L’invocation du D. des pères, dans la prière juive, exprime la continuité dans la tradition, et la fidélité dans la foi. Elle permet à l’orant de s’appuyer sur le mérite de ceux qui l’ont précédé (les Patriarches en particulier) pour s’adresser au Tout-Puissant.
L’appellation de D. comme « père » n’apparaît pas plus de vingt fois dans le TaNaKH (dont sept dans la ToRaH). Invoquer D. comme Père, ce n’est, pour Israël, qu’exprimer une certaine qualité de relation d’amour. Mais pour que cette invocation ne se transforme pas en paganisme, elle doit se comprendre au niveau symbolique : D. n’a « réellement » engendré aucun fils (qu’il soit homme ou dieu). Il est le père métaphorique de tous les hommes : s’il est Créateur, Il n’est pas procréateur - comme l’étaient les dieux de l’Olympe, par exemple. D. a un rôle paternel - voire maternel, matriciel (cf. l’étymologie du mot miséricorde : RaHaMim, matrice) à l’égard de tout homme et de la création entière, mais la « paternité » n’entre pas dans la liste de Ses attributs, au contraire de la royauté.
Pour le Christianisme, il nous semble que l’expression « D. le Père » s’inscrit dans une autre perspective, théologique et historique : il est vraisemblable que le poids de l’occupation romaine a pu faire douter certains - des païens, mais aussi des Juifs - de l’amour de D. pour Son peuple. Sous l’effet conjugué de l’exaspération de l’attente messianique et de la destruction du Temple, à l’amour du « Père » - parfois perçu comme un amour perdu - s’est peu à peu substitué, avec le Christianisme naissant, l’amour sacrificiel du « Fils », lui aussi souffrant à cause de Rome. Le Fils sera alors élevé au rang de Père - et subséquemment, l’homme Jésus, élevé au rang de D.
A.-M. D.