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16 juillet 1995 - 16 juillet 2025 : Il y a trente ans le discours de Jacques Chirac

Editorial de Jean-Dominique Durand, Président de l’AJCF
Le mois de juillet est marqué par le souvenir des grandes rafles de juifs de l’été 1942, à travers la France, et particulièrement à Paris les 16 et 17 juillet 1942. 13.152 personnes, de tous âges et de toutes conditions, furent arrêtées par la police française pour la seule raison qu’ils étaient juifs. Nous avons tous en mémoire les images terribles de ces alignements d’autobus de la RATP, réquisitionnés pour conduire ces malheureux au Vélodrome d’Hiver, le célèbre Vel d’Hiv. Ils y furent entassés dans des conditions atroces, avant d’être déportés à Auschwitz. « la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable », déclara le Président Jacques Chirac le 16 juillet 1995. Il rappelait aussi que la rafle fut, « le point de départ d’un vaste mouvement de résistance de nombreuses familles françaises, des Justes qui sauvèrent de nombreux juifs ». Ce discours fondamental, prononcé il y a exactement trente ans, fut une libération de l’esprit.
Oui, une libération de l’esprit. Pourquoi ? Pour deux raisons.
D’abord parce qu’un peuple ne peut pas bâtir son avenir sur des illusions ou sur des mensonges. La démocratie a besoin de vérité, même si elle est difficile à admettre et à vivre, car la vérité libère la vérité rend libre, et permet de regarder devant soi.

La deuxième raison, c’est que la connaissance historique et la reconnaissance officielle du racisme d’État et de la complicité de Vichy dans l’accomplissement du Crime par excellence qu’est la Shoah, permettent de souligner a contrario l’héroïsme de ceux qui dans l’anonymat et la modestie ont pris des risques pour sauver des juifs persécutés. C’est le monde des Justes, ce monde si divers composé d’hommes et de femmes aux origines géographiques, sociales, idéologiques, religieuses différentes. Leurs motivations étaient très diverses. Pour certains il s’agissait simplement de tendre la main spontanément à des réprouvés, d’autres agissaient au nom de leur sentiment patriotique, d’autres encore se voulaient en accord avec leur foi religieuse ou leur conviction politique. Tous entendaient refuser l’ignominie, tous entendaient déchirer l’ignoble toile de complicité dans laquelle Vichy cherchait à insérer l’ensemble du peuple français.
Les Justes montrent que la Résistance, c’était aussi accomplir des actes de la vie quotidienne comme l’a bien montré l’historien Jacques Sémélin, par exemple ouvrir sa porte ou dire non, refuser d’obéir. Le refus des ordres reçus lorsqu’ils sont indignes et exigent un sursaut de la conscience. Nous savons avec les travaux de Serge Klarsfeld, qu’une multitude de protestations de la conscience, de « Non », et de mains anonymes tendues ont permis de sauver des milliers de personnes.
Le 18 janvier 2007, Simone Veil, présidente d’honneur de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah a voulu rendre hommage aux Justes au Panthéon :

« Face au nazisme qui a cherché à rayer le peuple juif de l’histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés, face à ceux qui, aujourd’hui encore, nient les faits, la France s’honore, aujourd’hui, de graver de manière indélébile dans la pierre de son histoire nationale, cette page de lumière dans la nuit de la Shoah. Les Justes de France pensaient avoir simplement traversé l’Histoire. En réalité, ils l’ont écrite. De toutes les voix de la guerre, leurs voix étaient celles que l’on entendait le moins, à peine un murmure, qu’il fallait souvent solliciter. Il était temps que nous leur exprimions notre reconnaissance. »
Simone Veil avait raison : les Justes étaient le plus souvent des personnes modestes, qui ne se sont guère considérées comme des héros, mais plutôt comme des personnes normales, qui ont accompli un geste qui pour elles, était normal. Elles ont simplement considéré le persécuté comme une personne, comme un frère, comme une sœur. Certaines ont accompli leur geste comme un acte conscient de résistance, beaucoup l’ont accompli par simple humanité. Les Justes montrent que la Résistance, c’était aussi ouvrir sa porte aux persécutés, ou dire non, refuser d’obéir. Le refus des ordres reçus lorsqu’ils sont indignes et exigent un sursaut de la conscience.
La loi du 3 février 1993 a institué une Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite « gouvernement de Vichy ». Elle doit se tenir le dimanche 16 juillet ou le dimanche suivant cette date. Elle a été modifiée par la loi du 10 juillet 2000 afin d’insérer un hommage aux Justes de France, occasion pour la Nation, de témoigner sa reconnaissance à tous ceux « qui ont recueilli, protégé ou défendu, au péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide ».
Sur la médaille des Justes délivrée par Yad Vashem, on lit cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier ». Contre la haine, contre l’antisémitisme en plein renouveau, contre ceux qui défient la République, le choix du don de soi, de la fraternité, de la solidarité exprime le meilleur de ce que chaque citoyen peut offrir à la collectivité pour le bien commun.
Entre 1940 et 1944, la haine raciale a failli tuer la République. Il est de notre responsabilité de poursuivre le combat contre ce poison qui détruit insidieusement le vivre ensemble, le respect des différences, la solidarité. La haine à nouveau, mine la communauté nationale. Elle est entretenue sciemment par un parti politique. Les juifs, en France sont menacés par cette haine toujours renouvelée, tandis qu’Israël, la terre des juifs est dans un combat existentiel.

11 juillet 2025