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Gérard Israël : L’ombre de Marcion, Pourquoi les intégristes reviennent...

En ces temps où l’on parle encore des intégristes catholiques, Gérard Israël a écrit un livre sur Marcion et relie les thèses marcionistes aux intégristes catholiques d’aujourd’hui.

Après la présentation de cet ouvrage, nous vous proposons de lire une réflexion de Jean-Louis Schlegel sur Vatican II et les mêmes intégristes, ainsi qu’un article d’actualité sur les négociations du Vatican avec les Lefebvristes .

 Gérard Israël : L’ombre de Marcion, Pourquoi les intégristes reviennent...

Éditeur Payot, paru le 19/09/2012, 18€50 €

Le Mot de l’éditeur : Hors l’Église, point de salut : depuis 1962, Vatican II, puis la « réconciliation » entre chrétiens et juifs, les milieux les plus conservateurs de la catholicité et les « intégristes » expriment une sourde hostilité à l’égard du Vatican. Les intégristes sont les plus radicaux : aucune incidence extérieure ne doit modifier la pureté du catholicisme. Leur modèle inavoué : Marcion, le prince des hérétiques, qui, au IIe siècle, prétendait que les évangiles avaient été dénaturés par certains apôtres soumis aux autorités juives, Marcion que le Saint-Siège a excommunié mais dont les théories continuent d’agir souterrainement. Qui donc était Marcion ? Quelles étaient ses thèses ? Pourquoi n’étaient-elles pas fondées ? Que signifierait, pour les juifs, sa réhabilitation ? Quels sont les rapports entre dieu et l’extrême droite ?

 Jean-Louis Schlegel : Vatican II, grandiose malentendu

Un article publié sur son blog le 10 octobre dernier.

Jean-Louis Schlegel est Sociologue des religions, membre du comité de direction de la revue Esprit et du comité scientifique de ASSR (Archives de Sciences Sociales des Religions).

Il conclut par :
Du moins, pour relativiser les troubles dans l’Église d’après Vatican II, pouvons-nous relire ce que disait, désabusé, saint Basile de Césarée de ceux qui surgirent après le concile de Nicée , réuni en 325 pour mettre fin à l’hérésie d’Arius sur la nature du Christ : « Le cri rauque de ceux qui, en raison de la discorde, se dressent les uns contre les autres, les bavardages incompréhensibles, le bruit confus des clameurs ininterrompues a désormais rempli presque toute l’Église en faussant, par excès ou par défaut, la juste doctrine de la foi... ».

Nous vous recommandons de lire l’article complet

 Rupture des négociations entre le Vatican et les intégristes

Pour faire le point sur la situation actuelle.

Un article de Jean Mercier - publié le 13/11/2012 sur le site La Vie

Lors d’un sermon donné le 11 novembre à Saint Nicolas du Chardonnet, le supérieur général de la Fraternité Saint Pie X Bernard Fellay a expliqué pourquoi il n’a pas signé d’accord avec Rome. Mais il affirme ne pas renoncer à la reconquête de l’Église catholique.

Il l’a reconnu officiellement : « Les choses sont bloquées. C’est un retour à zéro. Nous sommes exactement au même point que Mgr Lefebvre dans les années 1975, 1974. Et donc, on continue notre combat. Nous n’abandonnons pas l’idée un jour de regagner l’Église, de reconquérir l’Église à la Tradition. » Le 11 novembre dernier, devant les fidèles de l’église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint Pie X, a reconnu l’échec des démarches de réconciliation engagées à partir des années 2000, sans rien renier des fondamentaux de la croisade intégriste.

L’aveu n’est pas un scoop. On savait depuis juin dernier que le processus était mort. En septembre 2011, Rome avait soumis un document, sorte de protocole d’accord intitulé « préambule doctrinal » destiné à finaliser l’intégration des Lefebvristes. Suite à des allers-retours de lettres entre Rome et Mentzingen (le lieu, en Suisse, du QG de la Fraternité Saint Pie X), l’accord avait été annoncé comme imminent en mai, pour aboutir à un refus de la part des intégristes, en raison de la fermeté du pape face aux requêtes des Lefebvristes.

L’intérêt du sermon de Mgr Fellay est qu’il décrit cette fermeté de Benoît XVI. Ceux-ci proposaient de revenir dans le giron papal tout en refusant de reconnaître le Concile et en se conservant le droit de critiquer les errances “modernistes” de l’Église. Mais Mgr Fellay a échoué : « J’ai reçu une réponse, une lettre, réponse écrite, datée du 30 juin. Cette lettre du 30 juin pour manifester que c’est bien lui, le pape, qui est intervenu pour obliger à l’acceptation du concile, pour réintroduire dans le texte tout ce que j’avais enlevé et que nous ne pouvions pas signer, et qui a été remis. Et il continue en disant que pour arriver à une reconnaissance juridique, il y a trois conditions »

Benoît XVI contraignait d’abord les intégristes d’accepter que le Magistère soit le « juge de la tradition apostolique ». Commentaire de Mgr Fellay : Évidemment, dans le contexte, il utilise cela pour nous obliger à accepter les nouveautés ». La seconde condition était la reconnaissance explicite que le Concile fait partie intégrante de la Tradition de l’Église. La troisième condition était l’acceptation de la validité de la messe issue du Concile. Ces deux éléments (Concile et messe) ont été jugés inacceptables par Mgr Fellay. Sans réelle surprise, car les héritiers de Mgr Lefebvre ont fait leur fond de commerce de l’opposition au Concile et à une messe « mauvaise ».

C’est le retour à un discours extrêmement dur, donc, de la part du chef de file des intégristes, qui se tenait pourtant, il y a six mois, sur une position plus diplomatique. En mai dernier, il écrivait à ses trois autres compères évêques pour leur demander de sortir d’une posture intransigeante qui bloquait la Fraternité dans ses pourparlers avec le Vatican.

Le patron des Lefebvristes a été pris à revers par la fermeté du pape. Jusque fin juin, sans doute encouragé par certaines voix à Rome, proches des intérêts intégristes ou désirant sincèrement une réconciliation, Bernard Fellay espérait que Benoît XVI ferait des concessions supplémentaires, c’est-à-dire qu’il laisserait planer le flou sur la reconnaissance explicite du Concile et de la messe de Paul VI. Mais le pape a tenu bon, estimant, comme il l’avait dit à maintes reprises, que le Concile n’était pas négociable. Il est vrai qu’auparavant le pape avait suffisamment tendu la main aux Lefebvristes, dans son souci de guérir le schisme. Rappelons que Benoît XVI a posé trois jalons forts : la libéralisation de la messe traditionnelle (Motu proprio de 2007), la levée des excommunications des évêques schismatiques (2009), la tenue de conversations doctrinales (2009-2011) entre les deux parties, qui ont tourné au dialogue de sourds.

Mgr Fellay a aussi été confirmé sur l’attitude de Benoît XVI à travers la nomination, en juin, du successeur du cardinal Levada comme Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dicastère qui pilote le dossier en dernière instance et qui chapeaute la commission Ecclesia Dei. Benoît XVI a choisi un compatriote, Mgr Gerhard Ludwig Müller, jusque là évêque de Ratisbonne. L’homme, connu pour être un conservateur éclairé, est détesté à la Fraternité Saint Pie X.

En tacticien, Mgr Fellay, tire un certain bénéfice de l’échec des négociations. Même en cas d’une négociation terminée aux mieux des intérêts de la Fraternité, il n’aurait pas été suivi par tous les prêtres et les fidèles de la mouvance. Une réconciliation réussie aurait signé l’explosion de ses troupes, mises à mal par des mois d’incertitude et très divisées sur le retour à Rome. Il a compris à la fin du printemps 2012 que les rapports de force au sein de son camp tournaient contre lui, et qu’il serait isolé en cas de succès des pourparlers. L’échec des pourparlers lui a évité un putsch lors du chapitre général de la Fraternité du mois de juillet dernier.

Renouer avec un discours intransigeant permet à Mgr Fellay, après une période où il a été accusé par les ultras de son camp de trahir la cause de Mgr Lefebvre, de re-profiler son autorité sur une ligne idéologique dure, afin de regagner une légitimité fragilisée par des mois de négociation avec « l’ennemi », la Rome moderniste, d’où la référence dans son homélie du 11 novembre aux années 1974-75, celle de l’âge d’or de la création de la Fraternité. Ce réancrage est d’autant plus nécessaire qu’il vient de prononcer l’exclusion de Mgr Williamson, l’évêque britannique dont les propos négationnistes avaient été révélés par la télévision suédoise le 21 janvier 2009. Mgr Williamson, représentant l’aile la plus extrême de la FSPX, a été viré pour insubordination répétée. Mais le britannique, fin manipulateur, fait passer cette exclusion pour un acte idéologique.

L’échec des négociations permet aussi de mettre fin à un long stand-by au sein de l’Église catholique elle-même. Ce qui soulage bien des évêques, en France, et leur permet de se positionner de façon très claire. Par exemple, en se démarquant de la manifestation contre le mariage gay organisée le 18 novembre par Civitas, l’un des bras politiques de la Fraternité. A l’Assemblée plénière des évêques, réunie à Lourdes du 3 au 8 novembre, le risque de récupération par les intégristes a été évoqué : "Nous refuserons toute récupération" a déclaré Bernard Podvin, porte parole de la Conférence des évêques de France. Interrogé par l’AFP sur la manifestation du 18, André Vingt-Trois, archevêque de Paris a déclaré : "Il y a d’autres propositions de manifestation pour le 17." De la même manière, interrogés par La Vie, Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, Olivier de Germay, évêque d’Ajaccio et Thierry Scherrer, évêque de Laval ont affirmé “refuser la récupération” dont ils avaient fait l’objet. Ils ont publié un communiqué après avoir constaté que leurs courriers envoyés à l’Institut Civitas par politesse, en réponse à des sollicitations pour la manifestation du 18, avaient été affichés sur le site internet de l’Institut comme étant des “lettres de soutien” à cette mobilisation.

L’une des autres raisons pour laquelle Rome a tenu bon face aux intégristes est la leçon qui a pu être tirée en interne suite à la création de l’Institut du Bon Pasteur. En 2006, le montage de cette structure, destinée à donner un cadre à des prêtres fâchés avec la Fraternité, avait été présentée par le cardinal Castrillon Hoyos comme une pompe d’aspiration d’autres intégristes tentés de rentrer dans le rang. Mais la tactique n’a pas tenu ses promesses. De l’avis de quelques observateurs, Rome s’est rendu compte que la création précipitée d’une structure aussi petite n’était pas une bonne idée. Par la suite, l’Institut a été “recadré” par Rome lors d’une visite canonique en 2012, visite dont les résultats ont été instrumentalisés par les intégristes qui ne voulaient pas de la réconciliation... Ceux-ci ont agité l’épouvantail d’une normalisation imposée par le Vatican si un accord était conclu entre Mgr Fellay et Benoît XVI. Par ailleurs, l’IBP est en pleine crise de gouvernance car la jeune génération de prêtres a mis sur la touche la figure tutélaire de l’abbé Philippe Laguérie.

Ces difficultés ont aussi pu refroidir, au plus haut niveau de l’Eglise, quelques “sages” qui ont vu en la réintégration de Fraternité Saint Pie X des risques multipliés de conflits d’égo, masqués sous des atours spirituels et théologiques.