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Prochain

La racine hébraïque du mot (R A’) a pour sens « paître », « pâturer ». Le « R A’ » est, étymologiquement, celui avec qui on partage le même pâturage.

Le verset traduit habituellement par « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel ». (Lévitique XIX, 18) peut signifier, littérale­ment pour la première partie : « tu aimeras ce qui est à ton compagnon (le compagnon étant « celui avec qui on partage le pain » au sens éty­mologique français). Autrement dit, aimer celui avec qui on partage le quotidien, c’est respecter tout ce qui lui appartient - sans toutefois être obligé d’accepter ce qu’il peut penser ou faire de mal ! « Comme toi­ même », c’est-à-dire : dans la mesure et de vos besoins ou désirs com­muns, et de vos limites communes.

Paradoxalement, le commandement biblique d’aimer se situe toujours dans la proximité. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’amour est suffi­samment complexe pour ne pas chercher à l’appliquer en premier lieu au « lointain » : malgré les apparences, c’est celui qui est proche qu’il est le plus difficile d’aimer : à preuve, Caïn et Abel... ou encore, le comman­dement d’honorer ses parents, ce qui semble bien montrer que cela ne va pas de soi. En ce sens, il est clair que la pensée hébraïque n’expéri­mente pas l’amour comme un élan spontané , un sentiment romantique. Sinon, pourquoi D. aurait-il besoin de nous prescrire d’aimer le pro­chain, voire de « ne pas haïr (son) frère dans (son) cœur » (Lév. XIX, 17) ?

Le prochain, c’est le membre de la tribu ou d’une tribu alliée, le conci­toyen ou le coreligionnaire, celui avec qui on partage des liens de vie sociale et religieuse. Lorsque la Tora prescrit - bien plus souvent que l’amour du prochain - le respect de l’étranger et de ce qui lui appartient, c’est qu’ici, la proximité vient d’une communauté d’expérience. C’est dans ce même chapitre XIX du Lévitique qu’il est dit : « (...) et tu aime­ra l’étranger comme toi-même, car vous avez été étrangers en pays d’Égypte. Je suis l’Éternel votre D. » (v. 34).

« Je suis l’Éternel » est le leit-motiv de tout le chapitre XIX du Lévitique. Ce rappel donne sa tonalité - et son sens - aux prescriptions d’amour : C’est en D. qu’il m’est possible d’aimer le prochain et l’étranger, parce que, comme moi, ils sont créature et fils du même Père. Concernant l’amour de l’étranger, des Sages du Talmud iront jusqu’à dire qu’« il est plus grave de voler un non-Juif qu’un Juif, parce que non seulement on le lèse, mais ce faisant, on profane le Nom » (Tosefta B.K.).

A.-M. D.