Après la chute du deuxième Temple, elle prend son véritable essor grâce à l’édification du Talmud, monumentale compilation de discussions rabbiniques sur la Loi juive (Halakha) et son versant oral.
Les auteurs de ce dossier examinent la place spécifique accordée par le judaïsme à l’étude des textes : quelles sont ses règles d’interprétation et ses méthodes ? L’étude est-elle réservée à une élite de savants ou bien destinée à tous ? Et surtout, pourquoi les Juifs étudient-ils les textes avec tant d’acharnement ? (Pierre-Henry Salfati). Est-ce seulement en vue d’établir les lois pratiques qui découlent de la Tora ? L’étude est-elle censée précéder ou bien accompagner la pratique des rites ? (Michaël Azoulay, Gérard Haddad).
Selon les Maximes des Pères, le commandement de l’étude équivaut à tous les autres commandements religieux réunis. La justification la plus forte en est que l’étude peut susciter la pratique religieuse alors que l’inverse n’est pas vrai, bien que la pratique complète indéniablement l’étude. De nos jours, le désir qu’inspire l’étude à tous ceux qui s’y engagent ne faiblit pas car ils y trouvent quelque chose d’essentiel, qui ne se confond pas avec l’acquisition de connaissances (Yeshaya Dalsace) : l’étude comme méthodologie interprétative à la fois rigoureuse et ouverte aux opinions minoritaires ; l’étude comme amour de l’étude et accomplissement de soi ; l’étude comme questionnement collectif et découverte toujours renouvelée de l’infini du sens ; pour certains, l’étude comme chemin privilégié vers Dieu (Martin S. Cohen) et pour d’autres, l’étude comme démantèlement de la figure divine (Dan Arbib).
La spécificité et la diversité de l’étude juive sont abordées à l’aide d’exemples concrets tirés de la Tora (Edouard Robberechts), du Talmud (Georges Hansel) et de la Cabale (Saralev Hollander).
On notera également dans ce numéro : l’édito de Philippe Chriqui ; un grand entretien de Ruth Scheps avec le penseur israélien Moshé Halbertal dont tout le parcours illustre les liens entre l’étude et l’action ; une étude approfondie de Tony Lévy sur l’ouvrage de Léo Strauss (Pourquoi nous restons juifs) ; une recension de Gabriel Perez sur la Jérusalem de Moses Mendelssohn ; un entretien avec l’homme de théâtre Daniel Mesguich ; enfin, un hommage de Daniel Bougnoux à Leonard Cohen.
En portfolio, des peintures de Michail Grobman, membre de la Seconde Avant-garde russe, créateur du “symbolisme magique” et fondateur du groupe Léviathan.
Ruth SCHEPS