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Parole

en Hébreu « MaAMaR » ou « DaVaR »

Lorsqu’elle est énoncée par D. (directement ou par l’intermédiaire des prophètes), la Parole est à la fois révélation, annonce, commandement. Pour la pensée hébraïque, il y a deux types de parole : le « MaAMaR » et le « DaVaR ». Dans les deux cas, elle est le moyen privilégié de la Révélation (D. ne pouvant être vu).

Le « MaAMaR » divin est un appel à l’existence qui agit sur le monde physique. « Le monde a été créé en dix paroles », disent les Sages (Avot V, 1,). Si l’on suit en effet le récit de la Création, le monde n’est pas créé par l’Esprit de D. (premier principe d’activité divine ou attribut divin) mais prend forme et substance par la Parole divine qui s’y « in­ carne » au fur et à mesure de sa formation. Lors du Kiddouch du vendredi soir, les Juifs relisent à haute voix les versets de la Genèse où D. institue le Shabbat (Gen. II, 1-3) : ils s’associent, par cet acte verbal, à l’œuvre de parole de la création première.

Le « DaVaR » est parole prescriptive. Elle n’agit pas seulement sur la nature physique comme le « MaAMaR », mais elle engage l’homme dans son existence morale ; en même temps elle instaure une relation entre Celui qui parle et celui qui est interpellé. De même que le monde a été créé en dix paroles (aséret ha maamarot) de même les principes de la vie collective placée sous la royauté divine ont été prescrits en dix paroles (ou dix commandements - aséret ha dibrot). Par le DaVaR, D. co­-opère avec l’homme et le rencontre en Alliance. Si l’on se réfère à leur étymologie commune (DaVaR-miDBaR), on peut considérer que le lieu spécifique de la Parole est le désert.

Le « DaVaR » de l’homme n’est pas l’énoncé d’idées abstraites, mais l’aboutissement concret d’une pensée, un passage à l’acte (le mot DaVaR lui-même signifie non seulement « parole », mais aussi « chose », « affaire »). Le « DaVaR » agit sur la réalité extérieure en fai­sant passer quelque chose de celui qui parle dans les mots prononcés. Aucune parole n’est magique, mais aucune n’est jamais non plus neutre ou inopérante (d’où l’importance des paroles de bénédiction et de malédiction).

Le prophète est le porte-Parole de D. : il ne fait que transmettre ou rap­peler les exigences divines, interprétant les événements selon qu’Israël se soumet à ces exigences ou les défie. Il faut noter que les prophètes bibliques se disent parfois inspirés par « l’esprit », mais c’est toujours une « parole » qui les empoigne et les contraint eux-mêmes à parler.

Dans la traduction de la Bible hébraïque par les Septante, « DaVaR » est traduit par le mot grec « logos ». Or, à la différence du « DaVaR » hébreu, le « logos » est le fruit d’une opération intellectuelle qui vise à ras­sembler et ordonner les éléments de l’univers. Le « logos », c’est l’idée à laquelle la raison est parvenue et l’énoncé de cette idée. Philon d’Alexandrie (début du 1er siècle de notre ère) tentera la synthèse des approches hébraïque et grecque en interprétant le « logos » comme une donnée cosmique, l’instrument de la création, le principe unifiant de l’univers dans les interventions divines.

Le « logos », déjà personnifié par Philon, est appliqué au Christ dans la littérature johannique.

A.-M. D.