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BD : Rutu Modan - La propriété

Comme le cinéma, la BD israélienne est très dynamique et a un succès mondial mérité.

Bernard Marx nous propose une recension d’une des dernières parutions : La propriété

La propriété
Par Rutu Modan
Traduit de l’hébreu par Rosine Pinhas-Delpuech
Actes Sud BD, 2014, 220 p., 24,50 €

Rutu Modan est une dessinatrice israélienne de bandes dessinées, née en 1966. Sa famille est d’origine polonaise. Son père et son grand-père sont polonais, son père est venu en Israël à l’âge de huit ans, mais aucun d’eux ne lui parlait de la Pologne. Elle s’est rendue en Pologne pour écrire cette bande dessinée.

Rutu Modan met en scène une israélienne âgée qui, accompagnée de sa petite fille d’une vingtaine d’années, retourne, pour la première fois depuis la guerre, en Pologne où elle est née. Ce voyage est provoqué par la lettre d’un avocat l’informant de ses droits de propriété sur un appartement de Varsovie ; mais cette lettre date de dix ans, pourquoi réagir maintenant ? D’autant, qu’arrivée à Varsovie, elle apprend la mort de l’avocat ainsi que la destruction des papiers justifiant ses droits et ces nouvelles ne l’affectent nullement. Qu’est-elle venue chercher à Varsovie ? Rien, simplement apporter une information douloureuse à un très vieil ami.

A travers les sept jours de ces vraies et fausses recherches, la permanence du silence et de l’incompréhension entre les générations se maintiennent dans le récit. Le dialogue « codé » des anciens évoque-t-il les changements de la ville ou leurs propres évolutions ?
Le passé se traduit dans les dessins par des couleurs éclatantes pour l’évocation des rêves de l’avant guerre et de couleur bistre pour évoquer Varsovie d’autrefois. La Shoah est présente de façon décalée, d’une part, par le chahut des jeunes dans l’avion qui les emmènent faire un circuit des lieux de mémoire tandis que leur accompagnateur énumère, en se goinfrant, les lieux d’extermination, d’autre part, par l’irruption inopinée de sa petite-fille dans le tournage d’un film évoquant les arrestations.

Les dessins traduisent remarquablement l’émotion, la douleur, la colère, la joie ou l’indifférence des huit personnages de ce récit.

Bernard Marx