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La Conférence de Seelisberg (30 juillet-5 août 1947)

Éditorial de Jean-Dominique Durand
25 mai 2022

Les anniversaires ont le mérite de susciter de nouvelles études et surtout de mesurer le chemin parcouru depuis l’événement commémoré. C’est le cas de la Conférence de Seelisberg qui rassembla, dans ce petit village suisse (canton d’Uri) soixante-dix personnalités juives, protestantes, catholiques, venues de dix-neuf pays, du 30 juillet au 5 août 1947, il y 75 ans à l’invitation de l’International Council of Christians and Jews (ICCJ) ; ce sera le cas en 2023 pour les 75 ans de l’AJCF fondée en 1948 et les 60 ans du décès de son fondateur Jules Isaac. Depuis plusieurs semaines, l’ICCJ publie régulièrement des commentaires de personnalités actuelles liées au dialogue judéo-chrétien. Ils sont consultables sur son site web. Ces documents constituent un ensemble documentaire remarquable en raison de son caractère résolument international. Ils invitent à poursuivre sur le chemin ouvert à Seelisberg, dans un contexte radicalement différent.

En 1947, le monde était sous le choc de la découverte de l’ampleur de la destruction des juifs d’Europe, fruit d’un antisémitisme pluriséculaire, réalisée systématiquement et d’une manière industrielle en terres chrétiennes. La Déclaration finale en forme d’appel aux Églises chrétiennes commence précisément par cette constatation :
« Nous venons d’assister à une explosion d’antisémitisme qui a conduit à la persécution et à l’extermination de millions de juifs vivant au milieu des chrétiens ».
Les « Dix points » qui sont sortis des délibérations, fortement inspirés par Jules Isaac, sont autant de recommandations faites aux Églises chrétiennes pour qu’elles établissent de véritables digues contre l’antisémitisme, sans se contenter de bonnes paroles ou de condamnations dont la répétition montre les limites. Cette fois les chrétiens sont placés devant leurs responsabilités, et invités à travailler sur les messages qu’ils diffusent, à travers notamment le vocabulaire utilisé et certaines affirmations théologiques. La responsabilité de l’éducation, à travers la catéchèse et le rôle des parents est soulignée avec force. Les « Dix points » ont porté la fondation de l’AJCF en 1948, ils en sont en quelque sorte la charte.
Depuis lors le chemin parcouru est considérable. En témoignent deux volumes qui viennent d’être publiés, qui rassemblent des textes majeurs, fruits précisément de la rencontre de Seelisberg et des travaux de Jules Isaac. Le livre édité par la Fédération protestante de France, Les relations entre chrétiens et juifs. Compendium de textes protestants, dirigé par le pasteur Serge Wüthrich (Éditions Olivétan), s’ouvre justement par « Les Dix-huit propositions de Jules Isaac », synthèse de ses propositions développées dans son livre majeur Jésus et Israël, et par « Les dix points de Seelisberg ». Le livre préparé sous l’égide du Service national pour les relations avec le judaïsme de la Conférence des évêques de France, Jean-Paul II, Une fraternité renouvelée. L’Église et le judaïsme (Bayard Éditions-Mame-Les Éditions du Cerf) rassemble, précédés d’une préface du pape François, et suivis de la Déclaration conciliaire Nostra Aetate, les textes de Jean-Paul II multipliés au cours de son long pontificat (1978-2005). Dans l’un de ses premiers discours, prononcé le 1° juin 1980 en présence des représentants de la Communauté juive française, il se situait dans le mouvement engagé « grâce au courage et à la décision de quelques pionniers, dont Jules Isaac ».