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26 septembre 2016 : Intervention de Jean-Pierre Lemonon

Mr le grand Rabbin, Mr le Cardinal, Madame la Présidente, Chers amis,
Cher Jean,

Tu as souhaité que je prenne la parole en ce jour pour rappeler ce que fut l’origine du Centre chrétien pour l’étude du judaïsme, et peut-être plus encore ce qui le rendit possible. Ton nom est très lié à cette fondation. Le centre, dont la création a été décidée par une séance du conseil enseignant de la Faculté de théologie le 26 janvier 1990, fut inauguré le 20 février 1991 en présence du Grand Rabbin Wertenschlag et du cardinal Decourtray. Consultés en temps opportun, l’un et l’autre, avaient encouragé cette fondation.

En décidant la création de ce centre la faculté de théologie répondait à une orientation du Concile Vatican II qui s’exprime ainsi : « Scrutant le mystère de l’Église, le concile rappelle le lien qui unit spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la lignée d’Abraham » (Nostra Aetate n°4). Toujours, dans le même paragraphe, le Concile souhaitait que se développent entre chrétiens et Juifs : « la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel ».
Jean, je t’entends encore insister avec tes prises de parole parfois un peu rudes, sur trois points :
  C’est en scrutant son propre mystère que l’Église rencontre le peuple juif ; tu comprenais cette création dans sa dimension ecclésiologique ;
  Il ne s’agissait pas, pour toi, de créer un centre d’études juives, tâche qui incombe aux Juifs eux-mêmes, mais un centre chrétien pour l’étude du judaïsme ;
  Enfin, disais-tu, on ne peut pas travailler sur le judaïsme sans se mettre à l’écoute de ceux que le pape Jean-Paul II a appelés le 13 avril 1986 : « nos frères aînés ».

Tu donnais ainsi un cadre à la vie du centre, connu très vite sous le sigle CCEJ.
Sur un des premiers livrets d’études je relève le dispositif suivant : responsable du centre : Jean Massonnet ; animateurs : Jean Desselier ; Pierre Lenhardt.
En effet, il est impossible d’évoquer la création du CCEJ sans rappeler le rôle que ces personnes ont joué. Vos noms sont inséparables. Le nom de Pierre est, bien sûr, connu de chacun d’entre nous (et je suis certain d’être l’interprète de tous, en redisant combien nous lui devons). Jean Desselier, décédé prématurément, est hélas un peu oublié. Or, l’idée du centre a surgi quand celui-ci qui disposait d’une magnifique bibliothèque, centrée sur les sources du judaïsme, décida de léguer ce trésor à la bibliothèque de l’Université catholique.

Très vite, répondant à quelques suggestions, Jean Desselier décida de donner immédiatement sa bibliothèque à la Faculté de théologie à condition qu’elle ne soit pas dispersée et que, si possible, un lieu de consultation soit créé, de là surgit une idée un peu plus ambitieuse, car il fallait faire vivre les livres. Et, tu étais là pour cette tâche.

La création du CCEJ était rendue possible par le climat que Pierre Lenhardt avait créé dans la Faculté dont il fut pendant de nombreuses années professeur invité : (plusieurs d’entre nous avaient été ses étudiants à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem ou l’avaient connu à Ratisbonne.) Avant la création du Centre, pendant des années Pierre est venu donner à Lyon des sessions d’abord aux biblistes français, puis ensuite des cours aux étudiants. Il sut créer un climat qui rendait naturelle la création du Centre chrétien pour l’étude du judaïsme.

Pendant des décennies, Jean, tu fus ce chercheur infatigable, toujours prêt à partager ta connaissance de la tradition juive, que ce soit avec tes collègues ou avec des étudiants. Grâce aux cours et ateliers que tu animas beaucoup d’étudiants comprirent mieux les liens indissolubles qui unissent nos deux traditions. Tu réalisas toujours ce travail avec le souci d’y associer des penseurs Juifs et de te mettre toi-même à leur écoute.

Cher Jean, au terme de ce bref rappel, je veux te dire combien, à mon sens, la faculté te doit d’avoir su lui donner une marque particulière grâce à l’existence du Centre chrétien pour l’étude du Judaïsme. Tu as su le faire bien vivre pendant des années, tout en préparant ta succession. Pour toute cette œuvre que tu as réalisée, Jean, nous rendons grâce à Dieu !

J.P.Lémonon