Dès 1941, Sabine Zlatin, juive immigrée en France entre les deux guerres, visite les camps d’internement de la zone sud en tant qu’infirmière à la Croix-Rouge. Elle parvient, à plusieurs reprises, à en sortir des enfants juifs qu’elle rassemble dans une maison de l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants), à Palavas-les-Flots (Hérault). Cette maison est un lieu de passage pour diriger les enfants vers d’autres endroits et notamment vers la Suisse. En novembre 1942, la zone sud est entièrement occupée par les Allemands. Le préfet de l’Hérault, pourtant dépendant de Vichy mais conscient de la menace qui pèse sur les enfants juifs, conseille alors à Sabine Zlatin de transférer ses protégés dans le département de l’Ain car il connaît le sous-préfet de Belley qui apporte son soutien aux proscrits. Marcel Witlzer est aidé à sa sous-préfecture par sa secrétaire générale Marie Antoinette Cojean. Tandis que la maison de Palavas est dissoute, la maison d’Izieu ouvre à l’hiver 1942-1943 sous le nom officiel de « Colonie des enfants réfugiés de l’Hérault ». La maison est dirigée par Miron Zlatin, le mari de Sabine, et des monitrices juives et non juives s’y installent (notamment les membres de la famille Paillarès qui, par la suite, sauveront la petite Diane Popovski).
L’été 1943 semble une période faste pour ces enfants séparés de leurs parents qui, pour certains, ont déjà été déportés. Les photos de Paulette Paillarès montrent des enfants heureux de vivre, malgré leurs soucis et leur angoisse, dans un cadre montagneux magnifique. L’OSE finance la maison et aide Sabine Zlatin à transférer des enfants vers la Suisse, c’est le cas de Paul Niederman qui trouve aussi l’aide des Éclaireurs israélites. Des enfants quittent la maison, d’autres arrivent.
À la rentrée scolaire de 1943, le sous-préfet de Belley obtient, du gouvernement de Vichy, la nomination d’une jeune institutrice de 21 ans, Gabrielle Perrier. La commune d’Izieu parvient à meubler une salle de la maison pour la transformer en classe où les enfants apprennent à lire écrire, compter mais aussi à chanter, dessiner etc. Les plus grands suivent les cours au collège de Belley. Les lettres que les enfants envoient à leurs parents, dont quelques-unes ont pu être recueillies, sont autant de témoignages de la bonne ambiance fraternelle que les Zlatin et leurs adjoints avaient réussi à instaurer dans la colonie.
Mais au printemps 1944, la tension monte dans la région où les maquis sont actifs. L’alerte est donnée par l’arrestation d’un médecin juif, dans le voisinage. Sabine Zlatin envisage d’évacuer les enfants et, le 3 avril, elle se rend à Montpellier pour trouver une solution. Le 5 avril, Gabrielle Perrier prend congé de ses élèves et elle leur donne rendez-vous au retour des vacances de Pâques durant lesquelles elle se rend chez ses parents.
Le 6 avril, jeudi saint, vers 9 heures, des camions font irruption près de la Maison sans que personne n’ait le temps de donner l’alerte. Les enfants sont encore attablés pour le petit-déjeuner. Les 44 enfants juifs (un seul non juif est relâché) sont embarqués, les plus petits jetés dans les camions, avec leurs 7 moniteurs. Un seul échappe, Léon Reifman, il venait d’arriver à la Maison et il est parvenu à sauter d’une fenêtre et à se cacher. En quittant le village, les enfants entonnent dans les camions « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ». Les villageois assistent au drame sans pouvoir intervenir, c’est la consternation car la colonie attirait leur sympathie.
Des raflés, seule la monitrice Léa Feldblum est revenue d’Auschwitz et c’est son témoignage qui permet de savoir ce qui est advenu des raflés après le 6 avril. Enfermés au fort de Montluc, ils sont d’abord interrogés brutalement, puis transférés à Drancy. La plupart sont déportés par le convoi 71 et quelques-uns par les convois 72 à 76. Sur la rampe de débarquement d’Auschwitz, Léa est brutalement séparée du petit Émile Zuckerberg, âgé de 5 ans et qui s’accroche à elle comme à sa mère. Miron Zlatin et deux adolescents de 16 et 17 ans, Théodor Reis et Arnold Hirsch, sont déportés par le convoi 73, du 15 mai 1944, une partie du convoi est dirigée vers Kovno (Lituanie) et une autre vers Reval, en Estonie. C’est là que les deux pensionnaires de la Maison d’Izieu et Miron Zlatin sont assassinés.
Un telex signé de Barbie rend compte de la rafle et donne la preuve de sa responsabilité dans l’assassinat de ces enfants. L’opiniâtreté des époux Klarsfeld, aidés par Sabine Zlatin rescapée puisqu’elle se trouve à Montpellier lors de la rafle et par deux mamans d’enfants raflés, a permis l’arrestation de Barbie réfugié en Amérique du Sud. Son procès s’ouvre le 11 mai 1987, devant la cour d’assises du Rhône.
Cette page a été écrite à partir de l’ouvrage de Serge Klarsfeld, Les enfants d’Izieu, une tragédie juive, Documentation publiée, en vue du procès Barbie, par Serge Klarsfeld, président de l’Association « Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France », 1984.
Les photos et la liste proviennent de cet ouvrage. En logo : la Maison d’izieu en 1984.
Depuis, la Maison d’Izieu a été transformée en maison du souvenir et un travail pédagogique est assuré par Pierre-Jérôme Biscarat. Il est l’auteur de plusieurs études sur la Maison d’Izieu dont :
Dans la tourmente de la Shoah : Les enfants d’Izieu, M. Lafon, 2008
D’Izieu à Auschwitz, L’histoire de deux enfants dans la Shoah, Paris, Flammarion, éd. J’ai Lu Librio 1082, 2014.
« Scolarisation et éducation à la colonie d’enfants réfugiés d’Izieu (1943-1944) », dans Tsafon, revue d’études juives du Nord, n° 53 printemps – été 2007, pp. 47-84.
Danielle Delmaire
Site de la Maison d’Izieu : Aujourd’hui, cette maison est devenue le Mémorial des enfants juifs exterminés. Visitez le site, allez voir la maison.