Dans le Pentateuque, le messager (mot que nous emploierons de préférence ici, en raison du détournement que vingt siècles de langage ont imposé aux anges...) peut être chargé de mission par un homme, ou envoyé par D, voire être D. Lui-même se manifestant.
Influencé, après le premier Exil, par les religions babylonienne et perse environnantes, le Judaïsme parle davantage des anges comme êtres spirituels : anges et archanges forment la cour céleste - à l’image des cours orientales - gèrent les forces de l’univers, gardent les portes du ciel.
Les visions de Daniel et d’Ézéchiel (Ez 1, 1-28) ont alimenté la réflexion postérieure sur l’angélologie, mais jamais le culte des anges : ils ne sont que des instruments, non des intermédiaires qui combleraient l’espace physique ou spirituel entre D. et le monde. Selon la tradition juive, si D. a donné la ToRaH aux humains, c’est que les anges n’en ont pas besoin : d’une part, ils savent « instinctivement » comment Le servir, d’autre part, ils n’ont ni pulsions ni libre-arbitre à gérer.
A partir de l’évocation biblique de ces figures hybrides et ailées que sont les KeROUBiM (chérubins), les SeRAFiM (séraphins), et les HaYot (êtres vivants) - représentées dans le sanctuaire ou perçues dans la vision d’Ézéchiel - s’est développé l’idée selon laquelle D. aurait créé deux catégories d’êtres : des êtres supérieurs (ELYONiM) et les êtres humains. Les ailes qui caractérisent les anges voilent la divinité, en même temps qu’elles symbolisent le désir de l’homme de s’alléger pour s’élancer vers une nature sublimée. KaNaPh (aile) est aussi le nom donné au coin du TaLIT : de fait, la prière n’est-elle pas élévation ?
Transposition de l’imagerie babylonienne ou plus tard, pour le Judaïsme alexandrin, des « intelligences séparées » de la cosmologie grecque, ces anges sont parfois personnalisés, mais l’enseignement pharisien a pris soin d’éviter toute substitution de D. par des figures angéliques.
L’ange gardien (des peuples ou des individus) est une innovation de la littérature apocryphe juive (non biblique : Livres d’Hénoch, de Ben Sira, des Jubilées), qui attribue ainsi à Israël l’archange MIKaEL (« qui est comme D. »). Selon certains Sages, les nations du monde auraient leurs dieux comme anges tutélaires, en attendant la reconnaissance par toutes de la Royauté divine. Cette réflexion nourrira une certaine mystique, mais aussi l’affirmation pharisienne de la Loi comme seul intermédiaire et comme seule gardienne d’Israël et du monde.
La littérature des premiers siècles de l’ère courante a peuplé le ciel d’anges, soit pour personnifier un attribut divin ou la relation de D. à l’homme, soit, à l’opposé, pour exprimer l’aspiration spirituelle de l’homme (ou son échec : les anges déchus). Dans les discussions talmudiques, les anges peuplent la Aggada pour illustrer un enseignement, fournir un modèle (positif ou négatif) de comportement. Si les penseurs médiévaux, de Saadia Gaon au VIIIe siècle à Maïmonide au XIIIe, ont débattu de la nature des anges, les références angélologiques sont aujourd’hui peu nombreuses, sinon inexistantes. Les milieux hassidiques continuent cependant à méditer l’énergie contenue dans les noms théophores (Gabriel, Raphaël, Mikael, etc.) ; non pour entrer en communication avec des êtres spirituels, mais pour travailler à restaurer en chaque homme les forces positives de la Création.
Pour la Kabale en effet, un ange serait l’énergie spirituelle résultant de l’accomplissement d’une MiTSVa, d’une tension vers la sainteté, d’une prière faite avec l’intention adéquate. Cette même énergie, résultant du non-accomplissement, d’une baisse d’intensité dans la ferveur, d’une attention insuffisante, se transforme en forces négatives (d’où les démons).