PRIER POUR LES JUIFS
Prier pour quelqu’un, c’est entrer dans sa vie, mais en essayant de la considérer, si possible, non pas de notre point de vue mais du point de vue de Dieu, notre Père commun. Prier pour d’autres, c’est se détacher de nos propres désirs et jugements pour chercher le lieu où nous pouvons avec eux habiter en paix et partager les plus profondes attentes. Il y a donc une éthique de la prière, qui est donc une éthique de la communion, différente de celle du dialogue où l’on exprime et accepte les différences. Cette éthique est respectée quand, dans le rituel de Paul VI, nous demandons à Dieu le Vendredi Saint de « conduire à la plénitude de la rédemption le premier peuple de l’Alliance ». La plénitude de la rédemption, la réconciliation avec Dieu, l’entrée dans le Royaume nous l’espérons comme les juifs, avec les juifs.
Au lieu de traduire le texte post-conciliaire à l’usage de ceux qui veulent célébrer en latin, on en insère un autre dans leur rite. Ils prieront pour que les juifs « reconnaissent Jésus comme sauveur de tous les hommes ». Certes la foi en Jésus sauveur universel est le cœur du christianisme, mais prier pour les juifs est-ce réaffirmer notre point de vue à leur égard ou bien chercher avec eux un point de rencontre, de communion ? L’implicite de cette formule « traditionaliste » est que les chrétiens sont les seuls dans la voie de salut puisque c’est le Christ qui sauve tous les hommes. Et c’est pourquoi les juifs doivent les rejoindre dès maintenant. Si bien qu’à leur vœu que les juifs progressent spirituellement, certains catholiques associeront l’expression de leur propre supériorité, en donnant à celle-ci le nom de Jésus. Saint Paul, auquel cette prière fait allusion, parlait autrement : tous pécheurs, pour être tous sauvés.