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Mystère

Nous sommes souvent victimes du sens premier et péjoratif de ce mot, tendant à n’y voir qu’une énigme indéchiffrable, donc un point qui demeure obscur et ne peut rien apporter à personne. Lourd héritage du siècle des Lumières et du rationalisme contemporain. Néanmoins, ce terme demeure dans la théologie et dans la liturgie des chrétiens : l’Église catholique proclame « Il est grand, le mystère de la foi » dans la Prière Eucharistique I, et l’Église d’Orient parle des « Saints Mystères » à propos de l’Eucharistie.

Il ne s’agit pas d’un déficit de sens, mais d’un surplus de sens qui nourrit l’intelligence de la foi de celui qui veut approcher ce « mystère » que les Juifs et les chrétiens ont considéré comme le quatrième niveau d’interprétation, dans le judaïsme : le Sod (caché, secret). Nous sommes proches de la racine grecque muô (être initié)/ mustès (initié). Paul, dans l’épître aux Romains (9-11), entend par mystère le plan de salut que Dieu prévoit pour son Peuple, dont l’une des manifestations est « l’Alliance qui n’a jamais été révoquée », et dans laquelle les pagano-chrétiens ont la condition de personnes « accueillies » dans cette Alliance éternelle, et sont greffées au tronc d’Israël. Il s’agit donc du dessein salvifique de Dieu sur l’histoire de l’humanité tout entière, qui prend chair dans la vie de l’Église, considérée comme « corps du Christ ». Le grand mystère est celui de la rencontre nuptiale entre Dieu et son peuple, de l’expérience de la vie de Dieu, goûtée par l’homme dans l’Esprit-Saint.

Le Cardinal Lustiger faisait remarquer que ce même mot « mystère » était aussi employé par Paul pour évoquer le « mystère d’iniquité » (2 Th, 2-7). Dans un paradoxe inouï, l’apôtre ose appliquer au mal ce même mot « mystère », comme la vision opposée et symétrique du bien dans un miroir. Pour le Cardinal, c’était l’occasion de penser la profondeur insondable du mal, l’abîme du mal, son excès, sur lequel nous n’avons aucune maîtrise, pas plus que sur le mystère du bien. Il poursuivait son analyse en soulignant que l’Alliance entre Dieu et son Peuple nous a montré le plan divin du salut, la manifestation du drame nous est donnée encore par « Israël, peuple prophète, qui dévoile en sa chair l’insupportable mystère d’iniquité dont le monde dans lequel nous sommes jetés peut se rendre capable ».

Le mot originel grec, traduit par « iniquité » ou par « impiété » est anomia qui désigne très clairement chez Paul, la volonté de combattre le nomos, au sens de Tora. On comprend dès lors que le mystère d’iniquité qu’il désigne, c’est l’état de l’homme sans Tora. Débat toujours d’actualité qui pourtant n’a jamais fait l’objet d’un travail en commun entre Juifs et chrétiens.

Quelques lectures :
Article « Mystère » dans L’Encyclopédie catholique pour tous Théo, éditions Mame , Edition 2009