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Autour de la figure d’Hérode, par Michel Remaud

Beaucoup de revues et de sites Internet ont fait écho, de façon plus ou moins approximative, à la découverte de ce qui est très vraisemblablement le tombeau d’Hérode, et plusieurs d’entre eux ont fait un amalgame plus ou moins réussi entre le compte-rendu de cette découverte et l’histoire du massacre des innocents (Mt 2,16-18), auquel le professeur Ehud Netser, sauf erreur, n’a pas fait allusion dans sa conférence de presse. C’est du moins l’occasion d’évoquer l’arrière-fond de cet épisode dans la tradition juive.

Le livre de l’Exode raconte comment Pharaon, inquiet de voir les Hébreux se multiplier en Égypte, avait décidé l’extermination de tous les nouveaux-nés de sexe masculin (Ex 2,8-16). Dans le texte biblique, il s’agit d’une simple mesure d’ordre en quelque sorte démographique, destinée à empêcher le peuple hébreu de proliférer. Les sources juives anciennes ont amplifié ce récit en lui donnant une toute autre signification. On trouve par exemple dans un targum cette paraphrase du verset 1,15 de l’Exode : « Or Pharaon dit (que tandis qu’) il dormait il avait vu dans son songe que tout le pays d’Égypte était posé sur le plateau d’une balance et un agneau, le petit d’une brebis, sur l’autre plateau de la balance et le plateau où se trouvait l’agneau s’abaissait. Aussitôt il envoya quérir tous les magiciens d’Égypte et leur confia son songe. Immédiatement Jannès el Jambrès, chefs des magiciens, ouvrirent la bouche et dirent à Pharaon : “Un fils est destiné à naître dans l’assemblée d’Israël par le moyen de qui toute la terre d’Égypte est destinée à être dévastée.” C’est pourquoi Pharaon, le roi d’Égypte, avisa et dit aux accoucheuses juives etc. » (Traduction R. Le Déaut). D’autres sources présentent des variantes qu’il n’est pas question de transcrire ici, mais qui confirment cette réinterprétation du texte biblique : si Pharaon décide l’extermination de tous les nouveaux-nés, c’est pour éliminer celui d’entre eux qui constitue une menace pour son propre pouvoir.

On peut aisément faire le parallèle entre Pharaon et le roi Hérode, les magiciens consultés par le premier et les scribes interrogés par le second, Moïse et Jésus, qui échappent l’un et l’autre au massacre qui avait pour but de les éliminer, tandis que des enfants innocents sont exterminés. Il serait hautement invraisemblable que ce rapprochement soit fortuit, alors que Matthieu ne cesse de mettre en lumière, dans son évangile, les rapprochements entre Moïse et Jésus. Ajoutons que les noms des magiciens, dont le livre de l’Exode ne dit rien, se retrouvent dans la deuxième épître à Timothée (3,8), signe de l’antiquité de cette tradition.

Il n’entre pas dans notre propos de discuter l’authenticité de l’épisode de la visite des mages et du massacre des innocents. Relevons seulement que ces récits s’inscrivent parfaitement dans l’histoire et la géographie. L’Hérodium, dont Hérode avait fait une de ses résidences, ne se trouve qu’à sept kilomètres de Bethléem, et l’on peut dire qu’Hérode avait fait du massacre des innocents une de ses spécialités, faisant mourir ceux qu’il soupçonnait de menacer son pouvoir, à commencer par ses propres fils. Flavius Josèphe nous raconte même quelle mesure il avait imaginée pour que son peuple pleure sa mort. Sachant à quel point il était détesté, il n’ignorait pas que sa disparition serait inévitablement cause de joie. Il avait donc ordonné de rassembler tous les notables dans l’hippodrome de Jéricho, sans leur révéler la raison de cette convocation, et de les tuer tous dès qu’il serait mort, afin qu’il n’y eût « personne dans tout son royaume qui ne répandit des larmes » à la nouvelle de son trépas. L’historien ajoute que l’ordre ne fut pas exécuté, la sœur et le beau-frère d’Hérode ayant pris l’initiative de faire libérer au dernier moment les notables enfermés.

Et Flavius de conclure : « ... il ne s’est jamais vu une si épouvantable inhumanité que la sienne, de vouloir, lorsqu’il était prêt d’abandonner la vie, qu’il n’y eût point de famille où quelqu’un des principaux ne souffrît la mort par son ordre, afin que le royaume se trouvât en même temps tout en deuil, sans pardonner à ceux même qui ne l’avaient point offensé et dont il n’avait aucun sujet de se plaindre ; au lieu que, pour peu que l’on ait de bonté, on pardonne à ses ennemis lorsque l’on se trouve réduit en cet état. »

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Découverte archéologique : le tombeau d’Hérode
par Michel Remaud

La découverte récente du tombeau d’Hérode le Grand résout une des énigmes auxquelles les archéologues se heurtaient depuis plus de trente ans. Aujourd’hui, le professeur Ehud Netzer, de l’Université Hébraïque de Jérusalem, vient de livrer dans une conférence de presse les premières conclusions des fouilles menées sous sa direction à l’Hérodium près de Bethléem.

On savait par l’historien Flavius Josèphe qu’Hérode avait été inhumé dans la colline artificielle connue sous le nom d’Hérodium et qui domine toute la région de Bethléem, aux confins du désert de Juda. Cependant, les fouilles entreprises en 1972, et interrompues à deux reprises par les deux Intifadas, n’avaient pas permis de localiser le tombeau. On a aujourd’hui l’explication de cet échec des premières campagnes de fouilles. De toute évidence, Hérode avait prévu d’être inhumé au pied de la colline. En témoignent les énormes travaux entrepris de son vivant en vue de sa sépulture, et en particulier une avenue de 350 mètres de long et de 30 de large destinée au passage du cortège funéraire. Tout naturellement, les recherches s’étaient concentrées sur la zone où arrivait cette rue, ce qui avait conduit à dégager d’abord des restes archéologiques d’époques plus tardives, notamment byzantins. Quand il fut devenu clair que le tombeau n’était pas là où on s’attendait à le trouver, le professeur Netzer et son équipe entreprirent en août dernier de nouvelles fouilles à flanc de colline, pour identifier finalement le tombeau à la fin de 2006, à mi-pente du flanc nord-est. Il semble donc qu’Hérode, dans sa vieillesse, ait décidé, pour une raison inconnue, de se faire inhumer ailleurs qu’à l’emplacement initialement prévu.

Du tombeau lui-même, il ne reste plus aujourd’hui qu’un escalier monumental d’accès de 6,5 mètres de large, construit spécialement pour le cortège funéraire, et un dallage de pierre taillée de cent mètres carrés. Le sarcophage, en pierre rouge de Jérusalem, mesurait à l’origine 2,5 de long. Il était fermé par un couvercle à section triangulaire, décoré de rosettes. Le mausolée avait été entièrement détruit et le sarcophage lui-même réduit en morceaux, sans doute par les insurgés qui occupèrent les lieux de 66 à 72, lors de la première révolte juive, et qui haïssaient Hérode, l’allié des Romains.

Les funérailles d’Hérode racontées par Flavius Josèphe

« On pensa après aux funérailles du défunt roi, et Archélaüs [fils et héritier d’Hérode] n’oublia rien pour les rendre très magnifiques. Le corps, vêtu à la royale, avec un diadème sur le front, une couronne d’or sur la tête et un sceptre dans la main droite, était porté dans une litière d’or enrichie de pierreries. Les fils du mort et ses proches parents suivaient la litière, et les gens de guerre, armés comme un jour de combat, marchaient après eux distingués par nations. Les compagnies de ses gardes thraces, allemandes et gauloises, allaient les premières, et tout le reste des troupes commandées par leurs chefs les suivaient en très bon ordre. Cinq cents officiers, domestiques ou affranchis portaient des parfums et fermaient cette pompe funèbre et si magnifique. Ils allèrent en cet ordre depuis Jéricho jusqu’au château d’Hérodion, où l’on enterra ce prince ainsi qu’il l’avait ordonné. »

Flavius Josèphe, La guerre des Juifs contre les Romains, I, 33, 9. (Traduction d’Arnaud d’Andilly)

Articles parus en mai 2007 sur le site Un Echo d’Israël, reproduits sur le site AJCF avec l’accord de l’auteur.