De ce périple, il fait un récit qui se lit d’un trait, où les descriptions des paysages donnent au lecteur l’illusion d’être lui-même présent sur les lieux. L’objet de sa recherche apparaît alors au détour d’une conversation, ou plutôt en creux, dans le refus qu’on lui oppose, malgré sa propre discrétion, de parler du sujet. Il n’y aurait aucun problème, Chrétiens et Musulmans seraient en bonne intelligence, mis à part quelques événements regrettables, ici ou là, qu’il ne faudrait surtout pas monter en épingle… Il reste que, s’ils en avaient la possibilité, de nombreux Chrétiens n’hésiteraient pas à émigrer, comme nombre d’entre eux l’ont d’ailleurs déjà fait — et les responsables religieux, qu’ils soient latins ou orthodoxes, s’efforcent de les en dissuader. Mais la pression des Musulmans plus ou moins fondamentalistes est bien une réalité, et l’Autorité palestinienne peu encline à intervenir — il est vrai qu’elle avait à l’époque d’autres préoccupations (quelle est, d’ailleurs, sa « politique » sur ce problème ?) Et il s’avère bien que les Chrétiens, de plus en plus marginalisés, ont peur, essentiellement qu’on les prenne pour moins patriotes, moins mobilisés contre l’ennemi qui ne peut qu’être commun. Mais de cela, ils ne peuvent parler.
L’auteur en tire la conclusion que « ce n’est ni par pleutrerie ni par ignorance, ou par aveuglément, que l’Église latine de Palestine a choisi de tirer le voile sur certains aspects déplaisants de la réalité, mais au terme d’un pari, inévitablement risqué, sur ses chances de survie, et parce qu’elle estime apparemment, de concert avec Rome, que son maintien, dans cette partie du monde d’où elle tire ses origines, passe avant toute autre considération. » Un pari risqué, en effet.
Recension d’Yves Chevalier publiée dans Sens, numéro 2 de 2007 (février), p. 119.
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