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Interview de Jacqueline Cuche dans Actualité Juive

N° 1338 - JEUDI 26 MARS 2015

« Les Juifs ne seront plus jamais seuls »

Jacqueline Cuche préside depuis quelques mois l’Amitié judéo- chrétienne de France (AJCF). Cette catholique pratiquante, mère de cinq enfants et enseignante à la retraite, vient de rédiger un appel intitulé « Consolez, consolez mon peuple » (Isaïe 40,1) dans lequel elle encourage les chrétiens à manifester leur amitié et leur solidarité envers les juifs « de façon plus évidente et plus concrète ».

Actualité Juive : Pourquoi avez-vous écrit ce courrier ?

Jacqueline Cuche : On entend trop souvent dire dans les médias que les premières victimes de l’islamisme ce sont les musulmans. C’est vrai dans les pays où les musulmans sont majoritaires. Mais en France, ce n’est pas vrai du tout ; il y a peut-être des agressions verbales ou des tags sur les mosquées (ce qui est très regrettable), mais il n’y a pas d’agressions physiques. Alors que les juifs craignent pour leur vie. Il me semble que les juifs ne se sentent pas soutenus, qu’ils se sentent abandonnés. D’où mon message aux chrétiens, et d’abord à ceux de l’Amitié judéo-chrétienne : il nous faut manifester davantage notre amitié envers les juifs pour qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls, car nous sommes à leurs côtés dans cette période difficile. J’espère que cet appel va réconforter de nombreux juifs et qu’il va pousser des chrétiens à agir.

A.J. : Quelles actions concrètes préconisez-vous ?

J.C. : On peut par exemple écrire un petit mot d’amitié aux juifs que l’on connaît, c’est une chose simple auquel on ne pense pas forcément. On peut aussi, quand on rencontre un ami juif qui va à la synagogue, faire un bout de chemin avec lui et même rester à l’office. Cela se fait en Angleterre. J’ai aussi apprécié ce qui s’est fait au Danemark après les attentats : des jeunes de différentes religions (et sans religion) qui ont fait une chaîne humaine autour de la synagogue de Copenhague. J’ai vu avec plaisir
que le mouvement Coexister a manifesté sa présence devant la Grande synagogue de Strasbourg.

A.J. : Vous trouvez la société française indifférente aux peurs et aux souffrances des juifs ?

J.C. : Je pense qu’on n’arrive pas vraiment à mesurer l’inquiétude qui habite les juifs quand on n’est pas juif soi-même. En dehors des actes antisémites actuels, il y a une mémoire liée à des siècles de persécution et à la Shoah qui ne pourra jamais habiter les chrétiens au même degré. On ne peut donc pas mesurer vraiment ce que peut ressentir un juif quand il voit l’antisémitisme resurgir à nouveau. Je souhaite que les juifs comprennent que quelque chose a profondément changé et qu’ils ne seront plus jamais seuls.

A.J. : Et comment évaluez-vous la situation à Strasbourg et en Alsace ?

J.C. : Il me semble qu’à Strasbourg la situation est meilleure pour les juifs. Des amis juifs me disent qu’ils sont bien moins anxieux que l’on peut l’être dans la banlieue parisienne par exemple. Pour ce qui est des relations entre juifs et chrétiens, je dirais que c’est une région privilégiée car il y a toujours eu des juifs ici et que cela est normal pour beaucoup de gens. ●

PROPOS RECUEILLIS PAR NATHAN KATZ

Appel de Jacqueline Cuche : « Consolez, consolez mon peuple » (Isaïe 40,1)

A la suite de cet appel, nous avons également reçu le témoignage suivant :

« Je n’attache pas une importance particulière à mon geste personnel, mais j’ai choisi pour ma part de participer régulièrement au cours de pensée juive du Lundi soir du Rabbin Lemel à la synagogue de la rue Cadet, et évidemment de m’astreindre à une grande régularité en cette période troublée. Il est important pour moi, dans ce geste qui n’a de sens que pour moi, de descendre la Rue Cadet la Kippa sur la tête.

Je suis bien évidemment d’accord pour que vous l’évoquiez sur le site sous réserve évidemment d’anonymat. Mais alors évoquez aussi je vous prie, deux autres éléments beaucoup plus importants que ma simple participation à une conférence
quand ma seule motivation est la beauté de la parole de l’Eternel qui y est entendue : D’abord le fait que le Rabbin Lemel, quand je lui ai demandé l’autorisation d’assister avec les enfants de ma famille à sa conférence, nous autres Goyim, m’a répondu simplement : « Barouhk HaBa ».

Ensuite la mémoire de ma grande tante Georgette Lyet-Messmer, morte à Auschwitz avec le tatouage 31818 début Juin 1943, membre du réseau « Front National » (!) pour avoir « donné l’hospitalité à des prisonniers et des Israélites » « et « favorisé (leur) fuite ». Cette catholique divorcée (!) mère d’un petit garçon de 10 ans, par sa vie et par sa mort dans l’anonymat, incarne elle véritablement l’idée de la France que nous aimons passionnément, et que vous défendez activement par votre action ». « Consolez, consolez mon peuple » (Isaïe 40, 1)