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Royaume / Règne / Royauté

MaLKHouT : un seul mot en hébreu biblique sert à désigner le champ d’exercice du pouvoir (royaume), la dignité (royauté), et l’exercice effec­tif du pouvoir (règne).

Dans la perspective du monothéisme éthique, la souveraineté ne se trouve pas chez le roi, ni chez le prêtre, ni dans une caste, ni dans le peuple pris dans son ensemble. elle réside au-dessus de la volonté hu­maine, dans l’Absolu divin : D. seul règne sur Israël, même au temps de la monarchie et de la prêtrise (ce que les prophètes ne cessent de rap­ peler), et il n’est d’autre légitimité du pouvoir que la conformité à la Torah - règle de conduite pour le roi comme pour le citoyen, et condition de la paix.

En ce sens on peut dire qu’il existe une lecture politique de la Torah. Il dépend des chefs d’Israël de donner - par leur gouvernement, par la justice, la paix et la prospérité qui règnent dans leur peuple - l’image du Royaume de D. On ne peut, à proprement parler, définir la royauté en lsraël comme une théocratie : le roi, pas plus que le prêtre ou le prophète, n’est une manifestation de D. sur terre (et faut-il le préciser, il n’est pas non plus son incarnation) ; comme le prêtre ou le prophète et, en définitive, comme tout un chacun en Israël, il est responsable de l’application des mitsvot particulières qui lui incombent.

Le roi David ayant fait d’Israël un peuple indépendant, l’époque de la royauté constitue la clef de voûte de toute l’histoire biblique, avec l’ins­tauration d’un gouvernement et d’un culte stables. A partir de l’Exil de Babylone, Israël, privé de sa monarchie, vit dans la nostalgie de la royauté davidique et l’attente de sa restauration, et transpose la dignité royale sur le Messie de l’eschatologie. C’est le Fils de David qui fera re­connaître D. comme Roi de l’univers par toute l’humanité.

Dans la liturgie juive quotidienne, le Kaddich exprime l’impatience du Règne de D. De même, c’est dans l’espérance de cette reconnaissance et de cet amour universels de D ; annoncés par le prophète Zacharie (XIV, 9), qu’est prononcée à voix basse la bénédiction (qui suit immédia­tement la proclamation « Écoute Israël, l’Éternel notre D. l’Éternel est Un » ...) : « Béni est le Nom de gloire de Son règne à jamais ». En atten­dant de pouvoir la dire à voix haute avec l’ensemble des peuples.

A partir du 1er siècle, les rabbins utilisent l’expression « royaume des cieux » (« cieux » étant employé pour ne pas prononcer le Nom divin) pour désigner soit la souveraineté de la loi divine, soit le temps futur de l’adéquation entre l’idéal de la Torah et la réalité politique.

Dans la littérature rabbinique et apocalyptique , au « royaume des cieux » est opposé « ce royaume-ci ». Ce dernier terme peut désigner ce monde-ci en opposition au monde à venir ; et aussi, dans le contexte de la lutte tragique entre Juifs et Romains aux Ier et IIe siècles, l’empire de Rome - « royaume de la méchanceté » et de l’idolâtrie. La doxologie du Notre Père (« car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ») peut probablement être comprise dans cette perspective.

Selon la Kabbale, la Sefira MaLKHouT est la dernière des dix Sefirot (étapes de la manifestation du divin dans la Création), celle où la vo­lonté divine porte ses fruits. La création est ici l’instrument du règne divin. La liturgie de Roch Hachana - qui célèbre, entre autres, « l’anni­versaire » de la Création - est toute entière placée sous l’invocation de D. comme Roi de la création (le Ps. XXIV y revient comme un leit­ motiv).

A.-M. D.