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La modernité peut-elle survivre sans religion ? Par Gilles Bourquin, et réponse de Debbie Weissman

Texte de la conférence du mardi 2 juillet, à Aix-en-Provence, Conférence ICCJ Aix 2013 et réponse de Debbie Weissman

Introduction : J’espère ne pas trop vous surprendre en répondant tout de suite, de façon extrêmement simple et sans trop d’hésitations, à la question que vous me posez : « La modernité peut-elle survivre sans religion ? ». Ma réponse est non, et dans un premier temps, je vais vous présenter quelques raisons qui me permettent de répondre ainsi.

Le texte complet en PDF :

La modernité peut-elle survivre sans religion ? Par Gilles Bourquin - ICCJ Aix 2013

Réponse de Debbie Weissman à la conférence de Gilles Bourquin du mardi 2 juillet, à Aix-en-Provence, Conférence ICCJ Aix 2013

C’est un honneur d’avoir été invitée à répondre à cette intervention brillante. Cette intervention est vraiment un tour de force intellectuel, montrant que la clarté, la bonne organisation et la profondeur peuvent aller de pair. Il y a beaucoup de points avec lesquels je suis entièrement d’accord, de sorte que je pourrais presque dire simplement : "D’accord, moi aussi." Presque, mais pas tout à fait.

Nous sommes certainement d’accord sur le point essentiel, à savoir que la modernité a besoin de la religion et des religions. Je voudrais faire une comparaison avec un autre domaine très différent, celui du sport. Une personne peut se passer de sport, j’en suis moi-même un exemple. Je dis toujours que c’est bien que l’industrie internationale du sport ne dépende pas de moi, parce que si c’était le cas, des millions de personnes seraient sans travail. Mais je pense que les sociétés ont besoin de sport, pour toute une série de raisons. Certaines, comme pour la religion, sont liées à des sources d’identité, de sens, d’appartenance, d’enracinement, de valeurs, d’histoire personnelle. Les individus peuvent survivre sans religion, mais pas la société dans son ensemble.

D’une manière très semblable à celle que le docteur Bourquin a utilisée pour développer son argumentation, j’ai le plaisir de citer le révérend Bill Vendeley, responsable d’une organisation appelée « Religions pour la Paix ». Je l’ai entendu il y a quelques années suggérer que nous ferions bien d’écouter la sagesse accumulée au sein des différentes traditions religieuses. Après tout, les religions du monde ont été présentes, dans certains cas, depuis des milliers d’années, et, dans d’autres cas, « seulement » depuis des centaines d’années, mais c’est aussi une longue période. Dans cet intervalle de temps, elles ont toutes eu des échanges au sujet de deux questions fondamentales : 1) Qu’est-ce que cela signifie de vivre une vie bonne en tant qu’être humain ? 2) Qu’est-ce que cela signifie de vivre en communauté ?

Maintenant, il y a trois points que je voudrais soulever, en termes de léger désaccord avec le docteur Bourquin. Tout d’abord, je ne pense pas que les religions fournissent effectivement des réponses. Dans quelques cas, elles le font, mais en général, elles nous aident à affiner et améliorer les questions et aussi à développer différentes façons de penser leur sujet.

Deuxièmement, même avec la religion, nous ne sommes pas toujours assurés que nous serons justes et aurons un comportement éthique. J’aimerais que ce soit le cas. Peut-être que la solution réside dans une sorte de synthèse entre la religion et les Lumières. Mais il y a des gens religieux appartenant à différentes religions, y compris au judaïsme, qui sont beaucoup plus modernes que je ne le suis, technologiquement, et qui pourraient même envisager de se considérer comme éclairés, mais je crains profondément pour l’avenir de la société avec leur présence.

Pour finir, nous sommes en désaccord sur la relation religion / l’État en général et de la laïcité française en particulier. J’ai fait allusion à notre séance d’ouverture pour laquelle, en tant que personne de l’extérieur, je peux avoir une approche différente. Je crois qu’il existe différents modèles de relations entre religion et État qui fonctionnent, dans des contextes différents. La Grande-Bretagne possède une Église d’État avec la liberté pour les membres d’autres religions, ainsi que pour les athées et les agnostiques.

Les écoles juives d’Australie ont prospéré, en recevant l’aide du gouvernement et la communauté juive a été libre de s’épanouir. La séparation complète n’est pas le seul modèle acceptable, à mon avis.

Je suis aussi en désaccord, à la fois sur le principe et la stratégie, avec l’interdiction française sur le hijab en public. Je peux comprendre qu’on ne veuille pas que des gens cachent leurs visages. Je ne comprends pas l’interdiction portant sur ce qui dissimule les cheveux.

Merci pour le plaisir intellectuel et le défi de préparer une réponse à ce document.

Debbie Weissman , Présidente de l’ICCJ
(Traduction AJCF)