Accueil > International > Conférences annuelles de l’ICCJ > 2011 à Cracovie > Impressions d’une première participation à une conférence ICCJ, Cracovie 2011

Impressions d’une première participation à une conférence ICCJ, Cracovie 2011

Pour une première, le lieu n’était pas ordinaire, au contraire : proximité du camp d’Auschwitz-Birkenau, la Pologne et Cracovie, pays qui a un rapport si particulier avec les juifs. Il n’est donc pas question de faire un compte-rendu objectif et construit ni même un récit chronologique mais plutôt de donner quelques impressions très personnelles d’un voyage et d’une première conférence ICCJ.

Ceci explique que ces quelques lignes concernent surtout la deuxième journée qui se déroulait à Oświęcim (nom du village polonais à côté duquel est situé le camp d’Auschwitz). Les conférences se sont déroulées au Centre de dialogue et de prière, centre catholique créé en 1992, vers la fin de la sinistre l’affaire du Carmel d’Auschwitz, ce dernier est installé maintenant près du centre. Ce centre, grâce en particulier au Père Manfred Deselaers qui l’anime et qui était l’organisateur de la conférence est un bel hommage aux victimes, un lieu de rencontres, de conférences, de prières, basé sur le respect, sur la réconciliation et la paix, ouvert à toutes les religions. Il fait un important travail d’éducation sur l’histoire de la Shoah et des camps.

L’après-midi était consacrée aux visites : j’avais choisi la ville d’Oświęcim et non pas le musée d’Auschwitz, en fait le camp d’Auschwitz I que j’avais déjà vu lors de ma première venue en 2005, avec l’UDA, Union des déportés d’Auschwitz. Cette partie du camp ne m’avait pas particulièrement touchée, trop musée, trop propre, organisée et je ne souhaitais pas y retourner.

Pour ne pas paraître froidement insensible, je mets à la fin de ce témoignage celui rédigé après ma visite de 2005, destiné au Bulletin de l’UDA, non publié faute de place.

AJCF Oświęcim

La principale partie de la population d’Oświęcim était juive avant 1939, il n’y a plus de juifs aujourd’hui ... . Mais des historiens financés par une fondation privée américaine ont restauré une synagogue (fonctionnelle, elle accueille les juifs de passage pour la prière, le Shabbat ...) et une maison juive pour en faire un musée de la vie juive à Oświęcim avant la guerre. On y voit, grâce à des photos retrouvées, que les juifs y vivaient "comme tout le monde", ce n’étaient pas des hommes en caftans noirs mais des familles, des gens qui exerçaient toutes sortes de métiers, des enfants qui jouaient, des femmes élégantes ... . Tout cela a disparu ... . Et curieuse coïncidence, ce musée s’appelle Auschwitz Jewish Center Fondation, AJCF ! Visitez-le si vous en avez l’occasion, sinon visitez au moins son site http://ajcf.org/ .

Marche et lectures à Birkenau

Ensuite, l’ensemble du groupe était réuni pour une marche silencieuse à travers le camp de Birkenau ou Auschwitz II. Et là, c’est terrible à écrire pour les organisateurs qui avaient mis tout leur cœur, toute leur foi dans cette commémoration, je n’ai rien ressenti. Alors que la première fois, c’était terrible, je n’ai pas dormi pendant plusieurs jours après, et il m’a fallu plusieurs semaines pour retrouver un bon sommeil non hanté par la visite. A mon avis, la forme était mal choisie : groupe trop important, marche tout droit sans véritable visite pour savoir où on était, avec des textes imposés, pas forcement bien choisis, aucune explication. Dès l’entrée, on était saisi par l’odeur d’herbe fraîchement coupée, si éloignée de ce que devait sentir le camp, on s’est promené dans un parc de verdure. J’aurais voulu donner des explications, être "le témoin des témoins" ("Celui qui écoute un témoin le devient à son tour", Elie Wiesel - phrase reprise lors de la méditation le matin au Centre de Dialogue et de Prière), je m’en sentais l’envie et la responsabilité car j’étais venue avec d’anciens déportés, pour casser cette impression et donner une idée, même infime, de ce qu’on voyait dans cet immense espace. La présence d’anciens déportés donnait une émotion indescriptible mais il faut s’habituer : ils ne seront bientôt plus là, nous devons prendre la suite.

Birkenau
Monument Birkenau

Mais j’ai voulu respecter le silence demandé, les autres participants ainsi que les organisateurs. Birkenau n’est pas un lieu de prière en premier mais un lieu d’histoire, de mémoire. Le seul moment déchirant a été la prière juive (El Male Rahamim et le Kaddish), près du monument commémoratif, conduite par le rabbin Ehud Bandel, pour sa famille assassinée là-bas en premier, pour les nôtres et pour toutes les autres victimes.

Les différentes promenades dans Cracovie avec le groupe ou en privé étaient intéressantes, mais me laissent un sentiment partagé. C’est une belle ville, des quartiers anciens bien mis en valeur, comme l’ancien quartier juif Kazimierz. Nous avons assisté à la fin de festival de culture et de musique juive. D’un côté, le travail de mise en valeur de la culture juive et de son apport à la Pologne est remarquable et doit être encouragé : il y avait près de 60 000 juifs à Cracovie en 1939 (un quart de la population comme dans le reste de la Pologne), il y en a environ 200 aujourd’hui. C’est dire l’importance des juifs dans l’histoire de ce pays. Mais d’un autre côté, je suis un peu mal à l’aise de voir que la culture juive et encore pire Auschwitz n’est qu’une attraction touristique parmi les autres : on propose des "tours" de la vielle ville, du quartier juif (sans juifs), d’Auschwitz, et de la mine de sel, sur le même panneau ...).

Tours

Heureusement, la conférence elle-même nous a permis d’entendre des juifs polonais, impliqués dans leur pays, dans le renouveau du judaïsme en Pologne, et dans le dialogue judéo-chrétien, ce qui n’est pas une tâche facile avec le passé et l’histoire de ces relations.
Remarque : l’hôtel se trouvait entre l’ancien quartier juif et l’ancien ghetto, hasard symbolique.
Un plaisir aussi : entendre les musiques et retrouver les mets de mon enfance, même dans ce contexte, en compagnie d’amis de l’AJCF

Et bien sur, cette conférence a été l’occasion de nombreux échanges inter-personnels avec des représentants d’autres pays, source d’idées, de comparaisons, de nouer des premiers contacts pour de futurs échanges et collaborations.

RV, 18 juillet 2011

Compléments :

Récit du voyage à Auschvitz Avril 2005 RV

Les impressions de mon premier voyage à Auschwitz en avril 2005

Après le voyage à Auschwitz 07 04 2005 GV

Les impressions de mon mari lors de ce même voyage à Auschwitz en avril 2005