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Hanouka : une petite fête toute simple ?

Par Anne-Marie Dreyfus, de l’AJCF Draguignan

De la fête de Hanouka, on sait habituellement qu’elle commémore les combats des frères Maccabée contre les armées d’Antiochus Epiphane, la victoire de la fidélité juive sur l’hellénisation forcée, et le miracle de la fiole d’huile qui permit de rallumer durablement le candélabre d’or du Temple. Selon sa sensibilité, un Juif peut mettre l’accent sur l’une ou l’autre de ces interprétations.

Or tout cela n’est pas sans poser de questions. Pourquoi ces évènements n’ont-ils pas été consignés dans la bible hébraïque ? Pourquoi cette commémoration dure-t-elle huit jours ? Quel est le symbolisme suggéré par l’appellation de cette fête, à la fois « fête de l’inauguration » (ou « de la Dédicace »), et « fête des lumières » ?

Une réponse à la première question peut déjà découler du constat que les livres écrits en grec ont été rejetés par les rabbins qui ont fixé le canon biblique. Mais il y a d’autres hypothèses.

S’il s’agit de la commémoration d’une victoire, celle-ci est, finalement, ambigüe. Effectivement, Judah Maccabée (surnom grec : « marteau ») et ses frères, membres d’une famille sacerdotale, ont fini, au terme d’une guerilla de trois ans (167-164 av. e.c.) par repousser les armées du roi séleucide Antiochus IV, et rendre au peuple juif son Sanctuaire devenu un temple païen. Mais par la suite, Judah et son frère Jonathan chercheront une alliance militaire avec Rome, puissance émergente face à l’affaiblissement séleucide. Alliance dont on sait ce qu’il adviendra par la suite : la création de la province romaine de Judée et, finalement, la destruction du Temple et la Diaspora juive.

De plus, leurs descendants s’approprieront la fonction de grand-prêtre. La dynastie qu’ils ont fondée – dite des Hasmonéens, dont Hérode est issu - sera donc contestée à un double titre : d’une part elle ne descend pas de la lignée de David et d’autre part, enfreignant la loi biblique de séparation des pouvoirs, ils supplantent une lignée sacerdotale remontant à Sadoq – grand-prêtre sous le règne de David. C’est probablement pourquoi leur histoire n’aura pas sa place dans le canon biblique juif.

Mais alors, pourquoi célébrer encore la victoire des Maccabée ? D’une part, leurs combats ont valeur d’exemple comme la Résistance au nazisme a valeur d’exemple. Ils se sont battus pour que la circoncision, le shabbat, la Tora - ce qui fait l’identité juive – soient sauvegardés malgré la persécution et l’interdiction de toute pratique, sous peine de mort. Sauvegardés aussi malgré la séduction de certains pour le mode de vie grec, prélude à l’assimilation. La lutte des Maccabée incarne l’opposition pluri-séculaire entre le particularisme juif et les idées du moment... quel que soit le moment de l’Histoire où elles tentent de s’imposer. Ils se sont battus pour que les Juifs n’abandonnent pas leurs valeurs éthiques et religieuses. La révolte qu’ils ont initiée durera encore vingt ans avant que les Juifs recouvrent un semblant d’autonomie, à l’ombre de l’empire romain.

La reconquête du Temple a concrétisé cette résistance que rappelle la liturgie de Hanouka : « Tu as livré les forts aux mains des faibles, ceux qui étaient nombreux aux mains du petit nombre ». L’allumage des huit lumières de la fête en est la flamme du souvenir. Si elle n’est pas mentionnée dans la Bible hébraïque, les détails de la ré-inauguration du Temple sont relatés dans le 1° Livre des Maccabée (introduit dans le canon catholique de la Bible). Or il n’y a dans ce récit aucune mention du miracle de l’unique fiole d’huile qui a suffi pour alimenter le candélabre pendant huit jours. Il fait cependant partie de la tradition rabbinique, qui l’interprète dans différents passages du Talmud.

La fête existait au temps de Jésus, selon ce qu’en dit l’Evangile de Jean (10,22). Les Sages qui ont institué la fête la font durer huit jours : huit jours comme pour l’inauguration du Temple par Salomon, et comme la durée de la fête de Soukot, qui n’avait pu être célébrée en temps voulu du fait des interdits d’Antiochus IV. Huit jours comme le temps de l’entrée d’un nouveau-né dans l’Alliance de la circoncision. Huit jours qui ouvrent - au-delà des sept jours du temps de l’homme dans l’Histoire – sur l’espérance du temps qui sera au-delà de l’Histoire : le temps du Messie.

Fête des lumières, Hanouka l’est à plusieurs titres (même si elle n’anticipe en rien le siècle des Lumières...). Le 25 Kislev (date de la fête fixée par Judah Maccabée), correspond dans le calendrier juif au solstice d’hiver, prélude aux journées plus longues que les nuits. Elle évoque la flamme spirituelle, victorieuse de la supériorité militaire. Elle symbolise la fidélité à la Lumière divine lorsque ce qui séduit détourne le regard de l’essentiel. Et si Hanouka est la fête des enfants – comme Noël – n’est-ce pas parce que la lumière est à la mesure de leur regard ?

Anne-Marie Dreyfus
21.11.2013

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