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Amour

Le verbe aimer, en hébreu comme en français, a les compléments d’objet direct les plus hétéroclites : j’aime ce qui est susceptible de sa­tisfaire un besoin ou un désir, et aussi ce à quoi je veux donner le meilleur de moi-même. On voit toute l’ambivalence qu’il y a à dire : « j’aime » le poulet, la patrie, ma femme, le Créateur... La subjectivité comme seul critère, et l’émotion comme seule règle, conduisent même l’amour à l’incompréhension, la violence, la tyrannie. La mère abusive en est l’illustration la plus courante !

Dans le TaNaKh et dans la pensée juive, l’amour ne vaut que par les actes qui l’expriment (les sentiments et les « mots » d’amour n’ayant de sens que s’ils s’incarnent dans des comportements).

D. n’a pas créé le monde par nécessité, mais par amour. C’est pourquoi d’une part la création est « bonne » (voire « très bonne » cf . Gn. 1) et d’autre part D. peut être invoqué comme Père. La création de l’homme « à l’image de D. » signe un amour privilégié, substance de la relation du Créateur à Sa créature. Dès la faute originelle, D. manifeste Son amour pour l’humain, en habillant Adam et Eve, en leur donnant un ave­nir (« tu enfanteras... ») et, au lieu de les effacer de Sa création, en les envoyant dans l’exil de la finitude - lieu pédagogique et métaphysique du retour à D.

L’amour divin prend son sens dans l’alliance avec les hommes depuis Adam et Noé, puis de manière particulière et pérenne, avec Israël (Jr. XXXl,3). Relation que les prophètes ont comparée à l’amour conju­gal, ce qui éclaire la notion de « D. jaloux » : D. demande à Son peuple un amour sans partage, fidèle - voire passionné si l’on se réfère aux Psaumes et au Cantique des Cantiques.

Dans la liturgie synagogale, immédiatement avant les premiers versets du CheMA ISRAaEL (Dt. Vl,4-5 : « Entends, Israël (...), tu aimeras l’Éternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton in­tensité), la bénédiction qui l’introduit affirme que D. « nous a aimé d’un amour éternel » ou « d’un grand amour ». En retour, aimer D., c’est ne se montrer avare en rien devant la volonté divine. Abraham obéissant à l’ordre de sacrifier son fils est le modèle de cette forme d’amour.

Dans la conception biblique et juive, l’amour n’est pas un sentiment - fût-il « naturel » - mais le résultat d’un travail sur soi : si l’amour du prochain - comme l’honneur dû aux parents - est prescrit, c’est qu’il n’est ni universel, ni inné. Ce n’est pas une aspiration ou une inclination, mais un fruit. Le texte hébreu de Lv. XIX,18 (« VeAHaVTa LeReAKha... » : tu aimeras vers ton prochain...) indique une idée de mouvement, de dé­marche : tu aimeras en allant vers ton prochain.

Ces devoirs particuliers qu’on a appelés « le joug de la Loi », sont un moyen donné à Israël pour répondre à l’amour divin. C’est sans doute dans cette optique qu’il convient de comprendre la minutie et le « léga­lisme » tant décrié des détails d’application du « commandement » d’aimer. Pas plus qu’il n’y a de justice sans lois, il n’y a d’amour sans rites : à preuve, ces codes de relation que s’inventent les amoureux, ou les parents avec leurs jeunes enfants. Les rites sont les moyens de structurer une relation, de lui donner sa pesanteur... et sa grâce. La li­turgie ne signifie pas autre chose.

L’amour humain étant sélectif et fini, il est élevé dans la ToRa du sentiment au principe : l’amour du prochain ne dépend pas seulement de l’amour qu’on a de soi-même et qui est primordial (« aime ton prochain comme toi-même ») il repose sur l’égalité essentielle des hommes - tous créés et dotés d’une étincelle divine.

C’est par amour que D. nous donne les moyens précis, concrets de mettre l’amour en pratique. Jésus dit-il autre chose quand il enseigne que la Torah et les prophètes sont suspendus aux commandements d’aimer D. et d’aimer le prochain (Mt. XXll,40) ? L’amour d’autrui est, dans le Lévitique - le livre le plus « légaliste » du Pentateuque (en par­ticulier, au chapitre XIX) - le véhicule de la sainteté.