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Intervention de Gérard Israël

Président de la commission du CRIF chargé des relations avec l’Église catholique et le monde chrétien

Remise du prix de l’Amitié judéo-chrétienne au Père Michel Remaud
Le 20 octobre 2010


Michel Remaud est un prêtre de l’Église catholique.
Le caractère de sa vocation me semble principalement tenir à son engagement envers la terre d’Israël, le peuple d’Israël à qui Dieu avait parlé.

Au lendemain du Concile Vatican II, alors que l’Église catholique venait de proclamer, pour la première fois à ma connaissance, un document spécifiquement consacré aux juifs, au respect qui leur est dû, à la pérennité de leur parole, et à l’invariabilité des commandements, Michel Remaud qui travaillait alors avec le cardinal Lustiger n’a pas hésité. C’est en Israël que les choses se passent et c’est donc là qu’il s’est installé, au sens fort, voilà plus de trente ans.
Il ne s’agissait pas seulement pour le jeune prêtre de reconnaître les paysages décrits par l’Évangile ni de commémorer les Lieux saints chrétiens ni même d’aller, au sortir d’un grand massacre à la rencontre du peuple des rescapés ni d’étudier dans la langue de Jésus, l’araméen et l’hébreu, les fondements même de la foi chrétienne ; il fallait prouver que les chrétiens reconnaissaient en Israël la racine de leur croyance, voire de leur existence même, mais aussi la frondaison de ce qui a constitué historiquement et spirituellement la religion de Jésus.
L’étude ardente de la tradition juive, en Israël, en ce lieu que Jésus a parcouru, lui semblait une garantie supplémentaire de la foi catholique.

La présence chrétienne, celle des chrétiens qui savaient que sans la Bible hébraïque le Nouveau Testament serait « indéchiffrable » pour reprendre le concept de Benoît XVI.
Cette présence était religieusement significative.
Michel Remaud allait ainsi modestement mais fermement, à l’encontre de l’incroyable assertion d’un patriarche latin de Jérusalem, Mgr Sabbah, aujourd’hui à la retraite, qui dans une interview au journal Le Monde se réjouissait presque que des chrétiens soient peu nombreux en Israël. Il disait « Être peu nombreux en terre sainte fait partie d’une vocation pour la bonne raison que Jésus y est venu, il y a deux mille ans, n’a pas été accepté et reconnu. »

Eh bien NON démontre Michel Remaud par sa seule présence, tant il est vrai que les chrétiens sont largement chez eux en Israël. Jésus est né sur cette terre, il y a rassemblé ses premiers disciples, il a parlé au peuple juif des campagnes et des villes, trouvé la mort et il y reste, selon la tradition chrétienne, toujours attendu, car c’est là qu’il reviendra, selon l’Église.
L’Église d’aujourd’hui, l’Institut Albert Decourtray, et tant de figures éminentes de la chrétienté, le rappellent éminemment. ; Même si, soit dit entre parenthèses, pendant quatre siècles, de la chute de Byzance (1453) et la guerre de Crimée (1854) le regard du Vatican se soit quelque peu détourné de la Ville sainte.

Les voyages de Jean Paul II et de Benoît XVI ont montré que l’Église catholique a respecté la continuité du culte de Jérusalem… quelle que soit l’importance de Rome dans l’histoire du christianisme ; Jean Paul II en priant devant le mur du Temple, et Benoît XVI en parlant à Jérusalem de « réconciliation entre juifs et chrétiens. »

Michel Remaud reste vigilant : Il sait que l’Église est universelle, qu’elle comprend des peuples variés et surtout que Vatican II subit des critiques occultes précisément parce qu’il est question de voir autrement Israël et le peuple juif. Il sait que se fait jour au sein de l’Église une tendance critique au regard d’un enseignement novateur, voulu par le Saint Siège, concernant une tradition fondée sur la Torah, les prophètes et les psaumes.

Michel Renaud perçoit chez certains traditionalistes chrétiens une sorte de résurgence des théories d’un théologien né chrétien au II° siècle, Marcion. Celui-là pensait que le Dieu d’Israël et le Dieu de Jésus n’avaient aucun rapport entre eux, qu’ils étaient antithétiques, antinomiques. L’un était juste et vindicatif, l’autre amour et miséricorde.

Marcion allait encore plus loin, il disait que les évangiles avaient été inspirés par le Sanhédrin et qu’à l’exception de celui de Luc, proche de l’enseignement de Saint Paul, il fallait y renoncer.
Et ce sont ces théories que Marcion est allé exposer à Rome, sachant qu’à l’époque, les juifs étaient considérés comme des adversaires de Jésus, donc de Dieu.
Que croyez vous qu’il advint alors ? Eh bien ce fut Marcion que l’Église de Rome excommuniât.

Où réside aujourd’hui le danger ? S’interroge Michel Remaud.
Ceux qui s’opposent à la réconciliation entre juifs et chrétiens donc à la politique suivie par quatre papes successifs, se tournent vers une interprétation actualisée des théories de Marcion dont l’essentiel consisterait en une rupture définitive avec Israël, avec sa Loi avec son peuple… avec son Dieu.
Il est bon qu’aujourd’hui l’Église catholique, les protestants et des orthodoxes soient conscients du danger.

« Sans Israël, la foi chrétienne se flétrirait comme une fleur desséchée » écrit Benoît XVI.
Heureusement des hommes comme Michel Remaud sont là qui montent une garde rigoureuse, sans concession, face à ce tourment que signifierait l’annulation des sources mêmes du christianisme.

Voilà pourquoi, Mesdames Messieurs, l’AJCF reconnaît en Michel Remaud un homme indispensable qui a eu le courage d’écrire, « Le salut de l’humanité passe par la réconciliation entre Israël et les Nations. »
Voilà pourquoi il est à l’honneur aujourd’hui.
Voilà pourquoi nous lui sommes reconnaissants.