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Kabbale

Littéralement : « réception » (de la Révélation) et, par extension « tradi­tion ».

Dans le Talmud, le mot désigne les textes bibliques qui ne font pas par­tie du Pentateuque. A partir du XIIIe siècle, époque de la diffusion du Zohar (ouvrage principal de la Kabbale) , ce mot définit un courant de pensée ésotérique du Judaïsme qui considère la Bible (voire l’ensemble de la tradition juive) comme nous livrant un message codé, symbolique, archétypique. Le Zohar et le Talmud ont été perçus comme l’âme et le corps ou comme les deux faces - l’une , cachée , l’autre, dévoilée - de la Révélation contenue dans la Torah écrite.

Si tout est langage (Parole et manifestation concrète) , tout n’est pas contenu dans la langage - à la fois appellation et appel. La Torah, faite de lettres et de mots, est comme un revêtement des forces et des lu­mières divines que la Kabbale va dégager et faire jaillir. De même, toute réalité non divine est perçue comme imprégnée d’effluves divines. La Kabbale est donc autant une gnose (connaissance de ce qui est caché) qu’une tradition mystique.

La Kabbale est fondée sur l’affirmation d’une relation ininterrompue entre le monde supérieur où D. règne , source infinie de toute énergie et de tout savoir, et le monde inférieur de la création. La prière fervente qui délivre les énergies positives contenues dans les Sefirot (sphères des différents attributs de D.), doit permettre la régénération spirituelle et morale de l’humanité.

La Kabbale dite « pratique » utilise des formules mystiques, des rites et des techniques de méditation (dont on trouve certains aspects dans la liturgie) dans le but de produire du divin : l’intention de la prière doit vi­brer en résonance avec les hymnes des essences célestes, et ainsi, ra­cheter ou sauver la Création.

La Kabbale dite « théosophique » s’intéresse à ce qui est au-delà des phénomènes visibles, au cosmos divin. A la source-vive de l’esprit, elle n’en a pas moins une portée pratique : l’homme étant un maillon des in­terventions divines, il peut influer, par ses actes (application ou au contraire, transgression des mitsvot), sur l’ensemble du cosmos.

Les Kabbalistes ont déterminé dix Sefirot (nombres primordiaux) ou in­termondes, parcelles du sacré qui ont entre elles (et entre chacune d’elles, le monde fini, et l’infini) un réseau complexe d’influences par où transite le divin. Elles constituent les divers modes de la Révélation , re­liées au Moi divin comme le corps l’est à l’âme de l’homme (d’où leur re­présentation sous forme de stature humaine).

Il existe une unité intégrale entre les quatre « mondes » qui vont de l’in­fini à la matière : mondes de l’« émanation » (la Source divine), de la « création », de la « formation », et de « l’action » (à la fois physique et spirituelle). Ces trois derniers mondes sont chacun plus éloignés de la Source, plus opaques l’un par rapport à l’autre.

C’est dans le monde de l’ici-bas - monde de la matière - que la sanctifi­cation a le plus de valeur : d’où l’affirmation selon laquelle la mitsva, tout comme la prière, libère d’immenses forces spirituelles depuis notre monde jusqu’au Trône céleste. Tout Juif est donc capable de mettre fin à l’exil d’Israël, et à l’Exil de la Chekhina. On voit ici que, même dans le mysticisme le plus profond, l’action est essentielle : l’enjeu de la HaLa­KHa et d’une minutie qui semble strictement légaliste, c’est le rayonne­ment du divin.

Les livres importants de la Kabbale sont le Sefer Yetsira (Livre de la Formation - période talmudique,) le Sefer haBahir (Livre de la Clarté - XIIe siècle), et surtout le Zohar (Splendeur - diffusé au XIIIe siècle ; compilation des enseignements ésotériques de Shimeon Bar Yohaï).

La première grande impulsion pour les études ésotériques a été donnée par les maîtres de l’Espagne médiévale. Après l’expulsion de 1492, cer­tains kabbalistes se sont établis à Safed en Galilée, qui est devenu le centre de cette forme d’étude. D’autres maîtres, fuyant aussi l’Espagne et l’inquisition, se sont établis en Europe de l’Est, continuant l’enseigne­ment de la Kabbale et donnant plus tard naissance au mouvement has­sidique.

La Kabbale « lourianique », marquée par l’influence de rabbi Isaac Lou­ria (école de Safed - XVIe siècle), met l’accent sur la « réparation » de l’harmonie détruite de la Création (TiKKouN) et sur la théorie du « TSiMTSouM » (retrait primordial de l’infini en lui-même pour permettre au fini d’exister).

De nos jours, Gershom Sholem a mis en évidence l’importance de la Kabbale dans l’ensemble du Judaïsme et le lien organique existant entre l’observance de la halakha et la recherche mystique.

Il y a eu aussi un engouement chrétien pour la Kabbale, dans le contexte humaniste de la Renaissance (Pic de la Mirandole, Reuchlin, Guillaume Postel) ; mais le plus souvent condamné par la papauté, il est resté sans lendemain.

A.-M. D.