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Pharisiens

Formé au IIe siècle avant notre ère, un courant d’opposition - au cumul de pouvoirs politique et religieux, à l’influence de la culture hellénistique, et au nationalisme agressif des derniers Maccabée - a été formé par les « peruchim » (séparés). Ce mouvement pharisien a évolué au temps de l’occupation romaine (1er siècle avant, 118 siècle après) vers une activité moins politique et davantage préoccupée de législation religieuse. L’institution centrale où ils ont élaboré leurs décisions a été le Sanhédrin, assemblée de 71 membres dirigée par un « couple » de maîtres (président du Sanhédrin et président du tribunal).

Dans une volonté de dynamisme et d’évolution raisonnée, ils ont cherché à adapter la Torah aux circonstances de leur temps. Tenant compte des besoins de l’heure, ils étaient proches du peuple. Au plan de la doctrine, ils ont affirmé la valeur égale de la Torah orale et de la Torah écrite, données ensemble à Moïse (contre les Sadducéens, qui ne reconnaissaient que la Torah écrite) ; et ont promu la synagogue comme lieu d’étude et d’enseignement de la Loi (le Temple étant le lieu du culte sacrificiel).

Ils ont enseigné la responsabilité de l’homme dans ses actes - d’où leur rétribution dans la vie future - affirmé la résurrection des morts et l’immortalité de l’âme. Grâce à l’importance qu’ils attachaient à la tradition orale, ils ont donné au Judaïsme le viatique qui lui a permis de survivre : ce sont eux qui nous ont légué la Michna , qui place la Torah au centre de la vie juive, après la destruction du second Temple et de l’entité nationale.

Les attaques des Évangiles contre les (mauvais) Pharisiens ne sont pas éloignées de celles du Talmud (Sota 22b). Ceci dit, il faut comprendre la fidélité réfléchie des (bons) Pharisiens à la Loi non comme un sec léga­lisme, mais comme une voie de sagesse et d’amour. S’ils ont pris tant de décisions minutieuses afin de protéger l’esprit de la Torah, c’est pour qu’elle soit incarnée dans des rites et des comportements conscients.

A.-M. D.


La définition du mot « Pharisien », qui apparaît aujourd’hui dans les dictionnaires et dicte l’usage de ce terme, est entièrement influencée par certains passages des Évangiles synoptiques qui présentent les pharisiens contemporains de Jésus comme « hypocrites, orgueilleux, attachés à la lettre de l’observance ».

Cette image négative, véhiculée par la prédication pendant des siècles, ne prend pas en compte d’autres passages du Nouveau Testament où des pharisiens sont présentés avec sympathie : dans les Actes des Apôtres où à deux reprises ce sont des pharisiens qui prennent la défense des premiers chrétiens devant le Sanhédrin (Ac 5,34), et où Paul se proclame fièrement « pharisien, fils de pharisien » (Ac 23,6-9) .

Les critiques adressées aux pharisiens, particulièrement dans le chapitre 23 de l’évangile de Matthieu s’explique, de l’avis des historiens, par la polémique qui s’est développée au moment de la rédaction de ce texte, entre les judéo-chrétiens comme Matthieu et les pharisiens, seul groupe religieux à avoir survécu à la catastrophe de 70. Les traductions de ce chapitre accentuent souvent les reproches faits aux « pharisiens hypocrites » (et non à tous les pharisiens) en changeant le terme « Hélas ! » en « Malheur à vous ! » ; et les intertitres ajoutés au texte originel – « Condamnation », ou pire « Malédictions » - durcissent le ton jusqu’à la violence. Le désaccord avec les pharisiens (et les scribes) ne porte pas sur leur enseignement, mais sur leur comportement et leurs exigences excessives : « Faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent ; mais n’agissez pas selon leurs œuvres… Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes… » (Mt 23,3-4).

L’historien juif du 1er siècle, Flavius Josèphe, né à Jérusalem, a décrit trois courants qui se partageaient le judaïsme avant 70 : les sadducéens, les pharisiens, les esséniens. Il parle très favorablement des pharisiens dont le nom semble se rattacher à une racine hébraïque signifiant « séparer » ou « interpréter ». En effet, les pharisiens sont avant tout des interprètes de la Torah. Ils se sont séparés des sadducéens (au 2e siècle avant notre ère, semble-t-il) sur la question des traditions orales qu’ils ont développées, alors que leurs rivaux s’en tiennent à la Loi écrite. C’est ainsi qu’ils répondent à la théodicée par la croyance en la résurrection et que, sur la base des textes, ils essaient de concilier providence divine et liberté de l’homme. Au nombre de 6 000, selon Josèphe, les maîtres pharisiens sont réputés affables et rencontrent un grand écho parmi le peuple. Paradoxalement, si l’on compare les propos et les raisonnements de Jésus dans les Évangiles à la description des trois courants juifs de son temps, c’est des pharisiens qu’il apparaît le plus proche. C’est peut être aussi cette proximité qui explique sa sévérité à leur égard.

Quelques lectures : La Torah orale des Pharisiens, Pierre Lenhardt et Matthieu Collin, Cahiers Évangile supplément 73.