Les intentions de Benoît XVI exprimées dans le décret qui lève l’excommunication des évêques lefebvristes - décision canonique, et non théologique sur le contenu de la foi - s’efforcent de consolider les « relations de confiance et de stabiliser les rapports de la Fraternité (NDLR : Saint-Pie-X) avec le Saint-Siège » et de « supprimer le scandale de la division ». Cette décision ne fait donc pas disparaître le schisme. Car, dit encore le décret romain levant les excommunications, elle devra être « suivie de la réalisation (...) de la pleine communion avec l’Église », ce qui suppose « une vraie reconnaissance du Magistère et de l’autorité du pape ». Et donc l’acceptation sans réserve du concile Vatican II.
Dans sa démarche pour obtenir la levée de l’excommunication, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X, disait : « Nous sommes toujours fermement déterminés dans notre volonté de rester catholiques. (...) Nous acceptons son enseignement. (...) Nous croyons fermement à la primauté du pape et à ses prérogatives. » Ajoutant une inquiétude : « Nous acceptons et nous faisons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican II au sujet duquel nous émettons des réserves. » Quelles réserves ? S’agit-il seulement de la liturgie, comme on n’a cessé de le dire ? Non, car cette réserve a été levée par le motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI accordant la possibilité de célébrer la liturgie de saint Pie V, antérieur au Concile.
Cette focalisation sur la liturgie nous égare sur la véritable divergence. En vérité, dès le début du schisme, Paul VI en a relevé le fondement : « Vous vous dites soumis à l’Église, fidèles à la Tradition par le seul fait que vous obéissez à certaines normes du passé. (...) La Tradition n’est pas figée (...) qui bloquerait à un moment déterminé dans l’histoire la vie de cet organisme actif qu’est l’Église. (...) Il revient au pape et au Concile de porter un jugement pour discerner dans les traditions auxquelles il n’est pas possible de renoncer (...) le dépôt de la foi pour faciliter (...) la mission de l’Église à travers les temps (...) pour mieux traduire le message divin dans le langage d’aujourd’hui . » (Lettre publiée dans La Documentation catholique n° 1710, décembre 1976).
Il n’est pas difficile de discerner, à partir de là, ce qui fut refusé par Mgr Lefebvre, notamment le n. 4 de la déclaration Nostra ætate par laquelle Vatican il appelait les catholiques à un renouvellement de leur regard sur le peuple juif.
Dans cette perspective, le négationnisme de Mgr Williamson est grave. Au-delà d’une pseudo-interprétation historique, il adhère à une idéologie qui, par la négation de la Shoah, blanchit le nazisme dans sa volonté d’éradiquer l’éthique dont le peuple juif est la racine. Mgr Williamson ne s’est pas repenti. Si l’on ajoute à ces événements la perception par les juifs, comme un nouvel appel à la conversion, de cette phrase de la prière du Vendredi saint concédée aux traditionalistes (« pour que notre Dieu et Seigneur illumine leur cœur et qu’ils reconnaissent Jésus comme sauveur du Monde »), en raison des conversions forcées qu’ils ont subies dans l’histoire, on comprend que la communauté juive s’interroge sur la possibilité d’un vrai dialogue.
La Fraternité Saint-Pie-X a-t-elle renoncé aux déviances évoquées ? On peut en douter quand, le dimanche 25 janvier, le curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet a déclaré : « La Tradition catholique n’est plus excommuniée », l’heure est venue « de montrer au pape, aux évêques, aux prêtres (...) que la crise a pour origine le Concile lui-même ».
À la « délicatesse » du pape, nous le constatons, il est répondu par un double langage.