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La vocation irrévocable de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France

En recevant l’Amitié Judéo-Chrétienne de France en décembre 2022, le pape François lui exprima sa reconnaissance pour le travail effectué depuis sa fondation en 1948 par Jules Isaac, et pour son engagement au service du dialogue entre juifs et chrétiens. Il l’encouragea aussi à poursuivre son œuvre : la tâche n’est pas achevée, dit-il.
Le pape, qui avait noué des relations d’amitié avec Madame Edith Bruck, vieille dame juive d’origine hongroise, rescapée d’Auschwitz, qui vivait à Rome, était conscient et préoccupé de la montée de l’antisémitisme en Italie et partout en Europe. A plusieurs reprises, il avait mis en garde contre ce poison, et il rappelait sans cesse, comme ses prédécesseurs depuis Pie XI, que l’antisémitisme est impossible pour les chrétiens, qu’un chrétien ne peut pas être antisémite.

La délégation de l’AJCF, elle-même inquiète depuis de nombreuses années par le retour d’un antisémitisme exacerbé, marqué en France par l’assassinat de plusieurs personnes juives, notamment celui des enfants de l’école juive de Toulouse, fut heureuse d’entendre cette déclaration qui partait du cœur et ces encouragements à poursuivre l’œuvre de Jules Isaac. Pourtant, nul n’imaginait alors, sous les fresques magnifiques de la salle Clémentine où nous étions reçus en audience privée, que moins de dix mois plus tard, nous serions submergés par une vague de haine antisémite d’une telle violence qu’elle fait penser à un tsunami qui pourrait tout renverser, la démocratie, la terre d’Israël, le sens même de l’humanité.

Qui aurait imaginé entendre à nouveau d’importants responsables politiques hurler des invectives dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale comme à la Chambre des Députés ? Qui aurait imaginé nos universités et les plus grandes écoles qui forment l’élite du pays, reprendre les slogans antisémites ?
Exprimer publiquement la haine antisémite, comme toute haine raciale est un délit qui doit être jugé. Si nous nous réjouissons du discours de fermeté des autorités politiques de notre pays, nous nous inquiétons de la faiblesse des actions judiciaires. Les actes et les discours antisémites doivent être poursuivis, même et peut-être surtout lorsqu’ils émanent d’élus ou de candidats à des élections. Parce que la démocratie est alors dévoyée et détournée de son sens. L’antisémitisme n’est pas une opinion, diffuser la haine antisémite ne relève pas de la liberté d’expression. C’est un délit qui doit être sanctionné comme la loi le prévoit.

Déguisée en antisionisme, cette vague semble même remettre en cause, au sein du christianisme, près de soixante-dix ans de travail depuis la publication de Jésus et Israël et de L’enseignement du mépris et le concile Vatican II avec la Déclaration Nostra Aetate. En février 2021, la Conférence des évêques de France avait publié une Déclaration invitant les catholiques à lutter contre l’antisémitisme ET l’antijudaïsme. Son président, Mgr Éric de Moulins Beaufort avait en effet perçu le retour dans certains milieux, d’un antijudaïsme que l’on croyait définitivement oublié. Mais nul n’aurait pensé lire ce que nous pouvons lire aujourd’hui dans certains médias chrétiens qui rejoignent, peut-être inconsciemment, les meutes antijuives, en reprenant sans distance la propagande du Hamas et de l’islamisme radical. Mais quelle belle réponse que l’exclamation du père Christophe Le Sourt, directeur du Service national pour les relations avec le Judaïsme de la Conférence des Évêques de France et de ses prédécesseurs, le frère Louis-Marie Coudray et le père Patrick Desbois : « A nos pères dans la foi : vous n’êtes pas seuls ! » (La Croix, 22 avril 2024) ; quelle belle réponse que celle de Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, qui, à la suite de l’incendie de la synagogue de sa ville, a accueilli à l’archevêché la communauté juive pour qu’elle puisse célébrer Shabbat !

François avait vu juste. Plus de soixante-seize ans après sa fondation, l’Amitié Judéo-Chrétienne a une mission irrévocable : celle de garantir une relation confiante entre juifs et chrétiens fondée sur la connaissance mutuelle, sur l’estime, sur une amitié vraie, sur une solidarité sans faille. Dans cette mission, l’AJCF qui vient de tenir son Assemblée Générale, m’a fait l’honneur de me renouveler sa confiance en tant que président. Je continuerai à assumer, avec le Comité Directeur et le Bureau, cette tâche essentielle. Nous sommes entrés dans un combat existentiel contre le mal antisémite. Ce combat est fondamental pour les juifs, pour les chrétiens, et pour la Nation toute entière.

Jean-Dominique Durand, Président de l’AJCF
Éditorial de Juin 2024