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Étranger

Avec la veuve, l’orphelin, le pauvre et le lévite, l’étranger est dans une situation de vulnérabilité qui justifie la législation biblique de protection sociale (Dt X,18).

L’hébreu biblique dispose de trois termes pour désigner l’étranger :

  • ZaR : d’une racine qui signifie « se détourner, s’éloigner, être contraire, être ou devenir étranger, être barbare ». Désigne ce qui est éloigné de la volonté divine (un zèle étranger, par exemple, cf. Lv X,1 ; ou une idole - dieu étranger, cf. Ps XCV, 21) ; et aussi quiconque reste étranger au service divin ; enfin celui qui n’a pas le degré de sainteté adéquat pour accéder aux lieux ou objets saints. Ainsi, l’Hébreu qui n’est pas cohen ne peut pas faire les gestes réservés aux fils d’Aaron, il est « étranger » au culte sacerdotal, au même titre que le païen.
  • NoKhRi : d’une racine qui signifie « isolement, solitude » : le païen qui reconnaît le D. Un mais reste dans son peuple d’origine est un NoKhRi (1 R VIII, 41-44).
  • GueR : d’une racine qui signifie « séjourner », désigne l’immigré qui partage la vie des Hébreux et qui, comme tel, est un « prochain » (Lv XIX, 18). Il est soumis aux rites et aux lois (sacrificielles et alimen­taires notamment) d’Israël. C’est lui qui est désigné dans les lois qui protègent les catégories les plus vulnérables de la société, et qui sont rappelées trente-six fois - plus souvent même que la prescription du Chabbat ou de l’amour de D. ! - dans l’ensemble du TaNaKh (Ex XXII, 20 ; Lv XIX, 33 ; Nb XV, 15...). La vulnérabilité de l’étranger est aussi, de manière vitale et essentielle, celle d’Israël (Ex XXIII, 9) : Israël incarne, physiquement et métaphysiquement, la situation de qui­conque séjourne dans un milieu qui n’est pas le sien - la situation d’exil.

Qu’il vienne ou non d’un lieu ou d’un clan extérieur, est étranger celui qui reste étranger aux valeurs d’Israël. Définition qui rend compte d’un séparatisme indéniable, mais qui ne suggère aucun racisme au sens que ce mot a pris depuis le XIXe siècle. L’étranger résidant au sein d’Israël et qui s’y intègre est pleinement admis (cf. Ruth), et il est prescrit de le protéger, voire de l’aimer, au motif maintes fois répété qu’Israël aussi a été étranger en Égypte.

« Étrangère » au cercle de famille ou au peuple d’Israël, la femme est désignée ainsi dans la Bible quand elle est la femme d’autrui, de mau­vaise vie, ou païenne - d’où les interdits qui frappent les relations sexuelles avec elle. Quand il s’agit de femmes cananéennes, le mariage* est interdit à cause de l’implantation géo-religieuse - à l’intérieur de la société hébraïque - des divinités étrangères au culte d’Israël. Le mariage avec des immigrées - leurs dieux se trouvant à l’extérieur de la société hébraïque - présentait moins de risques d’acculturation religieuse. Pourtant, le mariage avec des prisonnières de guerre était autorisé (Dt XXI, 10-14). De fait, les épouses « étrangères » de Moïse, de Samson et de Salomon (voire d’Abraham - si l’on songe à Agar - et de Joseph, avec la fille du prêtre d’On) n’étaient pas des cananéennes.

Les prophètes et les moralistes du VIIIe siècle avant notre ère ont mis en garde contre l’influence néfaste des femmes étrangères, assimilant exogamie et idolâtrie. Mais le mariage mixte ne devient un péché capital qu’à l’époque d’Esdras et de Néhémie (Esd IX & X ; Ne XIII , 23). Il l’est resté, dans la conscience juive, jusqu’à aujourd’hui. Les enfants issus de ces mariages ne sont pas pris en compte dans la continuité généalo­gique.

Pourtant le Messie est traditionnellement doté d’une ascendance où bien des femmes « étrangères » prennent place, de Tamar à Ruth (et à Rahav, la Cananéenne, dans la généalogie des Évangiles).

A.-M. D.