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L’étude des sources juives pour les chrétiens et leur importance pour l’étude du Nouveau Testament : quelques éclairages à partir des interventions de Michel Remaud à Lyon en février 2012

Michel Remaud était à Lyon en février 2012 pour une conférence (AJCF de Lyon) et une matinée d’études au CCEJ à l’Université Catholique de Lyon autour de la question de l’apport des sources juives pour un approfondissement de la foi chrétienne et l’étude du Nouveau Testament. La conférence s’adressait au grand public intéressé par le dialogue judéo-chrétien et était une introduction à ce vaste sujet. Elle se prolongeait par la matinée pour un public plus averti et proposait des études de textes (midrashim) et comment on pouvait éclairer ensuite le Nouveau Testament.

Ce qui suit n’est pas un véritable compte-rendu mais quelques notes sur les idées fortes que nous souhaitons vous faire partager après ces deux journées.

Michel Remaud est prêtre catholique. Lauréat du Prix 2010 de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, docteur en théologie, il s’est appliqué depuis de nombreuses années à scruter les liens qui relient le christianisme à la source juive dont il reçoit la sève vivante : il vit à Jérusalem depuis environ 30 ans. Au niveau théologique, ses travaux portent plus particulièrement sur la relation de l’Église au peuple juif, ainsi que sur l’exégèse rabbinique et ses liens avec le Nouveau Testament. Il enseigne à l’Institut français Albert-Decourtray, institut d’études juives dont il est directeur, et qui a pour but d’ouvrir les chrétiens aux richesses de la tradition juive, tradition vivante à découvrir en Israël aujourd’hui.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages, articles et conférences sur la nature théologique des relations du judaïsme et du christianisme, sur le dialogue actuel entre les deux confessions ainsi que sur la vie des communautés chrétiennes aujourd’hui en Israël.

Qu’appelle-t-on « sources juives ? »
Contrairement à ce que pensent beaucoup de chrétiens, l’Ancien Testament ne constitue pas à lui seul les sources juives. Il faut y ajouter le Talmud (qui contient différents types de textes, halakha et aggada, règles et récits), le Targum (traduction de la Bible en araméen avec des commentaires de type homélitique) et le Midrash, commentaire de l’écriture.

Michel Remaud insiste, à la suite de Roger Le Déaut, sur le fait que les chrétiens ont reçu des juifs “une Bible interprétée” : quand le Nouveau Testament dit "selon les Écritures", il s’agit de l’Ancien Testament souvent lu à travers les sources juives telles qu’elles étaient connues à l’époque.

Jésus allait à la synagogue, il connaissait ces traditions juives et les Évangiles sont remplis d’expressions dont il n’est pas l’auteur mais qui faisaient partie de la sagesse juive de l’époque. Cette tradition juive était aussi la culture religieuse des auteurs du Nouveau Testament, certains auteurs du Nouveau Testament ne sont pas juifs, comme Luc, mais ils écrivent comme les juifs de leur époque.

Au sujet de la datation des sources juives
La question de l’âge des traditions est à dissocier totalement de celle de la datation des sources qui les rapportent.
La rédaction finale des différents corpus –orale d’abord, puis dans un deuxième temps écrite pour aider la mémoire – est largement postérieure au temps du Nouveau Testament. Le corpus le plus ancien, la Michna est achevé en 220 ; les midrashim sont datés à partir du 3è siècle au plus tôt pour le plus ancien et beaucoup sont bien plus récents. Mais ces mêmes traditions peuvent se trouver dans des textes antérieurs au Nouveau Testament, où comtemporains, comme le pseudo Philon ou Flavius Josèphe. Ces traditions étaient donc connues des auteurs du Nouveau Testament.
On constate que parfois les Juifs ont réagi aux interprétations chrétiennes pour les orienter dans un sens plus conforme au judaïsme. Le Nouveau Testament se révèle alors être une source précieuse pour la connaissance du Judaïsme de l’époque.
La position de certains exégètes qui veulent mettre en parallèle le Nouveau Testament avec les textes de Qumran uniquement et la tradition juive avec la patristique est fausse.

Esprit et méthode de l’étude
L’écriture étant d’origine divine et pas une simple parole humaine, sa signification est infinie, aucune interprétation ne peut être la dernière, il faut sans cesse creuser et chercher les sens cachés des textes. Rien n’est insignifiant, les mots, la manière d’écrire et même et surtout les anomalies, ne serait-ce qu’une lettre, qui sont souvent occasion d’un commentaire très riche.
Les textes forment un tout : chaque détail compte et les textes s’éclairent les uns par les autres. Il ne faut donc pas s’étonner que dans un Midrash sur l’Exode, l’auteur cite un passage d’un Psaume ou de Jérémie.
Il faut accepter que cette étude soit déroutante. Cela vaut aussi pour le Nouveau Testament : si on le lit bien, il doit être aussi déroutant, sinon on passe à côté de l’essentiel.

Pourquoi le chrétien doit-il étudier la tradition juive ?
Le chrétien doit se mettre à l’école des juifs pour remonter à ses propres sources, pour lire le Nouveau Testament. Il est dépendant des juifs et est obligé de se dépayser complètement, de passer par une autre culture, celle des juifs qui ne partagent pas sa foi. Il doit admettre, et ce n’est pas facile, qu’il ne se suffit pas à lui-même dans son chemin vers son origine et qu’il est tributaire de la Tradition et de la culture du peuple juif vivant.

L’application de l’étude des sources juives à celle du Nouveau Testament
La mauvaise démarche consiste à aller chercher une explication dans les sources juives quand toutes les autres méthodes n’arrivent pas à éclairer un passage du Nouveau Testament.
Cet éclairage doit être un effet second de l’étude des sources juives entreprises pour elles-mêmes, sinon le judaïsme est considéré comme un simple outil.

Lors de la conférence et surtout de la matinée du CCEJ, Michel Remaud a développé plusieurs exemples, à partir de la Aqeda (la ligature d’Isaac, Gn 22,4) du Moi dans un passage d’un Midrash sur l’Exode, et quelques autres.
Nous vous recommandons la lecture du livre de Michel Remaud Évangile et tradition rabbinique (aux éditions Lessius, Coll. Le livre et le rouleau , n° 16) pour approfondir le sujet et retrouver les exemples traités à Lyon et bien d’autres.

Les chrétiens qui veulent aller plus loin dans cette étude de la tradition juive vivante peuvent aller étudier à l’Institut Chrétien d’Études Juives et de Littérature Hébraïque connu sous le nom d’Institut Albert Decourtray.

A lire ou relire sur notre site : L’institut Albert Decourtray : Pourquoi aller étudier le judaïsme à Jérusalem ?

RV