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Avent, le nouvel an chrétien ouvre sur Noël

Une réflexion de Francis Dieny, pasteur de l’Église Réformée de France (E.R.F.), président de l’Amitié Judéo-Chrétienne de Mulhouse de 1984 à 2009, pour l’AJCF.

Est-il mauvais de se rappeler une tradition ? Surtout quand il y a quelque chance qu’elle soit oubliée ! Figurez-vous que c’est le cas de l’Avent. Pour nous chrétiens, le nouvel an ne se fête pas le premier janvier. Cela, c’est pour la société laïque et civile où nous vivons. Le jour de l’an, c’est le premier dimanche de l’Avent. Consultez les recueils de liturgie, y compris ceux de l’E.R.F., et vous y trouvez un "dernier" dimanche de l’année ecclésiastique. Puis s’ouvre une année nouvelle, le dimanche suivant : c’est l’Avent, ce qui advient, ce qui vient, c’est Celui qui vient : Jésus. Ainsi l’année chrétienne commence avec le cortège d’arrivée et la naissance de Jésus.

Cortège d’arrivée ? C’est un défilé en quatre étapes. Quatre dimanches.

Le premier dimanche on se souvient d’Adam. Non, il ne s’agit pas du premier homme, c’est là une notion historique sans fondement. Il s’agit de rappeler que vous êtes des créatures de Dieu. Dieu a cru en l’homme. Dieu vous a placés en face de lui pour un dialogue d’amour et de liberté. Dieu est l’auteur du projet humain et sa sainteté nous fournit un "mode d’emploi" exigeant. C’est très proche du nouvel an juif, "Roch Hachana" (tête de l’année) célébré fin septembre début octobre, où l’on célèbre la création, sans oublier que cette création a été placée sous la responsabilité de l’homme. Ainsi le premier dimanche de l’Avent vous pouvez présenter au Créateur toutes les crises, toutes les fatigues, toutes les révoltes, toutes les désobéissances, pour rouvrir les cœurs, renverser les visions produites en vous par ce monde, et réinstaller le projet humain de Dieu.

Le deuxième dimanche on se rappelle Abraham. Vous revivez avec lui la démarche première de la foi : Abraham crut à Dieu. Il est appelé père des croyants. Il a tout quitté pour "se mettre en marche" vers la terre promise. Ainsi est votre foi. Sur ce chemin de la foi on peut se tromper souvent sur la volonté et l’amour de Dieu. Abraham a connu bien des hésitations, mais il avait à ses côtés Sarah son épouse. Non seulement ils ont parcouru à deux le chemin de la foi, mais en outre Sarah avait une autre conscience de la présence divine que celle de son époux, assumant en sa personne certaines des erreurs d’Abraham. Ainsi Abraham a-t-il progressivement mûri sa foi. Un jour il a dit à ses serviteurs : "nous" reviendrons, alors qu’il s’apprêtait à monter à Morija sacrifier Isaac. Ce "nous" ne vous fait-il pas penser à une découverte, au premier signe d’une nouvelle naissance ? Abraham et Isaac n’ont plus été les mêmes ensuite. Ils étaient nés à Dieu. Oserai-je suggérer que c’est la porte ouverte à la résurrection ?
Ce deuxième dimanche on pourra évoquer aussi Marie. L’étude des textes permet en effet de mettre à jour un lien entre Abraham et Marie. Tous deux se sont vus engager leurs vies sur une Parole décisive de Dieu, et chaque fois pour le salut du monde. En ce sens Marie peut être considérée comme "l’Abraham" des chrétiens. Son oui à Dieu ouvre sur une humanité nouvelle.

Le troisième dimanche on se rappelle les prophètes. Vous revivez avec eux ce qu’ils ont exigé : revenir à Dieu, purifier sa vie, dire l’amour de Dieu. Les prophètes ont eu sur la vie sociale et politique de leurs époques, une lecture lucide et critique forte. Ils interpellaient les rois, les pouvoirs, sur leurs corruptions et leurs fausses alliances ; ils réclamaient la justice pour les plus humbles, avaient compris la puissance mortelle de l’argent. Avec les prophètes tous les niveaux de la relation humaine sont visés en vue de rétablir une société équilibrée. C’est bien aux humains d’accomplir le projet de Dieu pour l’homme, de l’incarner dans leur quotidien.

Le quatrième dimanche on est avec Jean le Baptiseur, au milieu de la foule des repentants qui se préparent à accueillir le Messie. Ils descendent dans l’eau, y sont immergés ou aspergés pour voir poser sur leurs existences le signe d’un changement radical. Le signe du baptême est toujours là chez les chrétiens, mais est-il bien encore toujours le signe d’un renouveau complet de votre vie ? Jouons sur l’expression "se repentir" : c’est "changer de pente". C’est remonter la pente, réintégrer l’appel de Dieu et élever le cœur humain au-dessus de la mêlée du monde. Et si Jésus revenait demain ? Donc préparez-vous aussi.

Alors vient Noël, qui célèbre cette naissance étonnante de Jésus. Jésus naît parmi les oubliés du monde, et stupéfaction ! Il est reconnu à la fois par des travailleurs de nuit (les bergers, catégorie en butte au mépris) et des savants d’orient (les mages, venus des nations). En même temps le pouvoir en place se trompe sur le sens de cette naissance et cherche à s’en débarrasser dans la peur d’être détrôné.
Ici Marie et Joseph ont entièrement leur place, c’est évident. C’est de Marie qu’il est écrit qu’elle repassait en son cœur tous ces évènements. Si les festivités paganisées d’aujourd’hui sont banalisées des mois à l’avance par le commerce, tout de même la profusion des luminaires envahit l’espace publique et perce les yeux de traits de lumière qui peuvent émouvoir. Alors que vous courez en ville, cette émotion réveille votre mémoire. Vous êtes pensif : Jésus est la lumière du monde. Aussi allez-vous centrer l’humble fête familiale ou la célébration paroissiale sur l’essentiel, et célébrer le DON DE DIEU .

Puis c’est l’Épiphanie, le premier dimanche de janvier. Épiphanie veut dire "apparition au-dessus". Vous célébrez l’étoile et l’adoration des mages. L’étoile est représentée avec six branches (l’étoile de David), faisant référence au Messie fils de David, titre que les chrétiens reconnaissent à Jésus.
Parmi les chrétiens, les Orthodoxes fixent sur ce dimanche l’adoration du Sauveur.

Francis DIENY, 22 novembre 2011