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Allocution de Jacqueline Cuche, présidente de l’AJCF

Cher Richard Prasquier,

En lien avec tous vos amis, ici présents ou qui vous accompagnent par la pensée, de loin ou même depuis la Maison du Père, je vais essayer de dire à ceux qui l’ignoreraient encore pourquoi l’Amitié Judéo-Chrétienne de France a décidé de vous attribuer son prix annuel.

Il y aura bientôt 70 ans, comme nous l’a rappelé Mgr Jordy, que notre association a été fondée, par Jules Isaac et quelques autres juifs et chrétiens, dont justement Fadiey Lovsky, dont j’évoquais à l’instant la mémoire. Comme vous, Richard Prasquier, ces Juifs et ces chrétiens voulaient qu’enfin l’Église et la Synagogue apprennent à se connaître et à s’estimer. Nous avons tous présents à l’esprit ces images ou ces statues de la Synagogue aux yeux bandés, si souvent présentes dans nos églises.

Pendant des siècles les Juifs avaient été regardés avec mépris, considérés comme rejetés par Dieu parce qu’aveugles à sa volonté. Mais depuis environ 70 ans, parce que, comme le disait Fadiey Lovsky, « la Shoah a fait tomber le bandeau », l’Église et la Synagogue ont commencé à se regarder en vérité.

C’est ce regard d’estime et d’amitié que l’Amitié Judéo-Chrétienne de France s’efforce de propager, grâce à sa quarantaine de groupes répandus à travers la France et à ses milliers de membres ou de sympathisants. C’est notamment grâce à des personnes comme vous, Richard Prasquier, dont le soutien nous est si précieux, comme je vais maintenant le montrer.

Car depuis de longues années vous vous dépensez sans compter pour améliorer les relations entre juifs et chrétiens, pour faire grandir entre eux cette amitié à laquelle vous croyez tant.

Mais revenons un peu en arrière :
Tracer votre itinéraire serait bien trop long, vous avez fait tant de choses, eu tant de responsabilités tant au sein de la communauté juive que dans vos rapports avec les chrétiens qu’il me faudra fortement résumer, ne m’en veuillez pas !

Après la Pologne, où vos parents, avaient pu, contrairement à presque tout le reste de votre famille, échapper à la Shoah et où vous n’avez passé que la première année de votre vie, la France est devenue votre pays. Vous y avez fait des études de médecine, celles que, avez-vous dit un jour, votre père aurait voulu faire lui-même et que le travail acharné de vos parents, débarqués à Paris comme tant de réfugiés, vous a permis de mener et de réussir brillamment.

Des prix ou décorations qui vous ont été attribués, pardonnez-moi si je les passe sous silence. La liste en serait trop longue. Quant à vos engagements au sein de la communauté juive, si importants et si nombreux eux aussi, comment les citer tous ? J’ai donc choisi de privilégier ceux qui ont, de près ou de loin, un rapport avec cette amitié que vous avez toujours voulu construire avec les chrétiens et leur manifester :
Dès 1994, c’est au sein du CRIF (le Conseil Représentatif des Institutions juives de France) que vous avez pris la tête d’un groupe de liaison avec la Conférence des évêques de France.

Lorsque vous êtes devenu président du comité français pour Yad Vashem en 1997, vous avez souhaité et fait en sorte que soit mieux reconnu et mis en valeur le rôle des chrétiens qui avaient participé au sauvetage des juifs de France pendant la Shoah, qu’ils soient prêtres, religieux, pasteurs ou simples laïcs.

Et lorsque vous avez été élu Président du CRIF (et réélu puisque vous y avez rempli deux mandats de 3 ans, de 2007 à 2013), vous avez créé une Commission pour les Relations avec les Églises chrétiennes, la CREC, en en confiant alors la présidence à M. Gérard Israël. Depuis peu, Mme Mireille Hadas-Lebel, dont je salue la présence dans la salle, lui a succédé, ce qui promet un bel avenir à ces relations et est en même temps pour nous un honneur puisque Mme Hadas-Lebel fait partie du Comité Directeur de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France. Mais je laisse le soin à Mme Stéphanie Dassa de nous parler plus longuement dans un instant de cette commission et des beaux fruits qu’elle a déjà portés.

Photo AJCF-RV

Vous avez compté et comptez toujours de nombreux amis chez les chrétiens, que vous êtes souvent amené à fréquenter.

Peut-être un des plus beaux témoignages de ces amitiés fut-il celui que vous avez voulu donner à la mémoire de Mgr Lustiger, en prenant l’initiative – car c’est à vous qu’elle revient – du si beau mémorial qui lui est consacré en Israël, dans les jardins du monastère d’Abu Gosh. Vous avez pu voir tout à l’heure des images projetées de ce magnifique mémorial, ainsi que du monastère bénédictin, olivétain plus exactement, qui l’abrite. Dans quelques instants nous écouterons le Père Abbé de ce monastère nous en parler davantage.

Vous êtes médecin, mais ce n’est pas seulement des corps dont vous prenez soin. Vous voulez aussi soigner les esprits, aider les intelligences à s’éveiller, à s’ouvrir en luttant contre les ignorances ou les préjugés, d’où qu’ils viennent.

Je parlais tout à l’heure de la commission de relations avec le christianisme que vous avez créée au sein du CRIF, entraînant vos coreligionnaires dans ce mouvement d’ouverture au monde non juif et particulièrement au monde chrétien. Mais de même vous participez de plus en plus souvent aux mêmes efforts menés par des chrétiens pour aider les membres de leur Église à s’ouvrir à la connaissance du monde juif dans ses diverses composantes. Vous êtes devenu au fil des années un excellent connaisseur des relations entre juifs et chrétiens aussi bien de leur histoire que de leur signification. C’est pourquoi l’on fait souvent appel à vous pour des interventions dans des colloques, comme ici même l’an dernier, lors du colloque consacré à Mgr Lustiger et à son livre La Promesse, mais aussi dans plusieurs autres, dans des rencontres, des sessions organisés par les Églises ou par les groupes de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France. J’en donnerai parmi d’autres quelques exemples, car je ne suis pas sûre que beaucoup de gens les connaissent : il y a quelques jours, vous étiez au Mans, pour la journée anniversaire de Nostra Aetate organisée par le diocèse, et c’est vous qui avez été invité à y prendre la parole. Dans un peu plus d’un mois, nous serons ensemble, vous et moi (ainsi que notre amie Liliane Apotheker, qui nous fait l’honneur d’être présente ce soir, elle qui est 1ère Vice-Présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne internationale), nous serons ensemble à Tours, pour une autre journée anniversaire, organisée, celle-là, à la demande du Grand Rabbin de France et préparée avec le diocèse de Tours. Vous avez aussi été invité à y prendre la parole. Ainsi, encore, vous avez généreusement accepté de faire partie de l’équipe qui prépare la session de découverte du judaïsme qui aura lieu en juillet prochain au grand centre catholique de Paray-le-Monial, session destinée à quelques milliers de jeunes. Et comme nombre de ces jeunes se rendront peu après à Cracovie, où se dérouleront les JMJ (journées mondiales catholiques de la jeunesse) vous avez souhaité participer à la préparation de la rencontre de la Shoah qu’ils découvriront lorsqu’ils se rendront de Cracovie à Auschwitz, puisque ces lieux sont tout proches l’un de l’autre. Ces quelques exemples, et j’en ai peut-être oublié, suffisent à démontrer combien vous êtes devenu, cher Richard, un acteur important du dialogue judéo-chrétien, et même un acteur incontournable.

Dans toutes ces rencontres, que ce soit avec des juifs comme avec des chrétiens, vous voulez aider chacun, quel qu’il soit, à s’ouvrir à l’autre, à comprendre que l’autre, quelle que soit sa tradition religieuse, mérite écoute et respect. Vous voulez, vous le médecin, prendre soin de l’autre pour qu’il donne le meilleur de lui-même et devienne ainsi un meilleur juif ou un meilleur chrétien. Je me demande si finalement ce n’est pas ce désir que vous avez exprimé un jour dans ce geste que pour ma part je ne peux m’empêcher de trouver à la fois étonnant et magnifique, lorsque vous avez accepté, un jour, d’être le parrain de confirmation d’une jeune catholique, vous engageant ainsi à l’aider, vous le juif, dans la mesure de vos possibilités, à être une meilleure chrétienne.

Pour toutes ces raisons, parce que vous êtes devenu pour nous, cher Richard Prasquier, un collaborateur et un ami de plus en plus fidèle, efficace et toujours disponible, l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, par l’attribution de ce prix annuel, tient à vous dire sa grande reconnaissance.