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Allocution de M. Raphy Marciano

BONSOIR

Mes remerciements tout d’abord à l’Amitié Judéo Chrétienne de France, ma gratitude à vous Madame Jacqueline Cruche, à vous Cher Bruno Charmet, à toi chère Elzbietta.
Je remercie le Grand Rabbin de France, qui nous honore de sa présence.
Ma reconnaissance à vous, François Lerossignol, au Père Louis Marie Coudray et à mon Ami le Père Patrick Desbois.
Ma gratitude au Grand Rabbin, Gilles Bernheim à qui je dois tant….

Le 31 octobre 1971 Emmanuel Levinas, directeur de ce lieu prestigieux ouvrait le colloque des Intellectuels juifs par ces mots que je reprendrais volontiers à mon compte

« J’ai l’honneur de souhaiter la bienvenue aux membres du XII colloque… sans évoquer tous les noms que je voudrais saluer individuellement… Je les salue au nom de l’école qui les accueille dans ces locaux et au nom de l’Alliance Israélite Universelle, mère de cette école. Mère et fille, toutes les deux sont âgées, mais jeunes par leur ouverture sur le monde et par la jeunesse qui circule dans les veines de cette maison ».

Mesdames et messieurs, chers amis,

Si je ne peux évoquer, moi aussi, tous les présents, permettez moi de rappeler des absents pour toujours, mais éternellement présent pour moi et c’est à eux que je dédie Ce prix, au Révérend Père Jean Dujardin et à Elie Wiesel.

A Jean Dujardin, en souvenir de toutes nos rencontres hebdomadaires jusqu’à la veille de sa disparition et à Elie Wiesel à qui je dois tant et qui a contribué pendant plus de 30 ans à enrichir mon judaïsme, et me rendre plus fier.

C’est avec une infinie tristesse que je mesure encore aujourd’hui leur grandeur au vide qu’ils laissent.
J’ai ce soir une pensée émue pour Alain Didier Weil disparu cette semaine.

Le prix que je reçois aujourd’hui honore d’abord la rencontre et le dialogue judéo-chrétien et tous les hommes de Foi.
Je le comprends d’abord comme le fruit de mes rencontres, de nos parcours, de nos actions engagées dans ce dialogue.
Ce prix je l’interprète comme la transmission de ce dialogue, parfois difficile certes, car il engage nos intimes croyances et nos profondes convictions. Il est enthousiasmant et prometteur, sur bien des points. C’est d’abord la reconnaissance de notre foi, comme fondement certain de la Paix Universelle. Derrière des vérités dogmatiques qui s’opposent, nous accueillons sans crainte la diversité des cheminements spirituels. Notre dialogue implique la mise entre parenthèse des orgueils. Il ne vise pas l’œcuménisme, mais à l’obligation morale de la connaissance, de l’acceptation et du respect.
Le temps est venu aujourd’hui d’interroger et de revenir sur l’évolution de ce dialogue au cours des dernières décennies, quelles sont les divergences qui demeurent encore aujourd’hui ? Et comment pouvons nous les surmonter ?
C’est l’occasion de repenser les relations entre l’Église et la Synagogue.
Ce dialogue commence dans sa forme historique, comme un mouvement de rencontres d’Hommes et de Femmes, de différentes sensibilités religieuses, au lendemain de la 2ème Guerre mondiale. Il est important de situer, les premières rencontres, dans le climat démocratique et humaniste de l’immédiate après-guerre. Les chrétiens qui avaient pris part à ces premières tentatives, étaient des hommes et des femmes ecclésiastiques et laïques qui avaient participé à la Résistance armée ou pacifique, contre l’occupant nazi et au projet de sauvetage des juifs européens menacés d’extermination ; Ces pionniers chrétiens, avaient pris durant la guerre des initiatives courageuses pour rester fidèles à leur foi.
A l’origine pour beaucoup d’entre eux, il s’agissait plutôt de secourir des juifs persécutés, que de dialoguer avec le judaïsme. Lentement dans leur esprit a cristallisé l’idée que le juif, n’est pas simplement la cible d’une haine injustifiable, mais aussi porteur d’un message spirituel.
Il a fallu de la part de ces croyants chrétiens souvent éduqués, dans une vision méprisante d’Israël, un remarquable courage intellectuel : reconsidérer le rapport entre judaïsme et christianisme.
Du coté des juifs, ceux qui s’engageaient dans ce dialogue étaient souvent des rescapés de la Shoah et des résistants, qui avaient connu la clandestinité. Ils découvraient un autre visage du christianisme celui des résistants avec qui ils partageaient le rêve d’une société de liberté : Le défi aujourd’hui est de transmettre l’esprit de la déclaration de SEELISBERG.
Juifs et chrétiens ont vécu sur les mêmes terres pendant 2000 ans en se contemplant en chien de faïence. Il y avait une proximité géographique très étroite, mais une distance psychologique très significative. Pour combler ce gouffre il a fallu l’expérience terrifiante de la Shoah.
Le monde chrétien a accepté de réexaminer dans son enseignement, la place du judaïsme et du peuple juif, pour dépasser les préjugés de l’antique enseignement chrétien, des pédagogues, des théologiens, des historiens se sont attelés à cette tache, remarquable de courage. Il est important que dans le monde juif, dans notre enseignement pour les nouvelles générations, nous donnions une vision éclairée et ouverte du christianisme et des chrétiens.
Chers amis, j’ai eu tout au long de mon parcours, l’honneur de rencontrer des personnalités exceptionnelles, acteurs et actrices du dialogue interreligieux.
Ces rencontres furent l’occasion de surmonter, ensemble des stéréotypes toujours ancrés, et de m’investir dans la connaissance de l’autre d’une part, et d’autre part dans la présentation de mon judaïsme, dans le cadre de ce qui m’apparait, comme un combat pacifique pour la reconnaissance.
Il ne s’agit pas de se contenter d’un dialogue de surface, ou d’échanger des propos consensuels, mais bien dans le prolongement d’un dialogue exigeant, ne ménageant pas la critique, toujours nécessaire, de se confronter aux conflits et aux préjugés
Au delà de ces rencontres il y a cependant une volonté guidée par la spiritualité en partage, qui souhaite réaffirmer la présence de Dieu pour l’Humanité.
J’ai confiance dans notre capacité mutuelle à œuvrer de concert pour l’approfondissement de ce dialogue.
Il me faut à présent revenir sur ma perspective, et sur ce qui rend peut être ce témoignage particulier. Il s’agit bien entendu d’un point de vue, d’un Homme Juif, pénétré du sentiment d’appartenir à un grand peuple, à un vieux peuple, à une mémoire sacrée, à une histoire unique et singulière. Cette fierté n’est pas le signe d’un quelconque complexe de supériorité, mais bien plutôt le signe d’une mission éthique, qui indique des Devoirs, des obligations, des juifs envers les Nations.
Adolescent j’ai vécu à ma mesure, une sorte de « choc des civilisations », « choc des cultures » même si celui-ci n’a pas la même tonalité conflictuelle, que la thèse du professeur HUNTINGTON.
Je suis en effet, né dans la ville blanche, baignée de lumière à Casablanca. Mes souvenirs me dépeignent une enfance heureuse, sous un ciel bleu, au milieu d’une rue située entre 2 églises anglicane et catholique.
Évidemment j’étais bien incapable à l’époque de comprendre la différence entre ces 2 lieux de culte. J’en admirais l’architecture, la vie chaleureuse qui s’y déroulait, j’aimais le son des cloches, j’aimais observer la foule de jeunes chrétiens élégamment habillés, se rendre à la messe.
Pour ma part, je me rendais toujours avec joie à leur Kermesse respectives, j’y rencontrais alors mes amis « français » de l’école. Nous disions « français » pour désigner les « chrétiens ». Ces enfants sages, propres et si polis. Aurais-je eu une seule raison de m’en méfier ? Pourtant j’avais peur de rentrer dans une église.
Mon éducation tant familiale que religieuse n’a jamais été empreinte de haine à l’égard des chrétiens. Parfois même, je ressentais une espèce d’admiration à l’endroit des chrétiens. Mais incontestablement nous rejetions le message chrétien qui nous semblait porteur de haine à l’égard des juifs.
Ma grand-mère ne prononçait jamais le nom de Jésus, et par une rhétorique élégante, elle disait simplement « El Hijo de su madré » « le fils de sa mère ». J’ai ainsi évolué dans mon environnement chrétien, avec des sentiments contradictoires ; Le chrétien ne générait aucune suspicion de ma part, mais le christianisme m’inquiétait, lorsque je regardais une croix, je percevais une épée, autrement dit la violence des croisades, de l’inquisition, des souffrances infligées au nom d’une religion. Je ressentais un malaise indicible, une déchirure intérieure.
Chers amis, des juifs, vous en avez rencontré tout au long de votre existence, ils ont partagé avec vous toutes sortes d’expériences, vous les avez rencontré, sur les bancs de l’école, à l’université, dans le cadre professionnel, les juifs d’une certaine manière ne vous sont pas inconnus ; mais vous vous interrogez cependant sur ce qui constitue leur judéité, leur différence…
Le dialogue avec les chrétiens n’est pas un dialogue entre une majorité, 1 milliard de chrétien et une minorité de 12 millions de juifs.
Mais entre 2 minorités, des juifs engagés d’une part, dans ces problématiques dialogiques et une minorité de chrétiens d’autre part très impliquée, dans cette rencontre. On réalise alors, que les autres ne sont pas, le double de nous-mêmes, et que nos différences sont une source d’enrichissement mutuel. Le dialogue avec les chrétiens nous enrichit, dans la mesure où il nous permet de mieux comprendre le christianisme vivant, tel qu’il s’exprime et qu’il ne suffit pas de le connaitre à travers les livres.
Lorsque nous contemplons 2000 ans d’histoire, des relations entre la judéité et la chrétienté, nous ne pouvons certes pas ignorer le poids considérable de l’histoire, et de la violence, de l’intolérance, de la destructivité et même de la cruauté. Mais ce que nous avons réussi à instaurer en France peut servir de paradigme. Nous avons refusé de nous résigner à la fatalité du fanatisme et de l’intolérance.
Nous avons compris dans la nouvelle vision de l’Église que le prosélytisme doit céder la place à la reconnaissance de « l’autre » comme « autre », dans une fraternité, dans l’altérité, une altérité qui ne saurait être provisoire, Israël n’est pas Israël pour quelques années, Israël est là pour l’Éternité.
Dans le même état d’esprit le judaïsme n’a aucune mission prosélytique à accomplir auprès des chrétiens. Leur christianisme n’est en rien un scandale à tolérer, il est un accomplissement de leur Foi.
Le judaïsme et le christianisme doivent se garder de toute tentation de syncrétisme, il ne s’agit pas d’arriver par palier successifs à un seul culte, « le culte unifié universel » fabriqué de bribes de judaïsme et christianisme.
Nous avons montré ensemble avec courage, avec coresponsabilité, que dialoguer c’est vivre ensemble et partager l’expérience d’une recherche spirituelle commune, dans le respect de nos différences. La différence n’est pas un malheur, le malheur c’est la différence haineuse et conflictuelle. Il faut continuer à tendre vers une autre forme de reconnaissance la différence heureuse et conviviale.
Nous avons compris que le dialogue c’est d’abord que « l’on est d’accord sur quoi nous ne sommes d’accord »
Entre nos théologies, il existe des zones d’opposition, le dialogue n’y mettra pas fin. Il nous faudra vivre dans la reconnaissance des domaines théologiques conflictuels. L’objectif du dialogue n’est pas d’imaginer des compromis théologiques ou historiques. La foi n’est pas un programme à raboter, à rendre conforme.
De là, l’existence de la LÉGITIMITÉ d’une opposition entre la foi juive et la foi chrétienne, qui n’est en rien une opposition entre juifs et chrétiens.
Dialoguer c’est apprendre à vivre, à construire ensemble, alors que nos convictions restent profondes et différentes.
Nous sommes en train de réussir le dialogue de demain. Nous continuerons à aborder les questions qui sont au cœur du dialogue.
Les réponses à la Shoah, la place de la loi (la notion de la Mitsvah) et l’État d’Israël.
C’est parce qu’il y a dialogue que notre regard change, être en situation de dialogue c’est avoir un regard historique critique et lucide, c’est nous considérer comme des partenaires d’un projet collectif divin. Nous devons rester optimistes et confiants.
Nous voyons effectivement, que si nous avons des points communs, si nous avons une vision communes du monde, les deux messages ne sont pas identiques.
Seront-ils alors différents pour toujours ?? Pour nous juifs, le message n’est pas destiné à converger vers une sorte de religion, où juifs et chrétiens se retrouveraient ensemble dans une seule Vérité. Pour le juif, le monde est un monde de différence, de l’altérité, composé de l’un et de l’autre, du Moi et du prochain, et en conséquence. Que les chrétiens restent chrétiens ne me trouble en rien, ils ne constituent pas un désaveu du message juif.
Alors, est ce que le fait de rester juif, est un désaveu du christianisme ??
Il faut que le chrétien cesse de le penser, nous ne sommes pas juifs, par refus du christianisme, nous sommes juifs par l’acceptation du message de le Torah et des Mitzvot.
Il est important que le chrétien redécouvre le judaïsme qu’il connaissait de façon fort déformée à travers les écrits des pères de L’Église, à travers l’apologétique chrétienne. Et pour découvrir la pensée de l’autre ! Il faut commencer par écouter le message de l’autre … D’autre part, l’interlocuteur juif découvre la vision chrétienne qu’il connait très mal, souvent à travers des stéréotypes. Le juif découvre que le christianisme est un vrai monothéisme – et en quoi il a des racines juives, en quoi le christianisme a une lecture de la Bible qui peut nous interpeller…
Le dialogue permet le face à face ! Il faut que juifs et chrétiens acceptent que nos deux théologies ne se rencontrent pas, qu’elles ne se rencontreront jamais –elles se rencontreront peut-être dans un autre temps de l’Histoire – on s’interroge sur plusieurs points.
Dans le judaïsme très clairement, il y a une transcendance absolue de Dieu. Il n’y a pas immanence. Dieu est transcendant dans le sens où il ne s’incarne pas dans l’Homme : Il n’entre pas dans l’Histoire de l’Homme.
L’idée chrétienne de l’incarnation, où Dieu nous envoie un fils qui est engendré par Lui, est une idée profondément contraire à tout ce que nous enseigne le judaïsme. Dans le judaïsme, l’homme est crée par Dieu.
Il n’est jamais engendré par Dieu, il n’existe aucun être humain, qui soit engendré par Dieu.
Dés le départ, l’idée même de « Jésus fils de Dieu » et fils d’une mère humaine est contraire au judaïsme et sur ce qu’il nous enseigne, c’est-à-dire la distance infinie qui existe entre Dieu et l’Homme…
Le judaïsme part du principe de la transcendance absolue de Dieu et en conséquence, l’idée chrétienne de « l’Immaculée conception », de « la virginité de Marie », de « l’incarnation de Jésus », « Jésus fils de l’Esprit Saint » sont des principes contraires à la tradition juive.
D’ailleurs, ils n’apparaissent dans le monde chrétien que tardivement, les premiers apôtres, d’ailleurs, qui étaient juifs ne s’exprimaient pas dans ces termes…
Dans le judaïsme, l’espérance messianique ne s’est pas encore réalisée, nous vivons dans un monde encore inachevé, imparfait, un monde à reconstruire, à refonder ; il est encore un monde de l’aliénation, de l’oppression, de la souffrance. Nous avons un espoir messianique… mais nous ne vivons pas dans un monde qui a connu la rédemption. Mais dans un monde qui est en attente de la rédemption.

La Loi, c’est ce qui permet aux hommes de vivre ensemble, de construire un monde meilleur. La Loi n’est pas simplement une convention établie par les hommes. La Loi – Mitzva, ce n’est pas simplement un épisode de l’histoire humaine ; la Loi c’est le fondement même de l’existence humaine collective. Le rôle, l’idée dans le judaïsme que le monde ne pourrait avoir ni compréhension, ni sens… sans la Loi.
Le christianisme par du principe que l’amour, la grâce, la miséricorde remplacent la Loi, et que la foi remplace la législation. Le judaïsme au-delà d’une vision émotionnelle, considère que la loi ce n’est pas la froideur, c’est au contraire la chaleur d’un lien humain fondé sur des exigences.

Le judaïsme c’est la foi d’un peuple, pas celle de l’humanité.

Ce que nous voulons, c’est améliorer, le peuple d’Israël, pour qu’il soit en mesure, de transmettre à l’Humanité, ses valeurs, et il ne s’agit pas de transformer l’Humanité en futur peuple d’Israël…
Les chrétiens demeurent convaincus qu’à l’avenir l’Humanité reconnaitra la vérité de l’Évangile. Nous juifs, nous ne pensons pas, qu’à l’avenir l’Humanité reconnaitra la Vérité de la Torah : ce n’est ni notre espoir, ni notre désir.
A la fin du dialogue chacun demeure ce qu’il est, nous nous sommes enrichis : les juifs restent juifs et les chrétiens restent chrétiens.
L’espoir ? C’est de réduire les tensions, supprimer la haine, abolir l’antagonisme et reconnaitre les différences dans la dignité, dans sa légitimité.
La vérité ce n’est pas le consensus… la vérité c’est la dimension qui nous permet de pacifier nos désaccords…

Quels enjeux, quels défis pour demain ? Pour la première fois, notre siècle voit les églises tenir un langage positif sur le peuple juif, le reconnaitre comme celui qui n’a pas cesser d’être : le partenaire de l’Alliance de Dieu. Des amis chrétiens commencent à aborder des questions neuves :
 Comment se définit alors l’Église quand elle affirme que le peuple juif n’a pas cessé d’être le peuple de Dieu ?
 Comment confesser « Jésus Sauveur » tout en reconnaissant l’actualité de l’existence juive pour le salut des nations ?
 Comment penser une eschatologie qui ne soit pas un triomphe du christianisme sur le judaïsme ?
 Pour bien des chrétiens, parler des juifs c’est parler des contemporains de Jésus, oubliant ceux d’aujourd’hui ?
 Oui ou non, le peuple juif est-il encore aujourd’hui l’Israël de Dieu ? Est-il le peuple éternel de l’éternelle alliance de Dieu au Sinaï ?

Chers Amis, il y a incontestablement une mutation radicale dans le regard des Églises. En ce qui concerne le judaïsme, il convient dans le monde juif d’amorcer une mutation toute aussi significative dans le regard porté par les croyants juifs sur le monde chrétien. Il est important que ses autorités spirituelles, ses institutions, ses écoles, ses moyens de communications, ses penseurs, continuent à réfléchir à une nouvelle vision du christianisme, en donnant une vision éclairée. Il faut aller vers une éducation de rapprochement. Nos écoles sont étrangères au dialogue judéo-chrétien. La coexistence ne doit pas être uniquement pragmatique. Nous Juifs, nous devons continuer à comprendre que nous ne pouvons pas avoir un rapport avec les chrétiens uniquement pour leur signifier ce qu’ils n’ont pas fait, leurs lacunes et leurs taches. Il faut aller vers un Renouveau de la rencontre.

Chers Amis, nous vivons un moment exceptionnel de l’Histoire des relations entre l’Église et la Synagogue. Pour la première fois nous parlons d’égal à égal, il n’est plus question d’une relation de domination, de triomphalisme entre une Église puissante et une Synagogue faible et réduite, même si la chrétienté est majoritaire et le judaïsme minoritaire. Ce qui par ailleurs n’a jamais été un phénomène troublant pour les juifs, dans la mesure où la vérité est totale et indépendante du nombre de voix qui la proclame.

Peu après la deuxième guerre mondiale, un évènement inattendu et déconcertant est venu troubler la sérénité et le confort de la conscience occidentale. Dans un petit territoire au bord de la méditerranée, les juifs venus du monde entier ont fondé le nouvel état juif « l’État d’Israël ». Pour la première fois depuis 2000 ans, il y avait un pays ou les juifs constituaient une majorité. Dans cet état démocratique, pluraliste, tolérant, respectueux des différences, toutes les confessions sont reconnues et respectées. Pour la première fois les chrétiens se retrouvent en minorité.
Les chrétiens allaient-ils s’engager comme en diaspora dans le dialogue véritable avec la confession juive majoritaire ? C’était là le test d’une véritable réciprocité pour les consciences. Fallait se résigner à un dialogue déséquilibré, dans lequel les chrétiens ne parlent aux juifs que là ou l’Église est majoritaire ?

Aujourd’hui le dialogue est au point mort tout se passe comme si les chrétiens vivent en vase clos ; Certes des rabbins sont reçus au Vatican, mais c’est pratiquement un dialogue entre les juifs d’Israël et des chrétiens de l’Étranger.

Il est plus facile pour un juif de Jérusalem de rencontrer l’archevêque de Paris que de rencontrer le Patriarche Latin de Jérusalem. Que se passe t-il ? Quelles sont les raisons de cette extrême difficulté à entamer le dialogue. Nous posons simplement la question car nous ne pouvons prétendre formuler une réponse définitive face à cette amère réalité.

Je voudrais rappeler dans la mesure où il existe dans le dialogue aujourd’hui en France une extrême correction à l’égard du judaïsme, de la part de l’Église.
Nous avons admis qu’on ne peut dialoguer avec des juifs en mettant entre parenthèse l’existence de l’État d’Israël.

Le Peuple juif n’est pas l’équivalent d’une Église, il n’est pas une fédération de Synagogues. Le peuple juif est une communauté historique. Ce que nous défendons c’est la légitimité de la présence juive et les droits historiques du peuple juif sur cette terre et pas une autre.

Vous avez raison de parler de Jérusalem comme une ville Unique et Universelle. Mais elle est unique et universelle que parce qu’elle est Juive.

Amis chrétiens vous savez combien votre amitié nous est précieuse. Il nous faut nous entêter, nous obstiner pour préserver nos rencontres au-delà des contingences…
Je demeure profondément convaincu que nous saurons ensemble honorer notre coresponsabilité à l’égard de l’Humanité.

Demeurons nous-mêmes, profondément à l’écoute de l’autre, car notre monde pour survivre à ses bouleversements dramatiques doit être le monde de l’Un et de l’Autre, pas l’Un sans l’Autre.

Pour conclure, une histoire hassidique :
Un vieillard avait l’habitude de se rendre au cœur de la forêt dans un endroit secret pour chanter une mélodie –hymne de louanges à Dieu.
Son fils par négligence n’a plus su retrouver cet endroit, mais il se souvenait de la mélodie et de la prière.
Le petit fils savait fredonner l’air, mais avait oublié la prière et l’endroit.
L’arrière petit fils avait tout oublié.
Mais un jour, ce petit fils, après un long périple arrive en Eretz Israël, sa communauté, il a retrouvé la Mélodie, le Prière, et le lieu. MERCI