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Du grave danger que représente la propagande anti-israélienne. Georges Bensoussan et Marc Perelman

TRIBUNE publiée dans le Figaro daté du 11 août 2025 - En s’appuyant sur la politique de Benyamin Netanyahou, un premier ministre qui divise et abîme sa société, la propagande anti-israélienne bat son plein, observent l’historien* et le professeur émérite des universités**. Ils appellent, en ces temps troublés, à réaffirmer le droit imprescriptible à l’existence de l’État d’Israël, attaqué de toutes parts.

* Historien, Georges Bensoussan est notamment l’auteur d’« Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940 » (Fayard, 2002) et des « Origines du conflit israélo-arabe, 1870-1950 » (Presses universitaires de France, 2023).
** Marc Perelman est architecte et professeur émérite des universités à Paris Nanterre.

Avec l’autorisation de Georges Bensoussan

Depuis 1948, aucun pays dans le monde n’a subi autant de guerres en si peu de temps, ni n’a été attaqué par plusieurs armées sur son propre territoire. Ce fut d’abord la guerre d’une coalition, la Ligue arabe (Égypte, Jordanie, Irak, Syrie, Liban, Arabie saoudite et Yémen du Nord), appuyée par des volontaires venus du Soudan, d’Afghanistan et du mouvement des Frères musulmans. S’en est suivi pendant soixante-dix ans un état de guerre quasi permanent dont les dates de 1956, 1967, 1973, 1982, 2006, 2008-2009, 2014, 2023 et les guerres larvées (Intifada, 1987-1993, 2000-2004) sont le rappel de l’obligation existentielle pour Israël de les gagner toutes, que le pays ait lancé la guerre ou l’ait subie.

Nous ne prenons pas la parole pour prendre position, après tant d’autres, sur une actualité tragique. Plus de vingt-deux mois nous séparent des événements du 7 octobre 2023. La guerre menée à Gaza contre le Hamas et le Djihad islamique, puis celle menée contre le Hezbollah et les houthistes du Yémen, et plus récemment encore celle lancée contre la menace nucléaire iranienne toujours imminente montrent à l’évidence que nous ne sommes pas en présence d’une « humeur belliqueuse » de la « pax hebraïca » comme le susurre une certaine presse pousse-au-crime, mais bien d’une menace multiforme contre le seul État non arabe et non musulman de la région.

Malgré l’opposition de la communauté internationale, Israël s’apprête à reprendre le contrôle de Gaza : http://www.lefigaro.fr/international/malgre-l-opposition-de-la-communaute-internationale-israel-s-apprete-a-reprendre-le-controle-de-gaza-20250808

Par-delà les mille et une vicissitudes de ce conflit qui dure depuis plus de cent vingt ans, ce qui est en cause n’a pas varié d’un pouce : le refus d’accorder une souveraineté et une légitimité à ce peuple sur un bout de terre auquel il est lié par un lien symbolique et donc ancré dans le réel, un lien qui peuple son imaginaire, habite ses représentations collectives et assoit sa légitimité à travers une langue restaurée, l’hébreu, et une nation reconfigurée, le peuple d’Israël. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le droit à l’existence d’un État confronté, contre son gré, à des guerres sans fin parce que ce principe basique lui est contesté.

Des guerres sans fin

Et non parce qu’il refuse la création à ses côtés d’un État arabe palestinien que la partie arabe, précisément, a refusé à six reprises : en 1937 avec le plan Peel, en 1939 avec le troisième livre blanc britannique, en 1947 avec la décision des Nations unies sur le partage de la Palestine. Et au-delà des accords d’Oslo (septembre 1993), en 2000 à Camp David, en 2001 à Taba et en 2007 à Annapolis. À six reprises la partie arabe a refusé l’État palestinien parce que cela signifiait, de fait, la reconnaissance de l’État d’Israël et l’acceptation d’un compromis historique auquel la majeure partie du monde arabo-musulman ne consent toujours pas.

La charte du Hamas (1988) est explicite quant à la nature du combat qu’il entend mener contre Israël : détruire le pays, tuer les Juifs. Dès les premières lignes, la charte s’appuie sur le Coran en citant cette sourate (3) : « Nous jetterons l’épouvante/ dans les cœurs des incrédules (…) Leur demeure sera le Feu./ Quel affreux séjour pour les impies ! », pour affirmer ensuite qu’« Israël existe et continuera d’exister jusqu’à ce que l’islam l’abroge (l’efface) comme il a abrogé (effacé) ce qui l’a précédé (d’autres qui l’ont précédé) ». Le texte se poursuit : « Notre combat avec les Juifs est une entreprise, grande et dangereuse qui requiert tous les efforts sincères et constitue une étape qui, sans nul doute, sera suivie d’autres étapes ; c’est une phalange qui sans nul doute, sera soutenue par d’autres qui, phalanges après phalanges, viendront de cet immense monde arabe et islamique jusqu’à l’écrasement des ennemis de la victoire de Dieu. »

L’éditorial de Philippe Gélie : « Israël-Hamas, chantage à la faim » : http://www.lefigaro.fr/vox/monde/l-editorial-de-philippe-gelie-israel-hamas-chantage-a-la-faim-20250804

Aujourd’hui, une petite musique de mort s’insinue à bas bruit, elle n’est plus le bruit de fond d’autrefois et se mue peu à peu en un vacarme qui exige un seul État « de la mer au fleuve ». En termes clairs, une Palestine effaçant pour toujours l’État d’Israël. Mais avant de l’effacer dans la réalité, on l’efface de la carte puis du vocabulaire, on l’efface des consciences et l’on accoutume peu à peu les esprits à sa disparition effective. C’est ce qui est en train de se produire sous nos yeux par ces appels à une « Palestine libre du fleuve à la mer », dans un martèlement incessant qui vise à travailler les opinions publiques en gravant dans les consciences, jour après jour, que la création de l’État d’Israël en mai 1948 fut une erreur historique. Un surgeon du colonialisme occidental qui ne durera pas davantage que les États croisés du XIIe siècle. Que le « cours normal » de l’histoire reprendra lorsque l’islam régnera sans discontinuer du Maroc jusqu’au Pakistan, et qu’il n’y aura plus en son milieu la « morsure israélienne » (Georges Corm), cette « tumeur cancéreuse à éradiquer ».

Un premier ministre israéilien qui divise et abîme sa société

En s’appuyant sur les propos de trois ministres extrémistes (et irresponsables), et qui ne représentent qu’une part marginale de la nation israélienne, et ceux d’un premier ministre qui divise et abîme sa société, la propagande anti-israélienne bat son plein qui entend nous faire croire à une tentative d’anéantissement des Palestiniens. Les émissions de télévision et de radios se bousculent pour annoncer « le génocide en cours à Gaza », la destruction des Palestiniens (et non du Hamas).

La récurrence de cette accusation montre que c’est moins telle politique de l’État d’Israël qui est condamnée que son existence même lorsque les images et les chiffres divulgués par le Hamas, expert en manipulation médiatique, sont pris pour argent comptant. Si l’accusation de génocide est si couramment entendue, c’est parce qu’elle est impatiemment attendue, parce qu’elle est nécessaire pour légitimer une haine principielle et récurrente dans l’histoire depuis 1948. Comme si, depuis Auschwitz, l’existence même de cet État condamnait la vieille passion antijuive à cheminer à bas bruit.

Au crime ancien de déicide a succédé celui de génocide avec pour effet identique l’exclusion de l’humanité commune. C’est dès 1948 que l’extrême droite française, par la voix de Maurice Bardèche, accusait l’État d’Israël de « génocide » contre les Arabes, une accusation réitérée jusqu’à la publication d’extrême droite Rivarol, qui depuis le 7 octobre 2023 titre régulièrement sur le « génocide à Gaza ». Et c’est à partir de 1950 que le communisme stalinien diabolise le sionisme et en fait l’un des chefs d’accusation du procès Slansky tenu à Prague en novembre 1952, où 9 des 12 prévenus, juifs, sont accusés de trotskisme, de titisme… et de sionisme. C’est fin 1952 que Staline met en branle la machination dite des « blouses blanches », ces médecins juifs qualifiés de « sionistes » eux aussi, accusés de comploter contre l’élite du parti.

Une machination stoppée net par la mort du tyran le 5 mars 1953 et qui constituait l’antichambre d’une déportation de masse des Juifs d’Union soviétique. Quarante ans durant, jusqu’en 1991, Moscou inonde le monde entier d’une littérature « antisioniste » où l’État d’Israël figure en digne héritier du nazisme, une démonisation qui aboutit en novembre 1975 à la résolution des Nations unies assimilant le sionisme à une « forme de racisme » (abrogée en 1991).

La souffrance de 2 millions de Palestiniens

Qui nierait la souffrance de 2 millions de Palestiniens confinés par les Israéliens et soumis à la cruauté effrayante des miliciens du Hamas ? Eux dont l’avocat palestinien Mounem al-Natour, que le Hamas recherche pour l’assassiner, déclarait ces derniers jours (par téléphone) au quotidien suisse allemand Neue Zürcher Zeitung : « Le Hamas aggrave la situation car ses partisans volent la plupart des biens humanitaires avec l’aide de bandes alliées de voleurs. (…) Le Hamas vole la nourriture des habitants, c’est leur seule source de revenus. (…) Il se venge des dissidents et de ceux qui le critiquent. Il leur brise les jambes, certains sont tués ou emmenés dans des quartiers reculés de la ville. » Pourquoi faut-il que devant la terreur de ces assassins, une certaine presse montre le même aveuglement que lors de l’entrée des Khmers rouges à Phnom Penh en 1975 ?

À l’été 1982, l’armée israélienne, en guerre contre l’OLP, envahissait le Liban. Quelques semaines plus tard, toute une presse occidentale voyait dans Beyrouth assiégée la résurgence de la lutte du ghetto de Varsovie. En cet été 1982, le nombre de tués rapportés par les médias ne prenait sa source qu’auprès de l’OLP, sans vérification critique alors qu’il s’avéra plus tard que ces chiffres étaient tous exagérés et mensongers. Comme aujourd’hui ceux du Hamas « soutenu par la chaîne internationale al-Jazeera, contrôlée par le Qatar, explique Moumen al-Natour. (…) Ceux qui pensent autrement à Gaza ont peur. »

Ce même été 1982, dans les rues d’Allemagne, l’extrême gauche proteste contre « la solution finale de la question palestinienne ». À Paris, Pierre Mendès France dénonce le « sensationnalisme » (sic) d’une presse qui n’a au bout de sa plume, écrit-il, que le mot « génocide », tandis que l’historien Léon Poliakov répertorie la litanie des comparaisons de Menahem Begin et du général Sharon à Hitler et à Goebbels. C’est ce même été 1982 enfin qu’un éditorial de Libération compare les Israéliens aux nazis, et qu’un journaliste de la télévision française, interviewant le grand rabbin de France René-Samuel Sirat, lui reproche d’« approuver le massacre des femmes et des enfants palestiniens ». Que dans Le Monde, enfin, un juriste français réputé assure qu’il est « temps que cessent ce génocide et cette apocalypse qui déshonore l’humanité, et que l’Occident se rappelle que le Nazaréen ressuscité, aux blessures ineffaçables, est bel et bien palestinien. »

C’est de la seule existence de cet État dont il est question, le seul État juif de la planète rassemblant près de la moitié des Juifs du monde, le refuge de 400.000 rescapés de la Shoah et de plus de 750.000 Juifs des pays arabes qui, de gré ou de force, durent quitter un jour leurs pays de naissance. Car au-delà de sa légitimité profonde qui est celle d’un combat de décolonisation de la condition juive via la renaissance de la nation hébraïque sur sa terre et dans sa langue, l’hébreu, l’État d’Israël fut aussi le refuge de centaines de milliers d’hommes et de femmes chassés par la violence génocidaire d’une partie de l’Europe ou par les États arabes qui, nouvellement indépendants et après avoir fait de l’islam une religion d’État, ont poussé peu à peu leurs communautés juives au départ. Avec, à la clé, la spoliation massive de leurs biens. « Je ne peux oublier que les Juifs ont fait partie des persécutés et opprimés pendant des siècles, que 6 millions de Juifs furent exterminés il y a peu de temps encore, écrivait Herbert Marcuse en 1972. Si finalement un espace est créé où ces gens n’auront plus à craindre ni persécution ni oppression, alors je me dois de partager cet objectif. »

Quant à ceux qui font aujourd’hui de la Palestine une cause sacrée, ils pavent les tragédies à venir et auront beau jeu dans cinquante ans de se repentir comme le font ces repentis du communisme qui, face à la catastrophe concentrationnaire, bredouillent qu’ils « ne voulaient pas ça ». Mais il sera trop tard. Le terrain aura été préparé pour en finir avec ce minuscule État juif à la population si peu nombreuse (à peine 10 millions d’habitants dont près d’un tiers ne participent pas à la défense du pays).

Qui peut croire que seul contre tous, ce minuscule esquif pourra indéfiniment résister ? Les accusations récurrentes et quasi-obsessionnelles contre un État d’Israël décrété génocidaire ont pris le relais de l’image diabolisante du peuple paria d’autrefois. Jadis empoisonneur des puits et voleur du sang des enfants chrétiens, pourvoyeur de la « peste noire », le voici décrété aujourd’hui affameur et génocidaire avec pour dessein la même obsession, celle de l’exclure hier de l’espèce humaine, celle de l’exclure aujourd’hui du registre des nations. C’est de ces discours que sont tissées les catastrophes à venir. C’est pourquoi, aujourd’hui, au-delà des politiques israéliennes mises en œuvre, il s’agit pour nous de rappeler ce principe non négociable et irrécusable : le droit imprescriptible à l’existence de l’État d’Israël.