– Question n°1 : Personnellement, pensez-vous que l’identité nationale est l’affaire de tous et qu’un tel débat est nécessaire ?
F. Taubmann : Je ne sais pas s’il est nécessaire mais je crois qu’il peut être très intéressant, dans la mesure où tout débat nous oblige à exprimer des questions et donc à remettre en question des présupposés. A première vue, les mots « identité, nationale » font peur car ils ressortissent d’un thème cher à l’extrême droite. Mais en débattre oblige à regarder l’histoire, la géographie, la démographie, la culture de notre pays… et à essayer de nous situer aujourd’hui, dans un contexte européen et mondialisé. Le débat peut donc permettre à chacun de mesurer qu’il ne saurait y avoir d’identité nationale sans accueil de l’altérité, à tous les niveaux. Les idées, les pensées, les valeurs, les langues, les rites religieux et autres sont toujours les fruits d’un brassage originel. Il n’y a jamais d’origine « pure » et tant mieux. Donc oui je suis pour le débat, un débat instruit par un minimum de connaissances et d’informations. Car ce ne peut être un simple débat d’opinions où les passions des uns et des autres s’entrechoqueraient pour imposer une définition. Le débat ne doit surtout pas aboutir à une définition précise. Car l’identité, nationale ou autre, doit rester ouverte pour rester vivante.
– Question n°2 : Que répondriez-vous à la question posée par le ministère de l’Identité nationale : « Qu’est-ce qu’être français ? » Et quelles sont, selon vous, les valeurs véhiculées par votre nationalité ?
F. Taubmann : Je ne vis pas ma nationalité comme une identité, mais plutôt comme un héritage et une vocation. Pour évoquer mon cas personnel, je suis bretonne, et j’ai gardé quelque chose du mysticisme breton. Mais ma culture n’est pas bretonne. Elle est liée à la langue française. C’est dans cette langue que j’ai découvert la littérature aussi bien étrangère que française. C’est dans cette langue que j’ai reçu les enseignements qui ont été fondateurs pour moi, c’est dans cette langue que j’exprime ce que je pense. Donc la langue est essentielle. Mais être français, s’inscrire dans l’histoire de ce pays – quel que soit le moment où on débarque dans cette histoire, c’est aussi recevoir une vocation politique et éthique marquée par l’humanisme. L’histoire de la France a été houleuse depuis ses commencements, elle a connu des périodes terribles, des haines puissantes, des désastres… mais je crois qu’en profondeur, l’identité nationale de ce pays est liée à la question de l’humanisme… Nous avons un héritage humaniste – enfant de la théologie et de la philosophie, qui n’a pas encore tenu toutes ses promesses ni porté tous ses fruits… Cela signifie donc que nous n’avons aucun âge d’or à regretter, mais au contraire que nous avons du travail devant nous pour approfondir et développer cet humanisme et ses valeurs de respect et d’accueil de tout homme, de dignité et de partage pour tous, de justice et de miséricorde envers les plus faibles…
Propos recueillis par Marc Knobel, site du CRIF