A Jérusalem, le 17 décembre 2012
Une amie juive me confiait l’autre jour son désarroi quant à la difficulté d’un certain nombre de ses amis non-juifs à comprendre la conscience juive, qui ne relève pas seulement d’une identité individuelle, mais d’une réalité collective et trans-générationnelle. Être juif ne signifie pas forcément pratiquer le judaïsme mais appartenir au peuple juif, se sentir co-héritier de son histoire, de sa mémoire. Cette dimension sociale et historique est particulièrement perceptible au moment des fêtes. Autour des récits et des symboles qui y sont attachés, on voit se croiser et se rencontrer dans l’espace public des religieux de toutes obédiences, des non-religieux, des laïques, des enfants et des anciens communiant au même esprit.
Ainsi, pendant les 8 jours de Hanoucca, il est plaisant d’arpenter rues et places, dans la vieille ou la nouvelle ville de Jérusalem, de se réjouir des innombrables bougies allumées aux fenêtres et aux portes, de se joindre en passant à n’importe quel groupe allumant une Hanoukkia géante, d’entendre une institutrice raconter l’histoire à ses petits élèves, et de joindre sa voix aux chants spécifiques de la fête.
Mais comme tous le temps forts de l’année, Hanoucca n’est pas seulement une occasion de réjouissances, mais aussi un moment de réflexion et de questionnement. Le souvenir de la victoire des Maccabées sur le souverain Antiochus Epiphane, la purification du temple, le miracle de l’huile permettant d’allumer les bougies pendant 8 jours, tout cela donne lieu à des interrogations sur l’histoire, sur l’identité juive, sur le rapport à l’autre et sur la vocation du peuple juif. C’est ainsi que j’ai assisté, juste au lendemain de la fête, à une soirée de réflexion sur le thème de la « réparation du monde » (le Tiqun Olam) dans la société israélienne. Et des gens de toutes sensibilités prirent la parole, y compris un théologien égyptien venu spécialement du Caire apporter sa voix musulmane dans le débat.
En cette période où nous-mêmes chrétiens préparons Noël et célébrons la lumière du Christ dans le monde, nous pouvons souhaiter que, dans les différents pays imprégnés de culture chrétienne, nous reprenions à notre compte cette conscience collective d’une histoire qui fait sens – pas seulement pour les Églises, les chrétiens ou les croyants, mais bien au-delà dans l’espace public et les relations entre nations. Le récit de Noël n’est pas seulement un récit religieux qu’il faut résorber dans l’intime des cœurs, des familles et des communautés, ou bien masquer derrière les guirlandes et les pères Noël sous peine d’offusquer les non-chrétiens ! La naissance de Jésus renvoie à chaque naissance de petit d’homme ! Et elle a totalement bouleversé l’histoire du monde il y a 20 siècles et depuis 20 siècles. Ce fut pour le meilleur et hélas parfois pour le pire !
Qu’aujourd’hui la lumière de Noël brise les forces de la désespérance, de la même manière que la lumière de Hanoucca porte en elle la victoire sur l’idolâtrie.
Florence Taubmann