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Pessah / Pâque

Pessah est

  • l’acte de naissance d’Israël en tant que peuple (Ex. Xll,2)
  • le mémorial, sans cesse rappelé dans la Bible et dans la liturgie, de l’irruption divine dans l’Histoire : « Je suis l’Éternel ton D. qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclaves » (Ex. XX ,2 ; Dt V,6)
  • la référence constante pour la relation sociale aux plus démunis : « souviens-toi que tu as été esclave (ou étranger) en Egypte ».

Première des trois fêtes de pèlerinage du calendrier, Pessah dure 7 jours (en Israël ; 8 en Diaspora) à partir du 15 Nissan (mars-avril) . Différents noms sont donnés à la fête :
 HaG HaPeSsaH (d’après Ex. XII, 23) : littéralement la « fête du saut » : lors de la dixième plaie, D. a « sauté » par-dessus les maisons des Hébreux pour les épargner.
PeSsaH est aussi le nom de l’agneau pascal (cf. Luc XXII, 7-8) et, au sens strict, désigne le premier jour de la fête. A l’époque du Temple->3166], un agneau ou un bouc de moins d’un an était sacrifié l’après-midi du 14 Nissan en offrande communautaire (par un nombre de personnes qui se regroupaient dans ce but). La nuit suivant le sacrifice, il devait être rôti entier et consommé avec des azymes et des herbes amères. Depuis la destruction du Temple, il n’y a plus de consommation de viande d’agneau à l’occasion de Pessah.
A l’époque biblique, une « seconde Pâque » avait été instituée un mois plus tard (Nb IX,10-13) pour ceux qui, pour des raisons d’impureté rituelle ou d’éloignement, n’avaient pu offrir le sacrifice pascal le 14 Nissan.
 HaG HaMaTsoT (Ex XXIII, 15) « fête des azymes » : les Hébreux, quittant l’Égypte en hâte, n’ont pas eu le temps de faire lever la pâte qu’ils emportaient. C’est le nom des huit jours de la fête durant lesquels on consomme des MaTsoT (azymes).
 HaG HaAVIV (Ex. XIII, 4) « fête du printemps » qui sert de point de départ pour le calendrier * et pour commencer la première récolte de l’orge.
La liturgie synagogale spécifique de Pessah comprend la récitation des Psaumes 113 à 118 (le Hallel et la prière pour la rosée. Le Cantique des Cantiques, allégorie du printemps de l’amour entre D. et Israël, est lu le Chabbat de la semaine de Pessah. A partir de l’âge de la bar­-mitzva, il est d’usage que tout garçon premier-né jeûne la veille de Pessah, en souvenir de la mort des premier-nés égyptiens.
A partir du second soir, on décompte l’Omer, c’est-à-dire la période de qua­rante-neuf jours qui sépare Pessah de Chavouot / Pentecôte, durant laquelle on offrait une mesure (omer) d’orge de la nouvelle récolte (Lév. XXIII, 15).
Les différentes modalités d’application des deux prescriptions essentielles de Pessah - les azymes et la soirée pascale - sont précisées dans le Talmud (Traité Pessahim).
De nos jours, les Samaritains perpétuent le rite de l’agneau pascal sur le mont Garizim (près de Naplouse).

Hametz (levain) et Mâtza (pain azyme)

Pendant la durée de Pessah, il est interdit non seulement de manger du pain levé, mais encore de posséder ou de tirer profit de ce qui est susceptible de fermenter (tout aliment ou boisson à base de blé, orge, avoine, épeautre et seigle).
« Pain de misère » (Dt XVI, 3), la matza est une transition entre le pain de l’Égypte - nourriture élaborée, produit de civilisation - et la manne du désert - nourriture qui ne doit rien au travail humain.
Au plan pratique, durant la fête, aucun levain n’est autorisé (Ex : XII,15 ; Dt XV I, 3ss). C’est pourquoi la veille de Pessah, le chef de famille doit chercher et brûler ce qu’il aura trouvé de miettes de pain et autre Hametz dans sa maison. Cette inspection, à laquelle les enfants sont associés, termine « le grand nettoyage de Pâque ».
Elle symbolise la recherche de tout ce qui pourrait nous maintenir en es­clavage, de toutes les passions qui fermentent en nous, de toute forme d’expansion qui gonfle notre ego.
S’il reste des aliments à base de levain qui n’ont pu être consommés à temps, ils sont mis à part dans un local fermé à clef pendant les huit jours de Pessah, ou font l’objet d’un contrat de vente à un non-juif pour la durée de la fête. Par ailleurs, il est prescrit d’utiliser pour la fête une vaisselle particulière ou purifiée de tout levain.
Les matzot (pains azymes) sont fabriquées à partir de farine, mais leur particularité vient de ce que, de la mouture du blé jusqu’à la cuisson, elles sont l’objet d’une surveillance stricte pour éviter qu’elles ne lèvent et soient donc impropres à la consommation.

Seder

Le SeDeR (= ordre), au cœur de la célébration de la Pâque, est une cérémonie domestique qui se déroule la nuit du 14 au 15 Nissan (et, en Diaspora, se renouvelle le lendemain soir). Selon une liturgie précise, ses quinze étapes s’ordonnent autour du récit de la sortie d’Égypte (Hagada). Le repas est l’une de ces étapes.
Le Seder est fondé sur le devoir des parents d’instruire leurs enfants de la libération de l’esclavage (Ex. XIII, 8). Le rituel - où alternent récit, gestes et consommations - recrée les différentes phases de l’histoire des Hébreux, à l’intention du sage autant que de l’ignorant : chacun est appelé à redevenir un enfant et à vivre en profondeur le passage de la servitude à la liberté.
Sur la table autour de laquelle la famille est installée, il n’y a que les verres, et un plateau sur lequel sont disposés des mets symboliques : pains azymes, herbes amères, eau salée ou vinaigre, purée épaisse de fruits secs (évocation du mortier et des briques que les Hébreux devaient fabriquer), os d’agneau grillé, œuf dur (à la fois rappel du sacrifice supplémentaire des fêtes de pèlerinage et symbole de deuil lié à la destruction du Temple). Ces aliments seront montrés ou goûtés, et commentés au long de la soirée.
On verse quatre coupes de vin - symbole de joie - correspondant aux quatre expressions bibliques de la délivrance (Ex. VI, j), que l’on boit accoudé : à l’époque gréco-romaine où le Seder a été institué , les hommes libres prenaient leur repas ainsi, accoudés sur des divans. Une cinquième coupe - « du prophète Elie » rappelle la dimension messianique de la fête et l’espérance de la rédemption * finale.
La fin du Seder est marquée par la recherche d’un morceau de matsa, caché à l’intention des enfants, pour les maintenir éveillés. Ce morceau correspond au morceau d’agneau pascal qui terminait le repas au temps du Temple, afin de garder en bouche le goût du « pessah » le plus longtemps possible.
Le Seder se fait en suivant la Hagada où alternent questions et réponses, récit et commentaires, louanges et chants populaires. Tous les assistants - à commencer par les enfants - participent, questionnent, donnent des idées. Malgré un rituel fixe, le Seder est ainsi vivant et riche de sens.
Fête de la liberté, Pessah était célébrée clandestinement par les Marranes. Dans le ghetto de Varsovie, elle a été le signal de la révolte armée (avril 1943).

De Pâque à Pâques

La dernière Pâque que Jésus ait fêtée est peu détaillée dans le récit évangélique, sans doute parce que son déroulement était connu de tous.
Jésus forme avec ses disciples le cercle intime qui se réunit pour sacri­fier et consommer, chez un habitant de Jérusalem, l’agneau pascal (Marc XIV, 12ss). Il s’accoude rituellement (Luc XXII, 14). Si « le plat » dont il est question (Mc XIV, 20) est le plateau du seder, on comprend (au-delà de la perspective de la Passion) que Judas n’avait pas à y mettre la main en même temps que le Rabbi, à qui il revenait de diriger la veillée pascale.
La coupe de vin et la bénédiction sur le pain faisaient - et font toujours - partie du seder, de même que les citations bibliques qui émaillent la soirée (Mc XIV, 27 renvoie à Zac XIII, 17) et la récitation des Psaumes 113 à 118 ou Hallel (Mt XXVI, 30). Mais Jésus interprète le rituel du seder en fonction de l’imminence de son martyre.
Devenue un mémorial de la Passion (assonance de Pessah ?) ou le symbole d’un « passage », la fête des Pâques chrétiennes, aux débuts du Christianisme, continuait à être célébrée la nuit. L’agneau, le pain azyme et le vin y sont restés associés, mais au niveau de l’hypostase.

A.-M. D.