L’étude des archives de la ville démontre que des histoires apparemment banales de réverbères, de citernes et de sécheresse a permis des rencontres entre les communautés qu’il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui. On y apprend que s’il pleut plus à Jérusalem qu’à Londres, cette pluie n’est pas répartie sur toute l’année et que la ville a appartenu à ceux qui ont su construire des citernes.
L’idée de fouiller les archives pluviométriques de cette ville-sanctuaire qui occupe une place essentielle dans la mémoire universelle est inédite. L’émission de Victor Malka donne envie de lire ce livre qui aborde un enjeu essentiel : le rôle de l’eau, une ressource naturelle toujours rare dans cette région comme en atteste les prières pour la pluie insérée au quotidien dans la liturgie juive.
Liliane Apotheker
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Maison d’Études 8 mai 2011
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Sinon, vous pouvez l’écouter sur le site de France-Culture
La soif de Jérusalem : essai d’hydrohistoire, 1840-1948 de Vincent Lemire
Préface Patrick Boucheron ; Editeur Publications De La Sorbonne ; paru en février 2011
- 4ème de couverture -
L’histoire urbaine de Jérusalem aux XIXe et XXe siècles, ensevelie sous les mémoires concurrentes, a fini par s’effacer derrière les conflits symboliques et nationalistes. Pour rompre avec une vision étroitement communautariste et géostratégique de la Ville sainte, pour en faire rejaillir la dimension profane et quotidienne sans perdre de vue l’agencement de ses territoires, de ses monuments, de son relief et de ses citadins, Vincent Lemire a choisi de faire l’histoire de la ville au prisme de la question de l’eau. Perchée à plus de 700 mètres d’altitude, Jérusalem manque cruellement d’eau potable, surtout entre les années 1840, moment du décollage démographique, et l’inauguration en 1936 de la monumentale canalisation de Ras el-Aïn. La « soif de Jérusalem » devient dès lors un enjeu majeur de l’action publique, qu’elle soit portée par les autorités civiles et religieuses de la ville ou par les puissances internationales qui s’en disputent le contrôle.
L’histoire de cette longue quête hydraulique, dominée tour à tour par les archéologues et les philanthropes occidentaux, puis par les autorités impériales ottomanes et les édiles municipaux et enfin par les porte-drapeaux du projet sioniste et du nationalisme palestinien, s’appuie sur l’analyse de sources très diverses et largement inédites : archives de la municipalité ottomane et mandataire de Jérusalem, archives de l’administration des waqf, archives impériales d’Istanbul, archives consulaires et diplomatiques de Londres, Nantes et Paris, archives du mouvement sioniste à Jérusalem, collections privées. Cette étude pionnière montre que la question hydraulique est un passionnant observatoire pour l’histoire urbaine et dessine les contours d’une nouvelle méthode historique, l’hydrohistoire, particulièrement efficace pour comprendre des lieux saturés de sens comme la ville de Jérusalem.
Vincent Lemire, ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et membre du laboratoire « Analyse comparée des pouvoirs » (EA 3350). Ses recherches actuelles portent sur Jérusalem et le Proche-Orient contemporain, l’histoire environnementale et la patrimonialisation urbaine.