouvelle lecture des écrits bibliques – celle des chrétiens et celle des juifs – entrent en dialogue entre elles, pour comprendre correctement la volonté et la parole de Dieu ».
L’AJCF salue en Josef Ratzinger/ Benoît XVI, un théologien subtil dont les études précises et parfois austères, montrent que la connaissance mutuelle et l’amitié entre juifs et chrétiens sont toujours à approfondir dans la vérité, et un pape déterminé à poursuivre l’œuvre engagée par le concile Vatican II, élargie par son prédécesseur, et lutter sans relâche contre la haine antisémite.
Lors des Vêpres à Notre-Dame de Paris en septembre 2008, il prononça cette prière : « Béni soit Dieu, qui nous donne la grâce de Lui faire l’hommage de notre prière vespérale pour Lui rendre la louange qu’il mérite avec les paroles que la liturgie de l’Église a héritées de la liturgie synagogale pratiquée par le Christ et par ses premiers disciples. »
Jean-Dominique Durand
Président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France