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Mikhtav Hadash n°2 : L’Election d’Israël

Après un premier numéro où cette nouvelle revue nous a présenté les différents courants du judaïsme, ce deuxième numéro traite de l’élection d’Israël.

Sous-titré « Du particulier à l’universel », ce numéro comporte des contributions de philosophes, philologues, linguistes et historiens, de rabbins et de catholiques.

Des fiches didactiques abordent l’histoire de l’élection dans la Bible, la liturgie, le Talmud ainsi que dans l’évolution des idées (de Spinoza à Hermann Cohen et Franz Rosenzweig). Parmi les contributeurs, on notera : Thierry Yeshoua Alcoloumbre, Yann Boissière, Yeshaya Dalsace, Dominique de la Maisonneuve, Antoine Guggenheim, Moshe Halbertal, Julia Kristeva, Ron Naiweld et Edouard Robberechts. Avec une interview exclusive de Benjamin Gross par Ruth Scheps et une étude approfondie de Tony Lévy sur Maïmonide.

Dans son éditorial intitulé « Assumer l’élection », Philippe Chriqui reprend l’histoire de la notion d’élection en notant qu’avant d’être élu, le « peuple élu » n’est pas peuple du tout : c’est au Sinaï qu’il le deviendra en faisant corps avec sa Loi et avec son Dieu lors de la révélation, accomplissement de la promesse faite aux patriarches. L’élection est une méthode de cohésion nationale particulièrement efficace. C’est précisément ce que critiqueront Spinoza et Freud (dans son Homme Moïse controversé) : une élection qui aurait plus à voir avec un projet politique que religieux. À l’inverse, Rousseau, père des Lumières, y voit un des fondements de la notion moderne de peuple. A l’ère moderne, la distinction d’un peuple parmi les autres heurte l’esprit démocratique – sauf à avancer que l’élection est moins d’ordre politique que spirituel. L’antijudaïsme et l’antisémitisme se sont nourris de ce particularisme, ressenti comme un élitisme. L’universalisme est pourtant inscrit dans le judaïsme : par sa loi, ses valeurs, son éthique, le judaïsme prétend à l’universel, et l’aller-retour permanent entre particularisme et universalisme constitue son génie propre.

Dans le judaïsme, l’élection se concrétise par le don de la Loi. Les premières Lois sont données à Noé, père de l’humanité. Elles montrent que l’élection est d’abord celle de l’humanité tout entière. De plus l’élection est une distinction qui sépare et non qui élève. Et si le peuple juif est séparé, c’est pour endosser la responsabilité d’assumer la Loi divine, de porter sa parole en héritage et de relayer un message moral et religieux. Ce message affirme que l’élu c’est l’Autre, l’étranger, celui qui n’oublie pas qu’il a été lui-même étranger en Égypte, avant même d’avoir été élu. En ce sens la distinction d’Israël est l’élection de l’étrangeté elle-même (Julia Kristeva). Plus encore, elle invite les hommes à la sainteté (« Soyez saints parce que Je suis saint »), un objectif certes inatteignable mais au regard duquel l’élection relève du devenir et non de l’être. Un devenir à assumer sans arrogance. L’élection est une charge, mais comme pour Sisyphe, il faut imaginer l’élu heureux.

Ruth Scheps

Mikhtav Hadash : La nouvelle revue du judaïsme Massorti
(Recension du premier numéro de Mikhtav Hadash par Olivier Rota)

Mikhtav Hadash est publié par Adath Shalom, 8 rue George Bernard Shaw, 75015 Paris. Prix : 10 €.