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Guy Delisle : Chroniques de Jérusalem

Guy Delisle, un canadien auteur de bandes dessinées, a accompagné sa femme pendant un an lors d’une mission humanitaire pour MSF à Gaza. Il a donc vécu à Jérusalem pendant presque un an et en a tiré cette bande dessinée.
La critique est excellente et unanime. Il a reçu le prix du meilleur album 2012 au festival d’Angoulême.
Mais ... quelques commentaires trouvés sur Internet pointent une limite : quand votre entourage travaille pour MSF dans la bande de Gaza, quand vous habitez à Jérusalem-Est, peut-on vraiment être "objectif" ?

A lire : la présentation, quelques échos trouvés sur la toile et un commentaire de Jean Massonnet pour l’AJCF.

Bande dessinée (cartonné). Paru en 11/2011
Éditeur : Delcourt ; 25,50 €
Fauve d’or d’Angoulême - prix du meilleur album 2012

Présentation de l’éditeur : Guy Delisle et sa famille s’installent pour une année à Jérusalem. Mais pas évident de se repérer dans cette ville aux multiples visages, animée par les passions et les conflits depuis près de 4 000 ans. Au détour d’une ruelle, à la sortie d’un lieu saint, à la terrasse d’un café, le dessinateur laisse éclater des questions fondamentales et nous fait découvrir un Jérusalem comme on ne l’a jamais vu.

Le site de Guy Delisle : Chroniques de Jérusalem
Avec, pour vous faire une idée, un extrait avec les mois d’aout et septembre, sur 11 mois.

 Lu sur Internet :

 Michel Kichka, grand caricaturiste israélien, qui recommande vivement cet ouvrage, souligne que Guy Delisle offre un "regard de questionnement, jamais de jugement", bien loin de l’approche binaire du conflit. Une posture assez rare pour être soulignée… (Présentation J&R)

 Guillaume Goubert dans la Croix : "l’auteur porte un regard bienveillant, sans préjugés sur ce qu’il observe. Il fait part de ses étonnements, de ses amusements. Il écoute les Palestiniens, les militants pacifistes israéliens, les colons. Il cherche à comprendre bien plus qu’à prendre parti. Même s’il conclut son journal, au moment où il quitte Jérusalem, en évoquant l’appropriation violente d’une maison palestinienne par un extrémiste israélien. Mais, dans son trait, on ressent davantage de la consternation que de l’hostilité."

Tous ces commentaires vont dans le même sens : ils semblent accepter l’opinion habituelle bien relayée par les médias ne voyant que les problèmes des palestiniens en occultant les attentats, les roquettes, les manifestations hostiles aux chrétiens ...etc.

Sur internet, on trouve quand même 2 commentaires de lecteurs plus critiques :

 Commentaire sur Amazon : La complexité est-elle si simple ?
Il me pose problème parce qu’il commence de façon sympathique. Le début est très drôle, avec toute la naïveté du nouvel arrivant qu’est Guy Deslile dans ce nouvel environnant. Mais est-il vraiment naïf ? Pas si sûr quand on connait ses expériences précédentes (La Birmanie par exemple...). Ainsi, pendant quelques 80 pages, le petit bonhomme que l’on suit, parfois au volant de sa poussette, s’évertue à nous dire la chose suivante : "je suis drôle, je suis naïf, je suis athée, je suis sympathique et donc forcément j’ai le recul nécessaire pour vous présenter les choses avec un maximum de distance." Néanmoins, quand votre entourage travaille pour MSF en direct du côté de la bande de Gaza, quand vous habitez à Jérusalem-Est, peut-on vraiment être "objectif" ?

Et puis, tranquillement mais sûrement, le glissement vers la démonstration finale s’opère, de telle façon qu’un lecteur non-averti se laissera guider, à son insu, ou parce qu’il n’aura pas envie d’aller voir plus loin. Il n’aura pas envie d’aller vers ce qui est une évidence pour tout le monde : les juifs/Israéliens (rayer ou non la mention inutile) sont, dans leur immense majorité, de sombres individus ultra-religieux et donc forcément hystériques. Bien sûr, ce n’est pas dit de cette façon, c’est écrit et dessiné de façon beaucoup plus intelligente, comme cette visite de zoo où l’on voit rire nos deux pères de famille devant l’enclos des singes, enclos devant lequel sont massés quelques juifs religieux (même couleur, sans le chapeau). Alors non, il n’est pas dit que les juifs religieux sont des singes, nous sommes entre bons pères de familles, nous sommes civilisés, n’est-ce pas ? Pas comme ces soldats israéliens qui bombardent Gaza à tour de bras pendant l’opération plomb durcie, c’est évident. Et je ne vous parle pas des colons qui expulsent et prennent la place des arabes du coin, bouquet final du livre de Delisle avant que celui reprenne l’avion et quitte Jérusalem pour un endroit "moins fatigant" à savoir la France (il y a beaucoup d’humour dans ce livre, je vous l’avais déjà signalé).

J’oubliais : en filigrane et tout au long du livre, le bon juif/israélien (rayer ou non la mention inutile) "caution morale" est bien présent. Oui, restons "objectifs" et démocrates" et présentons également les arguments de "l’autre".

Ce livre, qui est selon moi, un livre d’opinion, voire une démonstration à charge, ne se présente pas comme tel. Je trouve cela regrettable. L’auteur est peut-être sincère dans sa démarche, mais il n’est, à mon avis, pas honnête.

Mais finalement, quelle importance, nous savons aujourd’hui, qu’il y a les bons d’un côté et les méchants de l’autre. Les bons pères de famille peuvent désormais dormir tranquilles.

 Sur Fnac.com : Un attrape-nigaud
Une BD qui commence bien, qui a l’air objective et qui est pas mal dessinée. Au fil des images,la déception se fait jour. Sous ses airs de Candide et de bon père de famille, l’auteur ne fait que répéter les positions des militants pro-palestiniens et sa compréhension des choses s’en trouve sérieusement affectée. Sa vision méprisante et ignare de la religion juive (et de la religion musulmane aussi) est bien triste. Exemple : la fête de Pourim est représentée par des ultra-religieux ivres en train de vomir. Quant à sa vision politique sur la situation, elle a des oeillières, et est dénuée d’empathie et même d’honnêteté élémentaire. Exemple : l’auteur se moque des soldats ou des douaniers qui contrôlent les identités aux points de passage, sans rappeler le contexte de besoin de sécurité du aux attentats.

 Le commentaire de Jean Massonnet, de l’AJCF de Lyon :

On ne peut pas contester la véracité de tout ce qui est dit dans cette BD. Mais après la lecture que je me suis efforcé de poursuivre jusqu’au bout, j’en ressorts avec la vision envahissante du mur, qui court presque tout au long des pages, et que Delisle « croque » avec prédilection. Le lecteur est bien informé sur les contrôles tatillons à l’aéroport, surtout les attentes exaspérantes aux points de passages entre Israël et les Territoires. Dans une émission télévisée, Delisle se présentait comme étant de gauche, et (il faudrait dire « donc »), pro-palestinien. Très politiquement correct. Surtout ne pas chercher dans ces dessins ce qui motive en profondeur l’attachement des Juifs à la Terre d’Israël.

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Cette présentation est volontairement provocante tant le consensus général autour de cette BD, sans doute de très bonne qualité pour les experts et qui mérite son prix, se place dans la désinformation générale autour d’Israël et du conflit israélo-palestinien présentant toujours les pauvres palestiniens, le mur, sans parler de Sderot, des victimes des attentats et présentant les juifs comme une caricature en ne montrant que les ultra-orthodoxes habillés en noir et les méchants colons : simplification si facile et évidente d’une situation infiniment complexe.

RV

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