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Noms divins

« Dieu », traduction générique en français de tous les noms divins, vient du latin et du grec (Deus/Théos). L’Unique a été ainsi adapté à la mythologie gréco-latine (comme au Wotan de la mythologie germanique sous le nom de Gott). Ce qui pose - fût-ce de manière inconsciente - un des problèmes essentiels du dialogue entre Juifs et Chrétiens.

Le paradoxe du monothéisme biblique et juif réside dans les appellations multiples de D. Pluralité qui n’est que l’éclatement de l’infini dans le verbe limité de l’homme.

 El, Elohim : nom (au singulier et au pluriel) du vocabulaire sémitique (cf. Allah), désignant sans doute à l’origine l’ensemble des divinités du panthéon cananéen. Les Sages lui ont rattaché les attributs de stricte justice et de rigueur qui régissent le monde physique, en se fondant sur l’équivalence numérique des noms ELoHIM et TeVaH (= nature). Les juges sont parfois appelés du nom d’élohim (Ex. XXII, 7 ; Ps. LXXXII , 1).
El est parfois complété par une autre désignation, telle :
 Chadaï : d’une racine Ch D D ? (qui signifie « ravager »), traduit habituellement par « Tout-Puissant ». Nom sous lequel D. était connu des Patriarches (selon Ex. VI, 3).
 Tsevaot : attribut du Tétragramme ou de Elohim, désigne une collectivité organisée et obéissant à une même autorité (milices célestes ou ar­mées d’anges, mais aussi serviteurs du culte ou soldats d’Israël).
 Adôn, Adonaï : maître (de notre destinée), dérivé d’une racine qui signifie « juger », « gouverner ». Appellation sous laquelle Abraham invoque pour la première fois un D. personnel, inconnu du polythéisme (Gn XV, 2). Lors de la lecture à haute voix du texte biblique, c’est ce nom que l’on substitue au Tétragramme imprononçable.
 Le Tétragramme (les quatre lettres lod, Hé, Vav, Hé) est le Nom­ propre de D. révélé à Moïse (Ex. VI,2). Parfois abrégé en Yah, il pourrait connoter étymologiquement l’idée de « souffler », ou l’idée d’ « être ».

Si Elohim est D. sous l’attribut de justice (Gn I et Ex. XX, 1), le Tétragramme est l’attribut de miséricorde (Gn II et Ex. XXXIV, 1ss) : l’humanité ne pouvant subsister selon la justice intégrale, la clémence doit s’y associer pour laisser place au repentir et au pardon.

Ce Nom est indicible d’être si plein de la réalité-même de Celui qu’il signifie. D’où la pudeur qu’il suscite. Le scribe qui l’écrit obéit à un rituel spécial, et les premiers traducteurs ou commentateurs du Tanakh n’ont pas voulu le transcrire en caractères étrangers. Jusqu’à aujourd’hui, tout texte qui le contient (en hébreu) ne doit pas être jeté ou déchiré, mais enterré.

A l’époque du Temple, le Tétragramme n’était prononcé que dans le sanctuaire lors de la bénédiction sacerdotale et, le jour de Kippour, dans le Saint des Saints par le grand-prêtre. Le peuple ne l’entendait donc pas, et il est hasardeux d’en imaginer la vocalisation. Depuis le Hourban, la transmission en est interrompue (d’où les aberrations du type « Gehovah » ou « Jahvé »). Traduit par les Septante en grec (Kurios, « Seigneur ») il a conservé le sens de « Seigneur » puisque, dans la lecture publique, on le prononce « Adonaï ».
 HaKadoch Baroukh Hou (= le Saint, Béni est-il) est la désignation des rabbins du Talmud en application du commandement de ne pas dire le Nom en vain - la sanctification du Nom (Kiddouch HaChem) passant par le rite et par tout acte qui rend le Nom immanent.
Peut-on supposer ici que dans le « Notre Père », « Ton Nom soit sanctifié » soit un appel intime à cette sanctification, autant que l’invocation d’une reconnaissance universelle de la sainteté divine ?
 Ein Sof (l’infini) est la désignation des Kabbalistes. La Torah tout entière, comme un tissu sur lequel sont brodés les noms divins (cités ci­ dessus), a pour trame le Nom sublime, invisible sous ce foisonnement. Les mystiques ont dégagé de la combinaison de certains versets le Nom - en douze, quarante-deux, voire soixante-douze lettres.
Enfin, le Tanakh emploie différentes appellations qui évoquent des attributs (Un, Saint, Juste, Miséricordieux) ou des qualités de relation (Père, Roi, Juge, Berger, Époux).
Lorsqu’un Juif pieux parle de D., en-dehors de la prière, il dit HaChem (le Nom). Peut-être n’est-il pas indifférent de noter que le « nom » ( « CheM ») est la racine du mot « sémite » (cf Gn X, 11). Et que l’antisémite rejette, au-delà d’un peuple, le Nom.

A.-M. D.