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Fille de Jérusalem

Ma passion pour l’unité
par Myriam SELZ
Entretien avec Mgr Jacques Perrier
Préface de Mgr Pierbattista Pizzaballa

Éd. du Cerf, 2017, 208 p., 19,00 €

Voici un beau témoignage qui s’inscrit dans le sillage d’autres témoins catholiques appartenant de façon indéfectible au peuple juif, comme le furent, chacun selon son charisme propre,

le Père Bruno Hussar, op [1] , Rina Geftman [2] (tous deux rencontrés par sœur Myriam en Israël), le Cardinal Lustiger (auquel la liait une profonde connivence) ou encore Paul-Samuel Auszenkier [3] .

Quel bonheur, après Vatican II, de bénéficier ainsi de ces belles figures de Chrétiens qui peuvent épanouir, au sein de leur Église, leur foi chrétienne en affirmant pleinement leur appartenance au peuple juif. Sœur Myriam a cette heureuse formule : « juive par naissance et catholique par choix » (p. 186). Une amie lui confia un jour, faisant allusion à sa double appartenance : « Toi, tu la vis bien ». C’est exactement ce que l’on ressent au fil de toutes ces pages.

Au long de cet entretien, interrogée par son ami, Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes et Lourdes, Sœur Myriam Selz nous restitue son itinéraire spirituel, depuis les années dramatiques de la guerre (son grand-père sera exterminé à Auschwitz, elle-même enfant cachée), jusqu’au temps de sa vie religieuse au sein de la Congrégation des Religieuses de l’Assomption, en passant par les années d’interrogation de sa famille sur sa conversion et sa vocation naissantes, ainsi que par des attitudes d’hostilité, du moins d’incompréhension, de préjugés de bon nombre de catholiques sur le peuple juif.

Nous laissons au lecteur le soin de parcourir dans le détail les multiples missions qu’elle se vit confier par sa Congrégation dans les milieux et les pays les plus divers (Danemark, Inde), pour nous concentrer davantage sur cette cité où l’on peut dire que « tout homme est né » (cf. Ps 87, 5), Jérusalem. Sœur Myriam y vécut de 1993 à 2005. Peut-être le passage qui résume le mieux son parcours spirituel en cette Terre de sainteté, Israël, est-il la belle homélie que fit le Père Alain Marchadour au cours de la messe qui célébrait son jubilé de vie religieuse, en 2002 : « ’Abram avait soixante-quinze ans lorsqu’il quitta Harân’, nous dit la Genèse (Gn 12, 4). Tu en avais beaucoup moins, même si tu avais déjà quarante ans de vie religieuse, quand, par l’intermédiaire de tes supérieures, tu as encore entendu la voix divine te dire : ’lek leka’, ’pars vers toi’, et cette fois-ci, c’est vers tes racines de fille d’Israël que tu es partie pour découvrir un continent qui sommeillait au plus profond de toi, la fille d’Israël devenue chrétienne » (p. 169).

Son séjour en terre d’Israël fut particulièrement marqué par son service auprès de Mgr Jean-Baptiste Gourion, Père Abbé d’Abou Gosh, qui fut nommé Évêque auxiliaire du Patriarche latin de Jérusalem, chargé de la communauté hébréophone. C’était la première fois, depuis l’an 135, qu’en Israël était ordonné un évêque d’origine juive. En effet, en 135, Hadrien avait chassé tous les Juifs, qu’ils soient chrétiens ou pas. Malheureusement, son travail auprès de Mgr Gourion fut de courte durée puisqu’en juin 2005, ce dernier succomba à un cancer.

Nous voudrions encore souligner le travail réalisé en connivence avec son interlocuteur dans ce livre, Mgr Perrier, qui, avant d’être évêque de Chartres, puis de Tarbes et Lourdes, travailla avec sœur Myriam au service de la catéchèse du diocèse de Paris. Leur souci commun, en étroite relation avec l’archevêque de Paris d’alors, le Cardinal Lustiger, était bien de faire connaître dans toutes ses conséquences l’enracinement juif du Christianisme.

Bien d’autres figures seraient encore à évoquer, telle celle du Père Jean Dujardin qui fut secrétaire du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme, dont elle fut la collaboratrice à plusieurs moments de sa vie.

Il faut encore noter, à plusieurs endroits de cet entretien, l’allusion qu’elle fait au travail de l’A.J.-C.F. dans l’avancée des relations judéo-chrétiennes : « […] il faudrait surtout réfléchir théologiquement sur le lien entre Israël et l’Église. Il y aurait beaucoup à faire au plan théologique, comme en France l’Amitié Judéo-Chrétienne s’y essaie » (p. 141). Sœur Myriam, qui réside désormais à Lyon depuis 2013, note aussi le climat de fraternité qui règne lors des grands moments de cette association : « Je participe aux Amitiés judéo-chrétiennes de Lyon. Récemment [le 26 septembre 2016], le prix national des Amitiés a été remis à un prêtre de Lyon, le Père Jean Massonnet. Lors de la cérémonie, il régnait une atmosphère toute spéciale d’amitié, de fraternité, de valorisation mutuelle entre les intervenants : juifs, catholiques, protestants » (p. 22).

Un très beau livre d’entretiens qui donne envie de se plonger davantage dans les Écritures, pour y entendre la Parole de Dieu adressée à son peuple dont les Chrétiens vivent également par Jésus.

Bruno Charmet

[1Cf. Bruno Hussar, Quand la nuée se levait... juif, prêtre, israélien : un itinéraire, éd. du Cerf, 1983 [Cf. Sens, 3, 1983, p. 68].

[2Cf. Rina Geftman, Guetteurs d’aurore, éd. du Cerf, 1985 [Cf. Sens, 1, 1986, p. 43] ; L’offrande du soir, éd. du Cerf, 1994 [Cf. Sens, 1, 1995, p. 44].

[3Cf. Paul-Samuel Auszenkier, Faire mémoire, éd. du Cerf, 2009 [Cf. Sens, juin 2010, p. 484].