Des juifs chassés de restaurants ou de cafés, à Marseille, à Vienne, à Málaga, en Grèce ; Des enfants juifs français débarqués d’un avion ;
Des passagers d’un bateau empêchés de débarquer en Grèce ;
Des enfants israéliens interdits d’entrer dans un parc de loisirs dans les Pyrénées Orientales ; L’hébreu défini comme une « langue d’affameurs et de barbares » par un journaliste célèbre ; Des étudiants en droit d’une université belge qui se dit libérale, fondée jadis par la franc- maçonnerie pour combattre l’influence des universités catholiques, se placent sous l’égide d’une députée européenne tristement célèbre pour son soutien au Hamas ;
Des universités françaises reçoivent sans contrôle préalable des « étudiants » gazaouis, qui se révèlent des thuriféraires d’Adolf Hitler ;
Indifférence générale face à l’exhibition par le Hamas des otages Evyatar David (24 ans) et Rom Braslavski (21 ans), déshumanisés : le silence, ou pire la justification.
Et le mois de septembre s’ouvre avec la plaque en l’honneur d’Itzhak Rabin à Bron, couverte de croix gammées...
La liste est interminable. Rien ne semble pouvoir arrêter cette pathologie de l’antisémitisme qui se nourrit d’un délire accusatoire contre Israël.
En France, la loi interdit aujourd’hui de présenter au grand jour, les affiches de sinistre mémoire, « Interdit aux juifs » car il n’y a plus d’antisémitisme d’État ; mais plus rien ne semble pouvoir l’empêcher dans les faits. La haine ne se cache plus, elle s’étale et s’étend, elle se normalise en quelque sorte, entraînant une mise à l’écart particulièrement insidieuse des juifs dans la société. Nous ne sommes plus au temps de Vichy où les juifs étaient désignés officiellement comme des parias, mais la méthode est vicieuse, répandue jour après jour par des images fabriquées, des fake news, même par les médias aux apparences respectables.
Nous nous trouvons face à une multiplication d’actes infâmes, dont la multiplication désespérante pourrait finir par désarmer toute volonté de combattre.
C’est pourquoi est temps de réagir si nous voulons que les juifs qui vivent en France s’y sentent bien, ne vivent plus dans la peur, contraints de se cacher, de modifier leur patronyme, de cacher leur mezouzah, si nous voulons éviter les conditions d’une nouvelle Shoah. Car nous savons aujourd’hui que la haine antisémite débridée conduit à Auschwitz et au pogrom du 7 octobre.
Nous nous sommes posé souvent la question à l’AJCF : que faire ? L’Amitié renouvelle constamment l’amitié entre chrétiens et juifs, elle dit et redit sa mission irrévocable de soutien et de solidarité, elle la vit intensément. Est-ce suffisant dans le contexte actuel ? Il faut certainement aller au-delà, entrer dans une action volontaire.
Les groupes locaux peuvent faire des démarches auprès des maires afin qu’un arbre soit planté à la mémoire d’Ilan Halimi, comme à Saint-Raphaël ; à Béziers une place du 7 octobre a été inaugurée ; ils peuvent aider toute initiative pour mettre en valeur l’amitié avec la communauté juive, comme le fait le groupe AJC de Nîmes en soutenant la réinstallation dans un parc, d’un buste de Bernard Lazare, le premier défenseur d’Alfred Dreyfus.
A Montpellier, le 1° septembre, une école portant les noms de Jules Isaac et de Sophie Scholl a été inaugurée, en présence du président de l’ALJCF et de Carol Iancu, prix AJCF 2024. Quel magnifique symbole que ce double nom, un juif et une chrétienne, symboles du courage face au nazisme et d’une volonté de paix et de réconciliation. L’AJCF remercie le Maire de Montpellier, M. Michaël Delafosse et son Conseil municipal, pour leur courage, parce qu’il faut bien le dire, il faut du courage aujourd’hui, pour donner de tels noms à une école.
Une initiative venue d’Allemagne, peut nous interroger : à Munich, le 18 juillet, au cœur de cet été désastreux, des chrétiens ont allumé une lueur d’espoir : face à une manifestation propalestinienne organisée la veille de shabbat à proximité de la synagogue de Jacobplatz, avec des risques de dérapage, plusieurs centaines de personnes ont voulu protéger le temple juif, par une veillée et en formant une véritable chaîne humaine.
Le moment n’est-il pas venu de demander partout où cela s’avèrerait possible, de demander aux prêtres et aux pasteurs, d’organiser des moments de prière pour protéger notre pays du retour de l’antisémitisme, de la haine du peuple d’Israël au sein duquel le Christ est né, a grandi, et a porté en premier son message de paix ?.
Et puis, nous entrons dans les mois qui viennent, dans la commémoration de la Déclaration Nostra Aetate, votée par le concile Vatican II et promulguée par le pape Paul VI le 28 octobre 1965, une date clé dans l’histoire des relations entre juifs et chrétiens. Ce texte fondamental, à l’origine duquel on trouve les réflexions et l’action de Jules Isaac pour mettre fin à ce qu’il appelait « l’enseignement du mépris », mérite plus que jamais d’être relu, étudié, approfondi.
En cette rentrée si inquiétante, l’Amitié Judéo-Chrétienne de France a une responsabilité particulière, celle d’agir avec détermination pour que les juifs de France ne se sentent pas relégués au rang de « lépreux » selon l’expression de Jules Isaac en 1941.
L’inauguration de cette école au nom judéo-chrétien à Montpellier, l’engagement de nombreux maires à travers la France, dont celui justement de Montpellier, et aussi ceux de Saint-Raphaël, de Béziers et de Lyon, parmi tant d’autres, de planter des arbres en l’honneur d’Ilan Halimi, la détermination de la Justice pour condamner – enfin – lourdement les auteurs d’actes antisémites, tout cela montre que tout n’est pas perdu, que nous devons être déterminés, et plus que jamais en liens avec les juifs.
Jean-Dominique Durand
4 septembre 2025