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Jeanne Brousse (12 avril 1921 / 20 octobre 2017)

Aujourd’hui est un jour de tristesse car nous venons de perdre une grande dame, Juste parmi les Nations, Madame Jeanne Brousse.

“Juste” car elle contribua aux sauvetages de personnes pourchassées par les Nazis pendant la dernière guerre, parce qu’elles étaient juives ou résistantes. Elle était alors toute jeune secrétaire à la Préfecture d’Annecy.

Son expérience, ce qu’elle vécut, son parcours l’amena sans doute à un autre engagement, celui du dialogue entre Juifs et Chrétiens. Jeannette, car nous l’appelions ainsi, fut co-fondatrice dans les années 1980 d’un petit groupe de rencontres d’une quinzaine de personnes, afin que ce dialogue s’instaure. Ce groupe deviendra plus tard (1990) l’Amitié Judéo-chrétienne.

Elle fut d’une grande fidélité à nos réunions et témoignant sans cesse jusqu’à son dernier souffle de la foi que l’on peut avoir dans l’humanité si celle-ci apprend la fraternité. Elle diffusa cette énergie surtout chez les jeunes pour que comme elle le disait : que jamais la barbarie ne reprenne ses droits !
Depuis quelques années elle avait été nommée "Présidente d’honneur" de notre groupe. Et elle était intervenue pour apporter son témoignage lors de l’Assemblée Générale de l’AJCF à Annecy, le 14 mai 2015 [1].

L’Amitié Judéo-chrétienne d’Annecy-Chambéry honore sa mémoire en disant que notre très chère amie a eu une belle vie, de bravoure, de volonté, de courage mais aussi et surtout qu’elle a embelli la Vie.

Annecy, le 26 octobre 2017
Eliane VENTRE
Présidente du groupe AJC d’Annecy-Chambéry


Hommage du Comité français pour Yad Vashem

Jeanne Brousse : la première Juste d’Annecy s’est éteinte

Vendredi 20 octobre, la résistante et Juste parmi les Nations Jeanne Brousse s’est éteinte. Travaillant à la préfecture de Haute-Savoie dès ses 18 ans en 1939, elle y avait fourni des papiers aux réfugiés clandestins et aidé des familles juives à échapper aux rafles du régime nazi.

Le président du département Christian Monteil fait part de son émotion dans un communiqué. « Résistante haut-savoyarde, Juste parmi les nations, elle était très impliquée dans la transmission de la mémoire auprès des nouvelles générations », écrit-il.

Pendant l’Occupation, les Juifs de la région d’Annecy connaissaient bien Jeannette Maurier. On savait en effet qu’elle était toujours prête à aider les Juifs en danger. Annecy, chef-lieu de la Haute-Savoie, est située à proximité des frontières suisse et italienne.

En novembre 1942, la ville faisait partie de la zone sous contrôle italien. La politique du gouvernement de Rome était relativement libérale et de nombreux Juifs étaient donc venus se réfugier à Annecy.

La situation changea en septembre 1943, lorsque les Allemands occupèrent la région. Les Juifs se trouvèrent plus en danger que jamais. Jeannette Maurier, qui était employée à la préfecture, était au courant des rafles anti-juives prévues.

En contact permanent avec la résistance, elle pouvait ainsi prévenir ou faire prévenir ceux qui étaient sur le point d’être arrêtés ou déportés. Connaissant bien les maires de tous les villages du département, elle arrivait à trouver des cachettes sûres pour des Juifs, surtout des enfants.

Elle arrivait aussi à aider des individus, voire des familles entières, à passer la frontière. Aux Juifs qui se cachaient, elle fournissait un « équipement de survie » : faux papiers d’identité et cartes d’alimentation, couvertures et vêtements qu’il était alors difficile de se procurer.

Ainsi, lorsque George Sandberger, ayant réussi à s’évader du camp de Gurs, vint se réfugier à Annecy avec sa femme et ses enfants, la jeune femme leur procura de faux papiers et des cartes d’alimentation. Elle les avertit à plusieurs reprises qu’une opération était imminente, leur sauvant ainsi à chaque fois la vie.

Après la guerre, le rabbin Schilli, devenu directeur du Séminaire israélite de Paris dans les années 50, témoigna dans sa déposition des efforts déployés par Jeannette Maurier pour lui assurer la vie sauve, à lui et à sa famille.

Dans un premier temps, elle les munit de faux papiers ; puis, en 1943, lorsque les Allemands occupèrent la région, elle trouva un refuge sûr pour les enfants. Elle fournit des cartes de ravitaillement à toute la famille.

Enfin, le 10 août 1944, elle hébergea le rabbin et sa femme chez elle alors qu’ils rentraient à leur domicile après le couvre-feu. Par ses actions, écrivit le rabbin, Jeannette Maurier courait les plus graves dangers et mettait en danger sa propre famille qui habitait elle aussi à Annecy et faisait de la résistance.

Le 8 juillet 1973, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Jeannette Brousse-Maurier le titre de Juste parmi les Nations.

[1Cf. Sens n° 406 (mai-juin 2016), p. 233-237.