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Un Mémorial de la Shoah à Lyon

Éditorial de janvier 2025
Jean-Dominique Durand, Président de l’AJCF

Le quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz a été marqué à Lyon par un événement particulièrement important : l’inauguration d’un Mémorial de la Shoah.

Ce monument occupe désormais une place incontournable dans le paysage urbain et dans le patrimoine lyonnais, au cœur de la ville, place Carnot, face à la gare Perrache d’où partaient les déportés pour Drancy puis vers les camps d’extermination.
Cette place est devenue l’un des cœurs mémoriels de la ville, avec une Borne de Verdun commémorant la Première Guerre mondiale, et le monument des Enfants d’Izieu raflés le 6 avril 1944, et déportés dès le 7 avril. La place comprend également une haute statue de bronze, représentant la République, érigée en 1889, pour le centenaire de la Révolution française, qui semble veiller sur la liberté de Lyon.

Le monument dédié aux victimes de la Shoah est le fruit d’une double volonté : celle d’un rescapé d’Auschwitz et celle d’un maire. Benjamin ORENSTEIN, polonais juif, a été arrêté à l’âge de 14 ans dès l’invasion de la Pologne par les nazis. Il a survécu à l’enfer des camps, puis il a trouvé refuge en France, à Lyon. Avec le soutien de l’Amicale des déportés d’Auschwitz-Birkenau et des camps de Haute-Silésie qu’il présidait, et aussi l’association des Fils et Filles de Déportés juifs de France et le CRIF Auvergne-Rhône-Alpes, il a su convaincre le Maire de Lyon, Gérard COLLOMB, de la nécessité de doter Lyon d’un monument qui fût en dignité, à la hauteur de l’horreur vécue par les juifs d’Europe, victimes du fanatisme antisémite porté à son paroxysme. Lyon qui fut tout à la fois capitale de la Résistance selon l’expression du général de Gaulle, et capitale de la répression nazie, la ville où fut prononcée la première condamnation pour crime contre l’humanité à l’encontre du chef de la gestapo Klaus BARBIE qui avait torturé à mort Jean MOULIN et tant d’autres résistants, qui avait présidé à une impitoyable traque des juifs.

Un association citoyenne fut créée pour porter le projet, présidée par Jean-Olivier VIOUT, qui avait été le procureur général adjoint lors du procès de BARBIE. Un concours a été lancé en février 2023. Quatre-vingt-seize projets ont été reçus, venant d’équipes d’architectes et d’artistes, de vingt-cinq pays du monde entier. Le projet retenu par un Jury indépendant, intitulé Les rails de la mémoire est une œuvre conçue par une jeune agence, Blaising BORCHARDT Studio, créée par Alicia BORCHARDT et Quantin BLAISING. Le monument en forme de wagon est composé d’un assemblage de 1173 mètres de rails, fournis par la SNCF, qui symbolisent les 1173 kilomètres séparant – à vol d’oiseau - Lyon du camp d’extermination d’AUSCHWITZ-BIRKENAU. Sur l’une des faces, est forgée dans la tranche des rails, cette inscription :

En mémoire des six millions de Juifs victimes de la Shoah, dont un million et demi d’enfants (1941-1945) 6.100 venaient de notre région

Ce Mémorial a une formidable puissance évocatrice en se fondant sur l’une des réalités constitutives de la Shoah, à savoir le rail, le train, qui a permis de transporter dans des conditions atroces, des millions de malheureux de tous les points de l’Europe occupée vers les centres d’extermination, AUSCHWITZ-BIRKENAU notamment. Les trois éléments d’une voie ferrée – les rails, les traverses, le ballast – constituent un témoignage concret de la mise en œuvre de la Shoah, face à la gare d’où tant de juifs lyonnais et de la région, partirent.

Plus que jamais, en ces temps d’explosion de haine antisémite, et de remise en cause des principes mêmes de la démocratie, l’installation de ce monument, dans sa dimension éminemment pédagogique, et dans son voisinage avec la République, Verdun et les Enfants d’Izieu, avec au bout d’une rue piétonne, l’Homme de Pierre, Mémorial de la Résistance et le Mémorial aux Arméniens victimes du premier génocide de l’histoire, constitue un événement qui touche Lyon, mais aussi la région et la France toute entière, et au-delà, l’Europe. Nul doute qu’il deviendra très vite un lieu de rencontres, d’enseignement, voire de pèlerinage.

Contrairement à ce que certains ont osé dire, l’antisémitisme n’est pas « résiduel », il est au contraire présent, actif, il se répand comme un virus, il tue.
La Shoah n’est pas seulement un fait historique qui appartiendrait au passé, qu’il convient de commémorer pour rendre hommage aux victimes ; il est de notre temps, dès lors que l’on tue des juifs pour la seul raison qu’ils sont juifs. En mars 2012 des enfants juifs ont été assassinés dans une école à Toulouse uniquement parce qu’ils étaient juifs, tout comme leurs frères et sœurs d’Izieu, tout comme les juifs de tous âges massacrés le 7 octobre 2023, ou emmenés en otages. Les Rails de la mémoire sont là désormais, non seulement pour nous dire de ne pas oublier, mais surtout pour nous appeler à veiller et à combattre la haine des juifs.

Le mémorial a été inauguré le 26 Janvier 2025 en présence de nombreuses personnalités