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2022, entre Mémoire et Espérance

Éditorial de Jean-Dominique Durand
Président de l’Amitié Judéo-chrétienne de France

L’année 2022 sera marquée par de bien tristes anniversaires. Nous entrons dans la quatre-vingtième année du souvenir de la Conférence de Wannsee, des grandes rafles des juifs dans l’été qui a suivi, mais aussi dans la dixième année de la tuerie de Toulouse, sinistre réplique des événements de 1942.

A Wannsee, merveilleux lieu de villégiature à quelques kilomètres du centre de Berlin, un groupe de responsables nazis de haut rang décidèrent le 20 janvier 1942 d’étendre le massacre des juifs commencé en Pologne dès le début de la guerre, puis dans les zones conquises sur l’Union soviétique, d’une manière massive et systématique. Il s’agissait de l’élargir aux pays occupés à l’Ouest et de le mettre en œuvre d’une manière rationnelle, systématique, en y introduisant les principes de l’organisation industrielle. Les grandes rafles de juifs qui avaient déjà commencé en 1941 se développèrent partout. En France, en zone dite libre comme en zone occupée elles se firent avec le soutien actif du gouvernement du maréchal Pétain. Les points d’orgue en furent la rafle du Vel’ d’Hiv à Paris les 16 et 17 juillet avec l’arrestation de près de 13.000 personnes, et celles des 26-28 août dans toute la zone Sud avec 7 à 10.000 arrestations. L’année 1942 vit de ce fait se multiplier les convois de déportés de toute l’Europe vers les camps d’extermination organisés, structuré notamment en Pologne.

Janvier 2022

La « Solution finale » pour reprendre la formule des nazis se déployait à l’échelle de toute l’Europe. Sa réalisation devint une priorité absolue, au détriment même des stricts intérêts militaires de l’Allemagne en guerre. Le Juif avait été défini par Hitler dans Mein Kampf comme l’antithèse maléfique de l’Aryen. Il fallait l’éliminer. La guerre et les victoires de l’Allemagne donnaient l’occasion de systématiser la mise à mort des juifs en Europe. La Shoah n’appartient-elle qu’au passé ? Lorsque l’on suit ce qui se passe en Iran on peut craindre que non, et que certains responsables nourris d’une haine inextinguible pour les Juifs ne rêve que de tenter d’achever l’œuvre des nazis. Le drame de Toulouse, qui s’accomplit le 19 mars 2012, avec l’assassinat dans une école juive de trois enfants et du père de deux d’entre eux, rappelle que la Shoah est d’aujourd’hui. Myriam, Arié et Gabriel, ont rejoint la cohorte du million et demi d’enfants disparus dans l’enfer nazi. C’est en s’appuyant sur cet événement effroyable que l’AJCF institue une Journée de réflexion et d’action sur la lutte contre l’antisémitisme qui se tiendra chaque année le dimanche le plus proche du 19 mars, cette année le 20 mars 2022.

Pourtant, au seuil de cette nouvelle année, nous ne devons pas renoncer à l’espérance, cette espérance si fragile, chère à Charles Péguy, l’un des inspirateurs de Jules Isaac, le fondateur de l’AJCF. Nous devons nous souvenir des victimes de la Shoah, mais aussi des Justes, ces femmes et ces hommes, personnalités connues (évêques, généraux, députés, diplomates…) ou simples citoyens (paysans, ouvriers, employés…) qui ont tendu la main à des juifs traqués, les ont cachés, les ont sauvés. Tous entendaient refuser l’ignominie, tous entendaient déchirer l’ignoble toile de complicité dans laquelle Vichy cherchait à insérer l’ensemble du peuple français. Tous réagirent en conscience. Toutes les catégories sociales sont représentées. L’AJCF reviendra dans l’année sur les Justes dont beaucoup furent des chrétiens engagés, et sur ce qu’ils représentent pour l’Amitié Judéo-chrétienne. La commémoration nationale de la rafle du Vel’ d’Hiv (loi du 3 février 1993) est aussi l’occasion pour la Nation de témoigner sa reconnaissance à tous ceux « qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide » (loi du 10 juillet 2000).

Il y a un an, le 1° février 2021, la Déclaration des évêques de France « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme » s’inscrivait dans cette espérance, dans le contexte d’une montée de la violence et de la haine à l’encontre des juifs.

Pour l’AJCF, l’année 2022 sera une année particulièrement importante, une année de Mémoire bien évidemment, mais surtout une année de mobilisation dans la lutte contre la haine antisémite et pour réaffirmer l’Amitié incontournable entre les juifs et les chrétiens.