La formule hébraïque que l’on traduit couramment par « œil pour œil » signifie littéralement : « œil à la place de l’œil » - étant entendu d’une part que l’organe lésé est assimilé à un outil, d’autre part que le « remplacement » se fait non au moyen d’une rétorsion physique (stérile et inéquitable) , mais sous forme de compensation pécuniaire.
Le talion limite tout d’abord la sanction à l’équivalence du dommage. De plus, c’est la matérialité du dommage qui est la point de référence, et non la qualité sociale de la victime (la peine vaut pour le maître et pour le serviteur cf. Ex XXI, 26-27). Enfin, ce n’est pas la victime elle-même qui doit exercer le châtiment réparateur, mais un tribunal : le texte ne dit pas « tu feras comme on t’a fait » mais « il lui sera fait comme il a fait » (Lev XXIV, 19).
Les Sages ont défini cinq chefs de responsabilité (qui sont aussi les critères d’équivalence pécuniaire) : la douleur, le préjudice réel, la probabilité de guérison, l’incapacité de travail, le préjudice moral (T.B. Baba Kamma 83b). Le Talmud donne à ce sujet des indications concrètes, pour que chacun veille à ne pas causer de préjudice à autrui, et se com porte de telle sorte qu’on ne puisse lui causer de préjudice. La responsabilité devient ici appel à la vigilance (rappelons que ce sont les dom mages involontaires qui font l’objet du talion).
Dans la tradition chrétienne, il n’est guère de prescription qui ait été plus souvent citée comme représentative de la Loi de l’Ancien Testament op posée à l’Évangile. Si le Sermon sur la montagne est un appel à la perfection, la législation de la Torah reste la base éthique de la vie sociale ; en l’occurrence, une société peut-elle se dispenser d’exiger la réparation des torts ?
A.-M. D.