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Mobilisation contre l’antisémitisme. La Journée du 20 mars 2022

Le 20 mars dernier, l’Amitié Judéo-Chrétienne de France a organisé une Journée nationale de lutte contre l’antisémitisme. L’on trouvera ci-après le livret de présentation remis à tous les participants, ainsi que l’introduction et la conclusion de la Journée par le président de l’AJCF. La revue Sens publiera les différentes interventions.

En ce jour des dix ans des attentats de Montauban et Toulouse, du massacre à l’école Ozar Hatorah de trois enfants juifs, Myriam Monsonego, 8 ans, Arié Sandler 5 ans, Gabriel Sandler 3 ans, et de leur père enseignant, Jonathan Sandler 30 ans, alors que la haine antisémite n’a cessé de progresser et de s’affirmer sans complexe, nous avons voulu insister sur la question de la responsabilité. Quelle est la responsabilité des institutions, des religions, des médias, des intellectuels, en fait de tous les citoyens, de chacun d’entre nous, pour contrer la diffusion de ce virus aux innombrables variants, qu’est l’antisémitisme ?

La notion de responsabilité a été déclinée tout au long de la journée.

 Livret de présentation des interventions en lien avec la journée du 20 mars
 Enregistrement des interventions, textes de l’introduction et de la conclusion du président de l’AJCF, photos
 Echo de la manifestation dans la newsletter du CRIF, 28 mars 2022

D’abord la responsabilité éducative, avec la Table ronde animée avec conviction par Danielle Guerrier, enseignante au Centre d’Études juives du Collège des Bernardins, très impliquée dans la transmission de la mémoire de la Shoah. Sylvie Altar, docteure en Histoire contemporaine, enseignante en lycée, et Jean-Pierre Obin inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, qui avait alerté dès 2004 sur la montée de l’emprise islamiste dans les collèges et lycées, avec un rapport resté fameux mais resté sans conséquences concrètes, ont traité des responsabilités de l’école. Sylvie Altar a rappelé notamment le travail important préparé dans le cadre du B’nai B’rith, analyse de la représentation du conflit israélo-palestinien dans plusieurs manuels scolaires utilisés actuellement dans des classes de Terminales des lycées : certains d’entre eux donnent une présentation systématiquement hostile à Israël, qui tend à nourrir parmi les élèves originaires de pays musulmans, un antisémitisme nourri de la haine contre Israël et indirectement contre les juifs. On ne peut que regretter que la lecture actuelle, particulièrement étroite, de la laïcité empêche une vraie connaissance des faits religieux dans l’enseignement public, et que le rapport Debray de 2002 soit resté lettre morte, tout comme le rapport Obin de 2004.

D’une manière concrète les deux autres orateurs, Joseph Herveau pour l’Enseignement catholique et Hubert Strouk pour Mémorial de la Shoah, ont illustré les initiatives pour développer la connaissance de l’histoire et lutter contre les préjugés. Il faut saluer leur qualité fondamentale pour réussir la transmission notamment auprès des publics scolaires. Les enfants et les adolescents sont des vecteurs majeurs aussi pour toucher les familles. Celles-ci ont en effet une grande responsabilité : celle de transmettre aux enfants le respect de l’Autre, le désir de connaître celui qui est différent, porteur de cultures et de religions différentes, ou bien au contraire transmettre des préjugés, des peurs, voire des haines destructrices.

La deuxième Table ronde, modérée par Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro était consacrée principalement à la responsabilité des médias. Malheureusement le sénateur David Assouline n’a pu rejoindre le Mémorial de la Shoah pour une raison de santé, tandis que Dominique Reynié qui devait intervenir en visioconférence s’en est trouvé empêché pour des raisons techniques. Patrice Moyon, éditorialiste à Sud-Ouest et Jean-Dominique Durand, président de l’AJCF, et historien les ont remplacés d’une manière improvisée. M. Moyon a évoqué la responsabilité de l’information et M. Durand, celle de l’historien porteur de la connaissance contre le négationnisme et toutes les formes de manipulation de l’Histoire. Mais surtout Milena Santerini, coordinatrice nationale pour la lutte contre l’antisémitisme en Italie, professeure à l’Université catholique de Milan, vice-présidente du Mémorial de la Shoah de Milan, ancienne députée, et le père Laurent Stella-Bourdillon,
directeur du Service pour les professionnels de l’information du diocèse de Paris, ancien aumônier du monde parlementaire et politique ont proposé des réflexions très approfondies que nous espérons pouvoir diffuser rapidement.

Enfin la responsabilité des religions est majeure pour transmettre le message de paix et de fraternité qu’elles portent toutes en elles. pour les responsables comme pour les simples croyants, de refuser de se laisser instrumentaliser, comme cela s’est souvent produit dans l’histoire, dans des conflits qui sont avant tout politiques, et de transmettre les méfiances porteuses du refus de l’autre. Le 27 octobre 1986, en réunissant près de 120 représentants des religions à Assise, le pape Jean-Paul II avait voulu les séparer de tout conflit en soulignant le message de paix qu’elles portent toutes. C’est l’Esprit d’Assise que son successeur plus de trente-cinq ans après tente de rappeler avec force aujourd’hui. L’AJCF a fait appel pour évoquer cette responsabilité aux responsables français des principales religions : Mgr Éric de Moulins-Beaufort pour le catholicisme, le Pasteur François Clavairoly pour le protestantisme, le Rabbin Moché Lewin, représentant le Grand Rabbin de France Haïm Korsia et vice-président de la Conférence des Rabbins européens pour le judaïsme, l’imam Khaled Larbi, imam référent de la Grande Mosquée de Paris, représentant son Recteur Chems-Eddine Hafiz, pour l’islam. Patrice Moyon du quotidien Ouest-France a modéré cette rencontre symboliquement très importante et fondamentale en termes d’engagement, tandis que le Rabbin Michel Serfaty a fait part de son expérience parfois difficile de président de l’Amitié Judéo-Musulmane de France.

Ce rapide résumé de cette longue journée d’échanges et de débats avec la salle, introduite par une intervention très engagée de Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah, ne rend compte qu’en partie de sa richesse, et surtout de l’engagement d’une grande gravité des intervenants et des participants. Chacun s’est exprimé en effet avec un grand sens ses responsabilités, en ce jour anniversaire du massacre de Toulouse.
La Journée avait été placée sous la présidence d’Honneur de Samuel Sandler, qui se trouvait à Toulouse. Mais Myriam Sandler, son épouse, était présente. Elle est restée toute la journée et nous a délivré un message poignant. Avec elle, nul ne pouvait oublier le martyre de ses petits-enfants qui ont rejoint le million et demi d’enfants qui ont trouvé la mort dans les camps d’extermination, pour la seule raison d’être nés juifs.
Cette journée a impliqué également de nombreux Groupes locaux de l’AJCF, avec des actions très diverses, allant de conférences, tables-rondes, débats, à des projections de films, du théâtre, des expositions. Elle témoigne de l’amitié entre juifs et chrétiens que l’AJCF entend faire vivre, pour que les juifs ne se sentent pas seuls face à la haine antisémite, comme en témoigne le beau livre conçu par Yves Chevalier et Bruno Charmet à partir des articles sur le sujet publiés régulièrement dans la revue Sens, Juifs et chrétiens luttent ensemble contre l’antisémitisme.
Cette Journée était une première. Elle sera désormais récurrente chaque année, le dimanche le plus proche du 19 mars. Myriam, Arié, Gabriel Jonathan ne seront pas oubliés.

Jean-Dominique Durand
Président de l’AJCF
Editorial d’avril 2022